Une source de revenus importante en pandémie
« La COVID-19 a frappé en restauration. J’étais bien content d’avoir mes produits en épicerie. C’est quand même une business. On fait aussi ça pour gagner notre vie », lance sans détour Stefano Faita, propriétaire de quatre restaurants qui vend également en épicerie des sauces, des pâtes, des pizzas, des boulettes et même une tartinade chocolat-noisette sous sa propre marque.
Ses sauces tomates, qu’il décrit comme étant son produit « chouchou », semblent, près de quatre ans après leur lancement, avoir convaincu de nombreux consommateurs. S’il refuse de donner des chiffres, le chef italien parle d’une « bonne croissance ». Les volumes de ventes ont doublé entre 2018 et 2020.
« J’haïs ça dire ça, mais pour cette partie-là de notre business, la COVID-19, c’est peut-être la meilleure chose qui a pu nous arriver. » Il ajoute que les gens ont mis dans leur panier des marques qu’ils ne connaissaient pas. Même au Canada anglais, où il est moins connu, ses sauces ont trouvé preneur.
L’équipe de Ricardo Larrivée ne cache pas non plus que, l’automne dernier, l’arrivée en épicerie des boulettes général Tao et des pâtes gratinées à la viande, des plats familiaux prêts à réchauffer, a permis à l’entreprise de souffler un peu.
« Cette diversification d’affaires-là nous a permis de passer à travers les 12 derniers mois de pandémie, d’ouverture et de fermeture », affirme Mireille Arteau, vice-présidente aux opérations de Ricardo Media.
Si l’équipe avait déjà en tête l’idée d’élaborer des plats destinés à la vente au détail, la COVID-19 a précipité les choses. « Le secteur alimentaire est piloté par les mêmes chefs qu’au développement, explique-t-elle. Comme la restauration était fermée, ils ont mis un peu plus d’énergie à développer nos partenariats avec les usines, à avancer le développement de produits. C’est ce qui fait en sorte qu’on a été peut-être plus rapides pour lancer nos collections de produits l’automne dernier. »
« Le secteur alimentaire nous a permis d’avoir une rentrée de revenus qui a compensé pour nos boutiques et cafés qui étaient fermés, reconnaît Mme Arteau. C’est sûr qu’il y a eu un transfert. »
« Toutes les ventes des boutiques se sont transférées vers notre boutique en ligne. Puis, en restauration, les ventes se sont transposées dans les épiceries. D’avoir des produits en épicerie, ça nous a aidés à soutenir ce secteur d’affaires-là. »
— Mireille Arteau, vice-présidente aux opérations de Ricardo Media
Moins d’un an après leur apparition chez IGA, avec qui l’entreprise a une entente d’exclusivité, les produits de Ricardo ont généré des ventes qui dépassent les objectifs de départ, souligne Mireille Arteau. Le poulet en crapaudine, déjà mariné et prêt à cuire, compte parmi les meilleurs vendeurs. Et du côté de Ricardo, comme de celui de Stefano, on a bien l’intention de récidiver et de présenter de nouveaux produits sur les tablettes au cours de l’année.
Si la vente de produits d’épicerie est bénéfique pour les marques Stefano, Ricardo ou encore 3 fois par jour, leur mise en vente sert également les intérêts des supermarchés qui concluent, dans plusieurs cas, des ententes d’exclusivité, soutient Jordan LeBel, professeur titulaire en marketing alimentaire à l’Université Concordia. « On joue du coude pour attirer le consommateur en magasin et avoir des marques fortes, exclusives, qui vont agir un peu comme un aimant, explique-t-il. Et pour se différencier de son concurrent, ça, c’est winner. »
Rappelons, par exemple, que les produits de Ricardo sont uniquement vendus chez IGA. Marilou, avec ses produits signés 3 fois par jour, y a fait un lancement exclusif, mais vend également depuis peu ses repas prêts à réchauffer chez Costco. Les plats surgelés d’Isabelle Huot, docteure en nutrition et auteure de livres de recettes, sont, de leur côté, uniquement vendus chez Metro.
Avec ces marques, les marchands ont une certaine confiance que les clients les adopteront, estime M. LeBel. « La notoriété qui est déjà existante, qui n’est plus à construire, on se dit que ça va aider à vendre le produit. »
Mais avoir un visage ou un nom connu sur une barquette de gâteau ou encore une boîte de côtes levées est-il un gage de succès assuré ? Pas nécessairement, croient les principaux intéressés. « Je pense que ce que ça va faire, c’est qu’au lancement, tu vas bénéficier d’une super belle visibilité. Après, si le produit n’est pas bon, ça va rester sur les tablettes », répond Marilou, dont les plats de poulet au beurre, de boulettes suédoises et autres porcs effilochés sont arrivés en supermarché l’automne dernier.
Celle-ci raconte même avoir couru un risque en se lançant dans les côtes levées, un créneau réservé aux hommes, lui a-t-on dit. « J’avoue que j’ai été un peu stimulée par cette envie-là de montrer que les femmes ont le droit de manger des ribs. C’est l’un des produits qui fonctionnent le plus, donc c’est comme une petite victoire personnelle. C’est une femme avec une robe et des ongles hyper colorés sur la photo. »
« Ça ne veut pas dire que ça va marcher à tout coup », ajoute pour sa part Stefano Faita, en faisant allusion à la notoriété des gens. « Oui, les trois, quatre premiers mois, tu vas avoir des ventes. Mais c’est après sept, huit mois, voire un an, que là tu vois si le produit [fonctionne]. »