COVID-19

Et si on initiait les enfants confinés à la philosophie ?

Dessiner un aspirateur à inquiétudes. Classer des images de la plus belle à la plus laide pour mieux saisir le concept de beauté. Se poser quatre questions sur la solitude et y répondre en famille, pendant le souper. Écrire une histoire sur la monotonie.

Voilà le genre d’activités proposées dans « Les QuêtesPhilo », un projet interactif développé par l’Institut Philosophie Citoyenneté Jeunesse (IPCJ) de la faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal (UdeM) spécifiquement pour les enfants de 7 à 12 ans en confinement.

Les activités permettent aux enfants de réfléchir à des questions philosophiques, mais cette réflexion est « appuyée par un projet créatif », explique la professeure Natalie M. Fletcher, coordonnatrice scientifique à l’IPJC. L’approche qu’elle a créée se nomme « philocréation ». Les enfants, dit-elle, ne réalisent souvent même pas qu’ils font de la philosophie tant ils sont immergés dans un projet créatif.

Les activités des « QuêtesPhilo  » se divisent en neuf thèmes : créativité, solitude, ennui, perte, résilience, inquiétude, espoir, entraide et changement. Elles visent à amener l’enfant à mieux saisir ses émotions, mais aussi ses pensées, ses motivations, ses doutes. « On a choisi expressément des concepts philosophiques qui ont une dimension expérientielle vraiment familière pour nous tous », explique Natalie M. Fletcher, professeure associée au département de philosophie de l’UdeM.

« Ça permet de voir comment un concept peut être vivant en nous, pour voir la pertinence de la philosophie dans la vie quotidienne, mais surtout en ce moment, durant la crise. »

— Natalie M. Fletcher, professeure associée au département de philosophie de l’UdeM et coordonnatrice scientifique à l’Institut Philosophie Citoyenneté Jeunesse

Installer une routine philosophique

Chaque thème propose des activités que les enfants peuvent faire à un moment précis de la journée, comme au réveil ou pendant le repas en famille. Le but est d’installer une routine qui fait parfois défaut en ces temps particuliers, note Mme Fletcher. On propose aussi des variations pour adapter les activités aux plus petits et aux adolescents.

Alors qu’il existe de nombreuses ressources en ligne pour les enfants, qu’est-ce qui devrait inciter les parents (qui ne savent parfois plus où donner de la tête) à choisir celles-ci ? Deux éléments, selon Mme Fletcher.

« Le premier, c’est que la philosophie, surtout à travers la philocréation, nous permet d’en apprendre un peu plus sur les autres membres de notre famille, dit-elle. Ça nous encourage à poser des questions qu’on ne pose pas généralement. Des familles nous disent que ça rapproche les enfants de leurs parents et de leurs frères et sœurs. »

« L’autre raison est plus large et plus connectée à nos missions plus militantes à l’institut, qui est de contribuer à changer notre perception de l’enfant, poursuit la professeure. Beaucoup d’adultes pensent que les enfants ne sont pas capables de faire de la philosophie, qu’ils n’ont pas la capacité de réfléchir à ce niveau-là. » Or, dit-elle, les enfants en sont très bien capables. Ils sont aussi capables de prendre position et de prendre la parole. « Et pour l’enfant, c’est très valorisant », ajoute Natalie M. Fletcher, qui souligne que cette prise de parole peut se traduire par une diminution des tensions à la maison.

« Pour moi, ce serait vraiment beau si, dans toute cette tragédie qu’on vit, il y avait une valorisation de la pensée des jeunes et de leur capacité de s’exprimer durant un temps très difficile », conclut Natalie M. Fletcher.

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