Sondage CROP

Un Noël à la maison

Environ 60 % des Québécois ont l'intention de lutter contre le virus en restant à la maison et en fermant leur porte aux convives pour Noël. Ceux qui se rassembleront comptent presque tous respecter les règles de Québec, révèle un sondage CROP. Ces résultats réjouissent les experts en santé, qui demeurent néanmoins prudents : est-ce que les répondants passeront de la parole aux actes ? À Ottawa, les autorités sanitaires prévoient que trois millions de Canadiens pourront être vaccinés dans les trois premiers mois de 2021.

Temps des Fêtes

Les Québécois comptent se plier aux règles

Une proportion très élevée de Québécois, 60 %, a l’intention de rester à la maison pour Noël et de ne pas recevoir de gens qui n’habitent pas sous leur toit. Et donc de ne pas adopter de comportements qui pourraient les mettre à risque et encourager une résurgence de la pandémie après les Fêtes.

C’est la réponse étonnante à un sondage CROP réalisé entre le 19 et le 24 novembre derniers auprès de 1000 personnes.

Dans le même esprit, les Québécois affirment massivement vouloir respecter les consignes de prudence données par le gouvernement. À la question « Comptez-vous respecter un maximum de 10 personnes », 96 % répondent oui. Ils sont aussi très nombreux (93 %) à accepter de s’en tenir aux dates du 24 au 27 décembre pour recevoir ou visiter des proches, et à s’engager (87 %) à s’isoler préventivement avant et après cette période pendant une semaine.

« C’est beaucoup plus que je pensais », lance Gaston De Serres, médecin-épidémiologiste à l’Institut national de santé publique du Québec, un des spécialistes dont La Presse a sollicité les commentaires.

« J’ai l’impression que notre société est en réflexion, actuellement. Il y a les directives du gouvernement, mais il y a aussi ce que les gens veulent ou ne veulent pas faire, poursuit-il. Je pense qu’il y a une hésitation qui est un peu généralisée en ce moment. Il y a des préférences, mais est-ce que la position des gens est déjà assise ? Je n’en suis pas sûr. Et je crois que ça va continuer à évoluer au cours des prochaines semaines. »

Un Noël différent

Dominic Bourdages, vice-président chez CROP, s’étonne aussi de voir qu’une proportion aussi grande de Québécois est prête à mettre une croix sur les réunions de famille.

« Dans le fond, les gens ont vraiment envie de fêter Noël, mais ils ont décidé que cette année, ce serait un Noël différent. Je trouve ça très, très positif. Noël, c’est plus culturel que religieux, maintenant. »

« À Noël, on se réunit. C’est une habitude qui est ancrée très fortement chez les gens. Et là, tout d’un coup, il y a 6 personnes sur 10 qui disent, non, moi, je reste à la maison. C’est énorme comme prise de position. »

— Dominic Bourdages, vice-président chez CROP

M. Bourdages ajoute que ceux qui comptent voir des gens à Noël ne sont pas délinquants pour autant. « Il faut voir comment ils vont se comporter », dit-il.

Par définition, pour les 60 % des répondants qui ont l’intention de ne fêter qu’avec ceux avec qui ils vivent, la question du respect des consignes spécifiques pour les Fêtes ne se pose pas, puisqu’ils ne modifieront pas leur comportement.

Pour le sous-groupe de 40 % qui compte célébrer de façon plus festive, l’adhésion aux règles est également élevée. Ainsi, 36 % se limiteront à 10 convives, contre 4 % qui ne le feront pas. Et 33 % respecteront la plage du 24 au 27 décembre, contre 7 %. Cependant, l’appui à la consigne de l’isolement préventif est plus faible, 27 %, contre 13 %.

« Biais de désirabilité »

Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, se réjouit de ces résultats, mais se demande si les réponses obtenues ne sont pas teintées par un « biais de désirabilité ».

« Est-ce que les gens ne répondent pas ce qu’ils pensent qu’il faut répondre, mais, que finalement, ne respecteront pas ? », demande-t-elle.

« On n’a pas intérêt à dire, oui, oui, je vais recevoir 15 personnes ou 20 personnes et encore moins à un sondeur. Mais ce qui est intéressant, c’est qu’on voit que les gens sont sensibles. »

— Roxane Borgès Da Silva

Mme Da Silva fait remarquer, par ailleurs, que les hommes sont plus nombreux à dire qu’ils ne respecteront pas le maximum de 10 personnes, 6 % comparativement à 2 % pour les femmes. Et que les femmes veulent davantage se réunir pendant les Fêtes, 44 %, contre 36 % pour les hommes.

« Les femmes vont respecter les 10 personnes, mais elles vont voir du monde, c’est sûr », analyse-t-elle.

La donnée qui surprend le moins cette experte est celle concernant les personnes qui n’ont pas l’intention de s’isoler avant et après les Fêtes (13 %).

« On sait qu’il y a beaucoup de gens qui ne pourront pas respecter l’isolement préventif. J’en connais plein : des livreurs chez Purolator, des gens qui travaillent dans les épiceries, les pharmacies, les manufactures, les paramédicaux, les travailleurs de la santé… Mais 87 % de gens qui disent qui vont le respecter, ça me paraît très élevé. »

Benoît Mâsse, épidémiologiste et professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, ajoute que cette réponse peut aussi s’expliquer par le fait que plusieurs Québécois sont incapables de forcer leurs enfants à s’isoler.

« Sincèrement, on pourrait penser que c’est de la défiance à des mesures, dit-il. Mais, moi, j’ai des enfants relativement jeunes et je ne suis pas capable de leur imposer un isolement, c’est trop. Ils sont déjà pris dans une situation très difficile. Et lorsque les vacances arrivent, leur dire que pour une réunion qu’on va avoir, le 25 ou le 26 décembre, on va s’isoler… C’est beaucoup demander pour un souper ou un rassemblement de quelques heures. »

La capitale se distingue

La proportion de gens qui ne comptent pas respecter le confinement volontaire est plus grande dans la région de Québec, selon le sondage, qui décompose les réponses par région, sexe, âge, revenu du ménage, langue maternelle et adhésion aux thèses complotistes.

Dans la capitale nationale, même si les gens ont l’intention, pour la très grande majorité, de respecter les règles du temps des Fêtes, les opposants sont plus nombreux que dans la région métropolitaine. Ils sont 6 % à ne pas vouloir respecter la règle des 10 personnes (3 % à Montréal), 12 % à refuser de s’en tenir aux dates du 24 au 27 décembre (5 % à Montréal), et 22 % à ne pas vouloir se plier à l’isolement préventif (9 % à Montréal).

« On voit des gens dans la région de Québec qui semblent un peu moins enclins à suivre le contrat moral que nous propose le premier ministre Legault », souligne Dominic Bourdages, de CROP.

« Moi, je suis dans la région de Québec, ajoute le DGaston De Serres. Je ne me réjouis pas de ça. Mais il ne faut pas non plus dramatiser. La grande majorité de la région de Québec va respecter les règles. »

Méthodologie

Ce sondage a été réalisé entre le 19 et le 24 novembre derniers par l’entremise d’un panel web. En tout, 1000 questionnaires ont été remplis par des Québécois de 18 ans et plus. Les résultats ont été pondérés pour refléter la distribution de la population étudiée, selon le sexe, l’âge, la langue maternelle et la scolarité des répondants. CROP note que, compte tenu du caractère non probabiliste de l’échantillon, le calcul de la marge d’erreur ne s’applique pas.

Trois millions de Canadiens vaccinés d’ici mars

À condition que les deux vaccins candidats soient homologués, précisent les autorités fédérales

Ottawa — Les autorités sanitaires canadiennes prévoient que trois millions de Canadiens pourraient être vaccinés contre la COVID-19 d’ici la fin mars 2021 si les deux vaccins candidats les plus prometteurs, soit Pfizer et Moderna, sont homologués.

« Si les deux vaccins candidats les plus prometteurs sont approuvés, on s’attend à six millions de doses, ce qui signifie qu’environ trois millions de Canadiens seraient vaccinés au début, car il faut deux doses », a exposé jeudi le DHoward Njoo, administrateur en chef adjoint de l’Agence de la santé publique du Canada.

Le comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) a proposé un ordre de priorité pour la vaccination ; on suggère de faire passer en premier les personnes âgées, les personnes vulnérables et les travailleurs de la santé ou essentiels. Il reviendra aux gouvernements des provinces et des territoires de trancher à ce sujet.

On a tout de même confiance, à Ottawa, que la majorité des autres Canadiens pourront avoir accès au vaccin en 2021, puisque le fédéral a conclu des ententes avec sept manufacturiers – on a acheté 194 millions de doses et on détient une option sur 220 millions de doses, pour un possible total de 414 millions de doses.

Les autorités fédérales n’ont pas voulu ouvrir davantage leur jeu quant au calendrier de livraison pour les trois premiers mois de 2021, la sous-ministre adjointe chez Services et Approvisionnement Canada, Arianne Reza, invoquant des motifs de nature concurrentielle.

« Afin de protéger notre position de négociation et les renseignements commerciaux […] dans les contrats, on ne peut pas décrire en détail », a-t-elle plaidé.

« Sachez que nous négocions activement, chaque jour, les calendriers de livraison avec les fournisseurs. »

— Arianne Reza, sous-ministre adjointe chez Services et Approvisionnement Canada

Le Canada compte 38 millions d’habitants ; c’est donc dire qu’environ 8 % de la population serait vaccinée dans le premier trimestre de 2021. Quelque 6,8 millions de Canadiens sont âgés de 65 ans et plus, et environ 2,5 millions de personnes œuvrent de près ou de loin dans le domaine de la santé, selon Statistique Canada.

une Approbation en décembre ?

Le sceau d’approbation de Santé Canada pour les vaccins candidats devrait en outre venir assez rapidement, possiblement dès la mi-décembre, c’est-à-dire à peu près en même temps qu’aux États-Unis et dans les pays de l’Union européenne, a noté la Dre Supriya Sharma, conseillère médicale principale chez Santé Canada.

« Nous travaillons très étroitement avec nos collègues tant à la Food and Drug Administration qu’à l’Agence européenne des médicaments. Nous examinons les mêmes données ; nos mécanismes d’approbation en cas d’urgence sanitaire sont très similaires », a-t-elle indiqué aux côtés du Dr Njoo, jeudi.

« Nous nous attendons à prendre une décision sur les vaccins à peu près au même moment ; cela dépendra vraiment des données scientifiques, mais compte tenu du rythme auquel nous avançons, nous nous attendons à être en mesure de prendre une décision en fonction de cet échéancier », a ajouté la Dre Sharma.

Il faut habituellement plus d’un an avant qu’un vaccin soit approuvé par les autorités de la santé publique au Canada, mais en vertu d’un arrêté d’urgence signé au mois de septembre dernier par la ministre de la Santé du Canada, Patty Hajdu, le processus a été accéléré.

Même sans approbation, des doses de vaccin peuvent être livrées et entreposées ici, dans les congélateurs dont on a fait l’acquisition au Canada. Au total, Ottawa en a acheté 126, dont 26 dont la température peut atteindre -80 degrés Celsius, le vaccin de Pfizer devant être conservé à environ -75 degrés.

Legault veut une date

À Québec, le premier ministre, François Legault, a affirmé que le gouvernement se préparait pour être prêt à vacciner dès le 1er janvier.

La campagne de vaccination sera orchestrée dans la province par Jérôme Gagnon – sous-ministre adjoint au ministère de la Santé et des Services sociaux – et le Dr Richard Massé de l’équipe de direction de santé publique. « La seule chose qu’on attend, c’est que le fédéral nous dise quand on va commencer à recevoir les doses puis combien on va en recevoir par semaine », a dit M. Legault.

« Avec la vaccination, l’espoir est là, mais la bataille n’est pas finie. Je reviens sur ce que disait le Dr Anthony Fauci la semaine dernière : c’est pas mal plate, dans une guerre qu’on sait qu’on va gagner, d’être parmi les derniers tombés au combat dans les derniers mois avant la fin de la guerre. Donc, soyez prudents dans les mois qu’il nous reste », a ajouté le premier ministre du Québec.

Le premier ministre Trudeau s’est entretenu jeudi soir avec ses homologues provinciaux et territoriaux. Selon nos informations, aucune date de livraison du vaccin n’a été fournie.

« On s’en remet aux experts. Ce n’est pas quelque chose de politique ; il faut absolument garder la confiance des gens », a noté une source fédérale.

Les autorités sanitaires comptent dorénavant offrir une séance d’information technique par semaine sur la vaccination. La semaine prochaine, il sera principalement question de la logistique entourant la distribution du vaccin, une mission à laquelle participeront notamment les Forces armées canadiennes.

— Avec Hugo Pilon-Larose, La Presse

Des reproches de Dubé qui font sourciller à ottawa

On a sourcillé à Ottawa après que le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, Christian Dubé, a reproché à son homologue fédérale, Patty Hajdu, d’être avare d’informations sur l’enjeu de la vaccination – des doléances qu’il a exprimées sur les ondes de LCN, mercredi. Or, d'après une source fédérale bien au fait du dossier, le ministre Dubé n'a participé à aucune des conférences téléphoniques organisées par la ministre Hajdu depuis qu'il est entré en poste, en juin dernier. « Sa prédécesseure, Danielle McCann, participait à ces appels-là, et lui n'a jamais participé. Ce sont toujours ses fonctionnaires. À titre comparatif, la ministre de la Santé de l'Ontario, Christine Elliott, a participé à presque tous les appels », a confié à La Presse cette personne qui a requis l'anonymat. « Les appels des ministres de la Santé, c'est un moment important pour partager les meilleurs pratiques, échanger des informations... si c'était bon pour la ministre McCann, pourquoi est-ce que ce n'est pas bon pour le ministre Dubé? », s'est interrogée cette même source. À Québec, on a confirmé que Christian Dubé n’avait en effet jamais participé à ces échanges. « Il demeure qu’il confie très sérieusement la tâche au sous-ministre associé Daniel Desharnais […] . Soulignons que monsieur Dubé a déjà confirmé sa présence lors de la prochaine rencontre avec ses collègues ministres de la Santé en début de semaine prochaine», a écrit à La Presse sa porte-parole Marjaurie Côté-Boileau.

— Mélanie Marquis, La Presse

ouest de Montréal

Des mesures d’urgence exigées dans un CHSLD fortement infecté

Une dizaine de personnes ont manifesté devant le centre gériatrique Maimonides pour exiger des mesures d’urgence afin de stopper la propagation dans ce CHSLD, comme la fin de la mobilité des employés entre les zones froides et les zones chaudes. Une cinquantaine de résidants ont été infectés par la COVID-19 dans les 15 derniers jours.

Le père de Joyce Shanks vit dans ce CHSLD de l’ouest de Montréal depuis cinq ans. « Il n’a pas pogné la COVID, grâce à Dieu, mais nous avons peur », a lancé Mme Shanks, membre du Comité de défense des familles de Maimonides, qui a pris la parole jeudi après-midi pour dénoncer la situation.

Le comité affirme que le manque de personnel dans le centre gériatrique « oblige le personnel infirmier à travailler à plusieurs étages ou dans plusieurs ailes, y compris entre les zones chaudes et les zones froides ».

« Le CIUSSS dit qu’il n’y en a pas, de pénurie de personnel. Mais on a des témoins qui nous disent le contraire, dont des membres du personnel, mais ils ont peur de parler publiquement et de perdre leur job. »

— Joyce Shanks

Les membres du comité demandent au gouvernement Legault d’envoyer la Croix-Rouge et une équipe d’intervention pour protéger les résidants et le personnel. Dans les deux dernières semaines, 52 résidants ont été infectés par la COVID-19 et 4 sont morts. De plus, 20 membres du personnel et 7 proches aidants du CHSLD ont été déclarés positifs.

« Tous le même but »

Le maire de la Ville de Côte-Saint-Luc, Mitchell Brownstein, a livré un message émotif en parlant notamment de son cousin de 62 ans qui a perdu la vie durant la première vague dans ce CHSLD. « Ce n’est pas acceptable d’avoir 52 cas positifs à la COVID dans un immeuble où il y a beaucoup de personnes vulnérables. Ce sont nos parents, nos grands-parents », a-t-il dit.

En conférence de presse jeudi, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a souligné qu’avec l’aide de son équipe, il allait élaborer un plan pour tenter de contrôler les éclosions dans les trois CHSLD « qui sont en situation délicate », dont celui dans Côte-Saint-Luc. Il a été question d’envoyer du « personnel supplémentaire » si nécessaire.

Lorsqu’une employée de l’équipe de David Birnbaum, député libéral de D’Arcy-McGee, a annoncé que le ministre venait d’affirmer qu’il allait intervenir rapidement, les manifestants ont applaudi la nouvelle.

« Nous partageons tous le même but, celui de sauver des vies », a confié Joyce Shanks.

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