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Édition du 5 novembre 2022,
section ARTS ET ÊTRE, écran 15
« Ce n’est pas que je ne veux pas vendre, dit la diplômée de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et de Concordia. Mais mon premier choix a toujours été d’aller vers des œuvres qui font réagir. Pour moi, les objets artistiques sont incomplets. D’où mon intérêt pour les installations, afin que le spectateur puisse interagir. »
Intéressée par la relation de l’être humain avec son environnement, Diane Gougeon – qui a enseigné au Cégep Édouard-Montpetit et au Collège Jean-de-Brébeuf – crée des œuvres au rythme de son envie d’évoquer les enjeux qu’elle constate, tel l’impact de la technologie dans nos vies.
Élève de la photographe Irene Whittome, elle a aussi touché à la sculpture, a collaboré avec Articule et Optica, et exposé chez Samuel Lallouz, Circa et Joyce Yahouda. Elle a réalisé des interventions poétiques en milieu urbain, comme À demi-mots, en 1997-1998, avec des inscriptions lumineuses en français sur des taxis pour souligner la richesse du vocabulaire français. « Je préférerais d’ailleurs que Montréal soit une ville française plutôt que bilingue, dit-elle. Même si mon conjoint est anglophone et que je parle anglais ! Il faut protéger notre héritage. » La langue, l’environnement, la mémoire. Des thèmes qui ont tracé sa voie artistique, pavée de bonnes intentions.
Diane Gougeon est en plein dans son projet Les papiers peints de demain, une installation de grandes impressions plaquées sur les murs de sept lieux culturels et scolaires. Aux motifs évoquant la nature dans le contexte des changements climatiques. Chaque lieu a son motif et son sujet de réflexion. Les nuages sont le thème à l’Usine C. Le plancton, à l’Espace culturel du campus longueuillois de l’Université de Sherbrooke. Les abeilles, à l’Université de Sherbrooke. L’extraction minière, au Cinéma du Parc, et la forêt boréale menacée, à l’École nationale d’administration publique.
À partir du 22 novembre, la chaleur sera le sujet évoqué au Cégep Édouard-Montpetit et les icebergs, à l’École nationale d’aérotechnique. Mis à part son aspect esthétique, l’œuvre est interactive grâce à des marqueurs de réalité augmentée imprimés qui permettent d’accéder à des sons. Comme le bruit d’un drone suggérant le bourdonnement d’une abeille. « Des drones font déjà de la pollinisation, dit Diane Gougeon. C’est choquant. On détruit les ressources naturelles et on les remplace par des abeilles mécaniques... »
Après avoir eu un atelier dans le centre-ville, Diane Gougeon a trouvé, il y a 10 ans, un grand local dans le quartier Côte-des-Neiges. « Ça n’a pas changé de prix depuis, dit-elle. Cinq dollars et demi le pied carré ! J’aimerais bien qu’il y ait d’autres artistes dans l’édifice, car ce sont surtout des églises ! »
Diane Gougeon a séparé son atelier en deux, avec une cloison amovible : une partie menuiserie et une autre où se trouvent plusieurs œuvres du passé et des tests des Papiers peints de demain. Également, des photographies d’arbres élagués et deux boîtiers rétroéclairés, avec une image de sédimentation de neige dans un dépôt municipal et de la neige sale prise de proche et qui donne une impression de paysage lunaire.
Diane Gougeon travaille depuis longtemps sur les arbres mutilés à cause d’interventions humaines, notamment pour protéger... les fils électriques. Depuis deux ans, après avoir été touchée par The Overstory, de Richard Powers, sur les forces méconnues de la nature, elle s’intéresse aux forêts primitives du Québec.
« J’ai établi des contacts au ministère des Forêts et je suis allée voir les arbres d’une forêt ancienne, dit-elle. Certaines forêts datent du début de la colonie, préservées parce que difficiles d’accès. Peut-être que je ferai un corpus avec de la photographie holographique de grand format. » L’artiste veut mener ce projet en collaboration avec les communautés locales, dont autochtones. « Car je veux que mon projet ait du sens », dit-elle.
Quelques œuvres