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L’INIS et Netflix

Nous avons écrit hier que l’entente entre l’INIS et Netflix pour la conception d’un programme de création cinématographique et télévisuelle découlait de l’accord entre Netflix et le gouvernement fédéral pour un investissement de 500 millions dans la production de contenus canadiens. En fait, il s’agit de l’entente de 25 millions, qui s’ajoute aux 500 millions annoncés, pour des activités de développement de marché sur une période de cinq ans. Nos excuses.

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Quand les musées vendent leurs œuvres

Le Musée des beaux-arts du Canada vendra aux enchères, le 15 mai à New York, un de ses deux tableaux de Marc Chagall, dans le but d’acquérir la fameuse toile Saint-Jérôme entendant la trompette du Jugement dernier de Jacques-Louis David. Cette décision controversée survient alors que les ventes d’œuvres par des musées font des vagues ailleurs en Amérique.

La décision du Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) de vendre La tour Eiffel, peinte par Marc Chagall en 1929 et acquise par le musée en 1956, est une première pour cette institution depuis plus de 70 ans.

L’idée de vendre le Chagall n’est pas celle du directeur du MBAC, Marc Mayer, a confié ce dernier à La Presse cette semaine. Mais la décision qu’il a finalement prise « avec sérénité », en tant que dirigeant de la collection d’art canadien et après des avis d’experts et l’accord du C.A. du musée, repose sur le fait que la peinture La tour Eiffel est « peu emblématique » de la collection du musée et qu’elle dort la plupart du temps dans ses réserves.

Estimée à plus de 8 millions, La tour Eiffel est, selon Marc Mayer, « d’une qualité de collection privée et non muséale ».

L’autre peinture de Chagall du MBAC (qui possède aussi 692 œuvres de Chagall sur papier), Souvenirs de l’enfance, « s’inscrit plus pertinemment dans [la] collection exceptionnelle d’art moderne », dit-il.

Et comme elle a été donnée au MBAC dans les années 70, elle ne sera pas vendue.

Dans l’optique d’acheter la toile de Jacques-Louis David et malgré son budget d’acquisition annuel de 8 millions, le MBAC a choisi de vendre un Chagall, mais aussi trois antiquités : deux fragments de relief assyriens vieux de 2900 ans achetés par le musée en 1923 et un portrait de femme de l’Égypte romaine (datant de 1 à 200 ans après J.-C.), en cire d’abeille sur bois, acquis en 1912.

Les œuvres ont été proposées aux musées canadiens par le MBAC en décembre dernier, mais seul le portrait a suscité l’intérêt d’un musée. Quant au Chagall, « ce n’est pas une grande tragédie » de le vendre, estime Marc Mayer.

La directrice du Musée des beaux-arts de Montréal, Nathalie Bondil, a écrit la semaine dernière à Marc Mayer pour lui dire notamment qu’il y avait d’autres avenues que de vendre un Chagall pour espérer acquérir un David.

« Jamais je n’aurais imaginé que le MBAC aurait besoin de vendre un tableau de sa collection pour en acheter un autre alors qu’il a 8 millions, un des plus gros budgets d’acquisition en Amérique. »

— Nathalie Bondil, directrice du MBAM

« Le MBAC est un musée public qui doit protéger le patrimoine national, comme en Angleterre où l’on ne vend pas les œuvres dans les musées publics », poursuit-elle.

Autres cas en Amérique

La volonté du MBAC intervient alors qu’il y a une tendance, en Amérique, à vendre des tableaux muséaux. Le Musée d’art moderne de Rio de Janeiro a annoncé en mars la vente d’un tableau de Jackson Pollock estimé à 31,4 millions. Selon le site ArtForum, le musée estime que Pollock n’étant pas brésilien, ce n’est pas un drame de vendre cette toile pour des raisons financières. La décision, une première au Brésil, a été critiquée par l’Institut brésilien des musées mais entérinée par le ministère de la Culture du pays.

Aux États-Unis, les musées ont le droit de vendre des œuvres. L’an dernier, le Berkshire Museum de Pittsfield, au Massachusetts, avait annoncé la vente de 40 œuvres de sa collection par Sotheby’s dans le but d’obtenir 55 millions pour améliorer ses finances. La décision a été contestée devant les tribunaux. Au début du mois, la Cour suprême du Massachusetts a autorisé cette vente.

Quelques jours plus tard, le Lucas Museum of Narrative Art, fondé par le réalisateur George Lucas et qui ouvrira à Los Angeles en 2022, a annoncé l’achat de l’œuvre la plus importante du lot, une toile de l’Américain Norman Rockwell estimée à plus de 20 millions. Le tableau demeurera donc accessible au public, contrairement aux autres œuvres, d’Alexander Calder et d’Henry Moore, notamment, qui seront mises aux enchères.

Code d’éthique

Aux États-Unis, les musées doivent respecter le code d’éthique de l’American Alliance of Museums (AAM) qui stipule que les ventes d’œuvres ne doivent servir qu’à en acquérir d’autres. L’AAM a critiqué le Berkshire Museum, estimant qu’il brise la confiance du public et des mécènes.

L’AAM craint que le cas du Berkshire Museum fasse tache d’huile… ce qui semble être le cas. En janvier dernier, l’université privée La Salle, de Philadelphie, a annoncé la vente chez Christie’s de 46 œuvres de sa collection, dont des Matisse, des Degas et des Ingres, pour « consolider ses finances ». Une explication qui a soulevé l’ire d’experts américains qui accusent l’université de vouloir « tuer le musée » en vendant des œuvres acquises par son fondateur.

Tout le monde ne partage pas cet avis. En janvier, Michael O’Hare, professeur de politiques publiques de l’University of California, a affirmé dans le San Francisco Chronicle que les musées doivent pouvoir se départir d’œuvres si cela permet d’éviter des hausses du prix d’entrée.

En Europe

La vente d’œuvres par des musées publics en Europe est rare. Elle est presque impossible en France, au nom du principe d’inaliénabilité. « Une collection publique est différente d’une collection privée », a récemment dit, sur le site Big Think, le directeur du musée Reina Sofia, de Madrid, Manuel Borja-Villel. La collection publique a un élément de mémoire. Nous devons respecter ce que des collègues ont constitué avant nous. »

Au Canada, il n’y a pas de règle concernant l’aliénation d’œuvres d’art par les musées publics. « Il revient aux conseils d’administration de chaque institution de statuer sur cette question, dit Stéphan La Roche, directeur du Musée de la civilisation de Québec. Au MCQ, on ne peut pas vendre un bien pour en acheter un autre. Encore moins une œuvre d’art. Pour moi, c’est une approche iconoclaste. »

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