Budget du Québec

Les défis économiques et l’urgence climatique éclipsés

Le budget provincial à saveur électoraliste de mardi s’est traduit en mesures ponctuelles offrant de petites joies sans lendemain plutôt qu’en mesures structurantes qui auraient entamé la transition écologique de l’économie et assuré le passage vers l’ère post-pandémique. Des recettes fiscales imprévues (12,4 milliards) placent le ministre des Finances dans une posture enviable et lui permettent de distribuer des cadeaux préélectoraux, mais le gouvernement échoue ainsi à répondre aux grands défis de l’heure.

Le budget des 500 $

En versant 500 $ à chaque adulte gagnant jusqu’à 100 000 $, le gouvernement opte pour une mesure ponctuelle et régressive. Si personne ne se plaint de recevoir cet argent, pour plusieurs, il agira comme un revenu supplémentaire imprévu plutôt qu’une aide financière. Cette mesure est inefficace, car elle ne cible pas les populations qui sont réputées être les plus affectées par l’inflation, c’est-à-dire les ménages gagnant moins de 60 000 $ (ou les personnes seules gagnant près de 30 000 $). Plutôt que d’offrir un réel soutien à celles et ceux qui pâtissent le plus de l’inflation, le gouvernement a choisi d’offrir une petite gâterie à la majeure partie de la population. Il avait pourtant un outil simple pour distribuer adéquatement ces sommes : le crédit d’impôt pour solidarité.

Le gouvernement dispose de nombreux autres outils pour protéger le pouvoir d’achat des ménages québécois face à l’inflation, surtout les plus vulnérables. Un de ses pouvoirs consiste à exercer des pressions à la hausse sur les revenus à long terme, mesure qui serait appropriée dans le cadre d’une inflation qui n’est pas causée par une hausse de la consommation. Des mesures ayant des effets pérennes, comme la bonification du crédit d’impôt remboursable pour le soutien aux enfants et un nouveau rehaussement du plafond de l’aide maximale versée aux aînés de 70 ans et plus, ont été négligées. Elles auraient pourtant eu l’avantage de viser particulièrement les populations touchées par l’inflation. Dans le secteur des soins, il est à redouter que la privatisation des services projetée par le gouvernement, si elle s’applique à des domaines comme les soins à domicile ou l’hébergement, mine d’autant plus le pouvoir d’achat des femmes et particulièrement celui des femmes racisées, puisque les salaires y sont généralement plus bas dans le secteur privé que dans le réseau public.

Pour agir sur les dépenses des ménages, une voie à suivre aurait pu être la réduction des frais des services contrôlés par l’État (gel des droits de scolarité, diminution des frais de garde par l’achèvement d’un réseau subventionné, tarifs d’électricité). Un recul sur la décision de fixer les tarifs d’hydroélectricité en fonction de l’inflation aurait été une mesure aussi simple qu’efficace pour protéger l’ensemble des ménages. En maintenant cette décision, le gouvernement participe activement à renforcer l’inflation dans les prochaines années alors que le coût de la distribution d’électricité au Québec, pourtant centrale aux coûts de production dans la province, se voit artificiellement gonflé par les choix du gouvernement. Cela affecte pour les années à venir le prix des paniers de consommation des Québécois.

Manque d’ambition environnementale

Il est malheureux de voir qu’en contexte de flambée des prix du pétrole et de l’essence, les mesures qui visent à réduire la dépendance de l’économie québécoise aux énergies fossiles soient reléguées au second plan. Plutôt que de privilégier le transport collectif en pénalisant l’utilisation de la voiture solo, le gouvernement choisit de dépenser plus de 4,3 milliards sur 10 ans pour l’élargissement et le développement des autoroutes, notamment dans des banlieues comme Brossard et Laval.

En conclusion, bien que ce budget n’annonce pas de temps sombres imminents, le choix des dépenses n’apparaît pas judicieux compte tenu des défis économiques et écologiques auxquels le Québec est confronté dans l’immédiat.

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