Covid-19 mouvement antimasque

Le Barreau du Québec se bat contre Facebook pour faire fermer le compte d’une figure de proue du mouvement antimasque. De son côté, le maire de Rimouski souhaite que la manifestation contre le port du couvre-visage prévue samedi dans sa ville soit annulée.

Facebook visée par des allégations d’outrage au tribunal

Dans ce qui pourrait être une première au Québec, le Barreau tente de forcer Facebook à comparaître en Cour supérieure pour outrage au tribunal, devant son refus de fermer définitivement le compte de Mario Roy, une des figures de proue du mouvement antimasque.

M. Roy, qui a lui-même déjà été reconnu coupable d’outrage au tribunal en lien avec des accusations de pratique illégale de la profession d’avocat, a déposé ces derniers jours à la SQ une plainte criminelle privée contre François Legault et Horacio Arruda, qu’il accuse de « haute trahison ». Il menace aussi d’« arrestation citoyenne » les 125 députés de l’Assemblée nationale, puisqu’ils ont refusé d’adopter une motion de son cru visant le « désaveu » du gouvernement en lien avec les mesures sanitaires.

Il comptait mercredi soir parmi les orateurs sur scène lors de la manifestation antimasque tenue au parc La Fontaine, à Montréal, où il a été accueilli en héros sous une salve d’applaudissements. Il a soutenu que sa démarche judiciaire privée était prise très au sérieux par les autorités et par la Sûreté du Québec (SQ).

Plaideur quérulent

L’homme, dont certaines vidéos récentes ont été visionnées par plus de 40 000 personnes sur Facebook, a été déclaré « plaideur quérulent » en février dernier par la Cour du Québec, dans un dossier où il tentait de faire invalider les élections dans la circonscription de Johnson. Les juges Marie Michelle Lavigne et Pierre Lortie lui ont interdit d’introduire toute autre demande en justice en lien avec cette contestation.

M. Roy a gagné en popularité sur Facebook depuis le mois d’avril, et apparaît régulièrement comme orateur dans les manifestations d’opposants aux mesures de contrôle sanitaire. Il martèle aussi sur son compte Facebook que des employés de la DPJ participent à un réseau d’enlèvements d’enfants motivé par le financement gouvernemental.

En juin 2019, la Cour supérieure a émis une ordonnance enjoignant à Facebook de fermer temporairement les comptes de M. Roy, dans le cadre d’une poursuite du Barreau où il avait été reconnu coupable d’avoir « contrevenu sciemment » à une ordonnance lui interdisant de faire des actes réservés aux avocats. Un autre jugement a ensuite ordonné à Facebook de « procéder à la fermeture de tout autre compte qui aurait pu être ouvert par Mario Roy » à la suite du premier jugement.

Nouveau compte sur Facebook

Or, en avril dernier, M. Roy a rouvert un nouveau compte, où il a publié au moins une dizaine de vidéos dans lesquelles il continue de donner des avis juridiques et tient des propos « virulents et outranciers » à l’égard de François Legault, d’Horacio Arruda et de la Direction de la protection de la jeunesse, selon le Barreau. Il y interprète le Code criminel en affirmant qu’il est en droit de déposer des accusations criminelles contre le gouvernement et promet de procéder à des arrestations citoyennes.

Le Barreau affirme que Facebook contrevient à cette ordonnance en permettant à M. Roy d’ouvrir un nouveau compte.

« Selon notre compréhension, l’ordonnance obligeant Facebook à fermer les sites de M. Roy incluait tous les sites à venir. Mais Facebook prétend que ce n’est pas le cas. Facebook nous dit qu’il faut obtenir une nouvelle ordonnance de la cour parce que c’est un nouveau site. »

— Hélène Bisson, directrice des communications du Barreau du Québec

La date à laquelle Facebook pourrait être appelée à témoigner pour les allégations d’outrage au tribunal n’est pas connue pour l’instant. Le réseau social a refusé de commenter puisque la cause se trouve devant les tribunaux.

Le Barreau accuse également M. Roy d’outrage au tribunal en lui reprochant d’avoir « sciemment » contourné l’ordonnance.

Roy promet « une crisse de manif »

Joint par La Presse, M. Roy a dit ne pas avoir été mis au courant de la démarche du Barreau. « Le Barreau ne m’énerve pas du tout. C’est une institution criminelle, j’en ai la preuve », a-t-il lancé. « Si je vais à procès [pour comparaître pour outrage au tribunal], il va y avoir 10 000 personnes devant le tribunal », promet M. Roy, qui a immédiatement publié une vidéo sur Facebook demandant l’appui du public. « C’est clair que ça va être annoncé et qu’il va y avoir une criss de manif », a-t-il ajouté.

M. Roy dit avoir lui-même contacté Facebook pour exiger que la plateforme lui permette d’ouvrir un nouveau compte puisque l’ordonnance de la Cour supérieure n’interdisait pas, selon lui, « les comptes qui auraient pu être ouverts dans le futur ». « Il faut prendre les vrais mots dans le système judiciaire. »

Le professeur de droit Pierre Trudel, spécialiste du droit de l’information, estime pour sa part qu’on est « devant un cas très clair où les tribunaux ont pu se prononcer sur le caractère illégal des propos que tient [M. Roy] ».

« Une fois que le contenu est illégal, Facebook n’a pas le choix de le retirer, à moins que Facebook décide de s’en rendre elle-même responsable. Je ne suis pas sûr que Facebook soit intéressée à se rendre responsable d’un contenu qui vient de quelqu’un qui est quérulent et que les tribunaux ne semblent pas prendre tellement au sérieux », commente M. Trudel.

« Facebook s’expose à une condamnation d’outrage au tribunal. Ce n’est pas une petite condamnation. L’amende ne risque pas de mettre Facebook en faillite, mais c’est surtout le discrédit que ça risque de mettre sur l’entreprise, c’est très sérieux », estime M. Trudel.

— Avec la collaboration de Louis-Samuel Perron, La Presse

À Rimouski, les antimasques devront manifester masqués

Québec — Le maire de Rimouski aimerait que les organisateurs d’une manifestation nationale antimasque prévue samedi dans sa ville annulent leur évènement. À défaut de quoi il invite la Sûreté du Québec à s’assurer que tous les participants portent un masque.

« J’espère que la population de Rimouski ne sera pas mise à risque par des gens qui ne respectent pas la distanciation physique et pourraient venir de zones rouges », soupire Marc Parent.

La manifestation contre l’état d’urgence sanitaire doit rassembler des antimasques des quatre coins du Québec. Des têtes d’affiche du mouvement, comme Alexis Cossette-Trudel et Stéphane Blais, sont attendues à Rimouski.

Cette manifestation sera la première d’importance depuis le décret de mercredi, par lequel Québec oblige maintenant le port du masque dans les manifestations.

Jeudi, le flou régnait toujours : est-ce que ce règlement s’applique uniquement en zone rouge, ou aussi en zone orange comme à Rimouski ? L’obligation de porter un masque en manifestant s’applique partout au Québec, quel que soit le palier d’alerte, a précisé à La Presse le ministère de la Sécurité publique.

« Idéalement, les organisateurs annuleront cette manifestation compte tenu du contexte sanitaire. Mais avec les outils qu’elle a, j’ai bon espoir que la SQ va faire ce qu’il faut pour protéger la population. »

— Marc Parent, maire de Rimouski

Le gouvernement Legault a annoncé mercredi la mise en place de cette règle. Les manifestants qui refusent de porter le masque sont passibles d’une amende de 1000 $, à laquelle des frais d’environ 500 $ s’ajoutent.

« Ce n’est pas rien, là, 1500 $ net. Donc, ça, ça pourrait en décourager certains », a dit au moment de l’annonce la vice-première ministre, Geneviève Guilbault. « On ne peut plus tolérer, comme ça, qu’une minorité d’insouciants compromettent les efforts d’une majorité de gens. »

Le « libre choix »

Sur la page Facebook de l’évènement, des internautes se demandaient s’ils seraient obligés de porter le masque. Plusieurs ont avancé que le décret ne s’appliquait qu’en zone rouge, ce qui est faux.

« Ça aura lieu, 100 % sûr. Pour le masque nous continuons de prôner le libre-choix ! », a simplement écrit l’organisateur, un groupe du nom d’Action coordination.

La Presse n’a pas été en mesure de parler aux organisateurs jeudi.

Un internaute invitait à la désobéissance civile.

« Occupe toi pas des amandes ça vas être contester tout les cours municipales vont déborder de contestation et vont abandonner, l’amande est une simple menace et le covid larme des mondialiste. »

— Stéphane Lafontaine, un internaute, sur la page Facebook de l’évènement

Un porte-parole de la SQ dans l’est du Québec n’a pas voulu dire si les policiers se préparaient à devoir remettre des constats d’infraction en masse samedi.

« La manifestation, c’est un droit constitutionnel protégé par la Charte. D’accord. Mais il y a des conditions », avance le maire de Rimouski.

Marc Parent insiste pour dire qu’il ne craint pas les gens de l’extérieur. Au printemps, il a été l’un des premiers à proposer la réouverture du Bas-Saint-Laurent, dit-il. Mais il craint les complotistes, admet-il.

« Pendant l’été, on a été inondés de voyageurs du Grand Montréal qui étaient extrêmement respectueux des règles de distanciation physique. Les gens de Montréal sont les bienvenus ici, mais pas dans le cadre de ce genre de manifestations là, note le maire. Parce que ces gens ne croient pas à la COVID-19, imaginent un immense complot mondial et ils vont contribuer à la propagation de la COVID-19. »

La région du Bas-Saint-Laurent dénombrait jeudi 69 cas actifs de COVID-19. Il s’agit d’une amélioration marquée depuis la mi-septembre, alors que plusieurs éclosions avaient été répertoriées dans la région. À son pic, le 18 septembre, le Bas-Saint-Laurent dénombrait 119 cas actifs.

Une manifestation contre le port du masque annulée à Montréal

Une manifestation de militants antimasques, prévue au parc Jarry le 11 octobre, a été annulée, après la décision des autorités municipales de leur refuser l’autorisation de tenir leur évènement. « Des règlements municipaux existent pour nous permettre de faire de la gestion de foule. C’était un évènement qui devait présenter des conférenciers, une messe gospel, avec des tickets qui se vendaient. Il faut un permis pour un évènement comme ça, on ne peut pas aller sur le domaine public et décider de faire un show », a expliqué la mairesse de Montréal, Valérie Plante, en point de presse jeudi matin. Étant donné le passage de Montréal en zone rouge et les nouvelles consignes annoncées par les autorités gouvernementales, il n’était « pas approprié » d’autoriser la tenue d’un tel évènement, a souligné Mme Plante.

— Isabelle Ducas, La Presse

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.