Opinion : Élections provinciales

L’éducation à la petite enfance, une priorité pour l'électeur

Nous sommes à quelques semaines des élections au Québec. En période électorale, les promesses fusent de toute part. Chose certaine, nous avons tous des priorités et des choix rattachés aux dites promesses que nous souhaitons voir se réaliser. Bien que nous croyions au vieux proverbe « chose promise, chose due », nous avons appris à nous méfier de l’écart qui existe entre les paroles et l’action. Or, pour faire le choix d’un candidat, il apparaît essentiel de connaître ce sur quoi son parti se fonde pour lancer une série de promesses. Plus précisément, il importe que chaque parti nous fasse part des fondements de son projet de société. Qu’en est-il au juste ?

Fondé sur l’ensemble des valeurs sociales qui le sous-tendent, ce projet présente une vision générale de l’organisation et du fonctionnement de la société ainsi que les principes sur lesquels se basent les objectifs et un plan d’action pour les atteindre. Par exemple, en ce qui a trait à l’éducation, ce projet doit inclure une vision d’ensemble des droits, des attentes et des besoins de tous les individus, de leur naissance jusqu’à la fin de leur vie. Cette vision à court, moyen et long terme suppose la description du rôle que jouent les acteurs impliqués aux plans social, économique et politique.

Pourquoi cette longue démarche ? Personne n’a réussi à bâtir une maison ou un édifice en posant d’abord le toit. La logique veut qu’on y pose d’abord les fondements. Il en va de même pour concevoir et réaliser un projet de société. On peut parler d’économie, d’environnement, de transport et de santé, mais si on ne fait pas de l’éducation une priorité, le reste n’a pas de sens.

De même, on peut avoir un discours qui affirme que l’éducation est une priorité. Que vaut ce discours si les actions qui s’ensuivent manquent de cohérence ?

C’est précisément ce qui se passe au Québec. On affirme reconnaître l’importance de l’éducation et pourtant on coupe à la base, rendant difficile l’édification de la structure. En bref, il importe de comprendre d’abord où se situe la base et comment on peut la rendre solide en vue de passer à l’étape suivante. Actuellement, ce que nous présentent les candidats en vue des prochaines élections relève davantage d’un programme politique ou électoral, soit : « Un ensemble de mesures promises qu’ils s’engagent à mettre en place une fois élus. »

L’intérêt que je porte aux prochaines élections, vous l’avez deviné, se situe plus particulièrement au niveau du fondement de la maison à construire en éducation. Ainsi, dans le cadre d’un projet de société en éducation, il importe de mettre tout en place pour que, dès la naissance, on puisse offrir aux tout-petits un milieu de vie où ils ont toutes les chances de devenir des citoyens aptes à partager avec les autres membres de la société ce qu’ils ont reçu.

L’éducation et la petite enfance

Si l’éducation est à ce point importante dans notre société, elle doit l’être dès la naissance. Considérant que la base de la société se trouve dans cette richesse collective que sont les jeunes enfants, il est de notre devoir de leur assurer, en complémentarité avec les familles, une éducation et des soins de qualité pendant le premier stade de la vie, étape déterminante des étapes ultérieures. À cet égard, les poupons et les tout-petits, soit la petite enfance, ont droit à des milieux de vie qui remplissent une mission éducative et sociale en complémentarité avec la famille.

Les besoins en matière de services de garde n’ont rien de nouveau. Au Québec, leur histoire remonte aux années 1860 alors que des religieuses avaient mis sur pied des salles d’asile pour recevoir les tout-petits dont la mère était sur le marché du travail. Ces femmes dévouées avaient compris le rôle qu’elles devaient jouer en termes d’éducation à la petite enfance. À cette époque, sœur Julie Gaudry décrivait comme suit la philosophie à la base des salles d’asile : « De deux à six ans, l’intelligence de l’enfant doit être développée d’une manière générale dans l’ordre d’idées qui lui apprennent la vie, qui lui fassent des habitudes honnêtes, qui lui tracent une ligne de conduite sûre pour l’avenir. L’enfant apprend la vie, développe des habitudes qui lui tracent une ligne de conduite pour l’avenir. » 

C’est dans cet esprit qu'un siècle plus tard, naîtront les CPE (centres de la petite enfance). Pour y arriver, des garderies non régies ont reçu des tout-petits, des projets-pilotes ont été mis sur pied, des démarches ont été entreprises pour développer le réseau et pour lui donner une politique, une loi et des règlements.

En 1997, le gouvernement, ayant à sa tête Lucien Bouchard, crée le ministère de la Famille et de l’Enfance, sous la responsabilité de Pauline Marois. Il annonce la création des CPE qui joueront un rôle éducatif visant le développement optimal et global de l’enfant. Du même coup, il instaurait l’universalité des coûts aux parents, soit de 5 $ par jour par enfant.

La création des CPE représente un moment important dans cet historique puisque le gouvernement reconnaissait enfin l’existence des tout-petits et leur droit à l’éducation.

C’est à cet âge qu’ils apprennent à marcher, à parler, à développer leur créativité. Dans cette microsociété que représentent les CPE, les tout-petits forment leur personnalité et apprennent les fondements de la vie en groupe dans le cadre d’un programme éducatif qui leur est propre. Ainsi, tout en étant centrés sur le bien-être physique et affectif du jeune enfant, les CPE remplissent un rôle d’éducation, de prévention, de dépistage et d’intervention, ils sont donc essentiels dans le cadre d’une société qui vise l’égalité pour tous ainsi que la réussite scolaire.

La position des partis politiques

Tous les partis politiques sont d’accord pour faire de l’éducation une priorité. À cet égard, on ne peut que les féliciter. Cependant, il est possible de relever certaines incohérences entre les valeurs, les discours et les actions, et ce dans chaque parti.

Bien qu’ils mettent l’accent sur la réussite scolaire, il semble que les moyens pour y arriver se font attendre. On a beau brasser les cartes, rien ne va plus. Serait-ce qu’on oublie que les populations d’enfants qui font ou feront partie du réseau scolaire ne naissent pas lorsqu’ils entrent à l’école ? Peu importe qu’ils fréquentent un service de garde ou qu’ils demeurent à la maison avec un parent, les premières années de leur vie sont riches en expériences et en apprentissages. Dans le cadre de la société, les parents ont besoin de concilier travail et famille, et les tout-petits ont besoin d’un milieu de vie pour répondre à leurs besoins en matière de soins et d’éducation. La création des CPE témoigne qu’au Québec, nous avons compris que l’éducation commence très tôt dans la vie.

Les élections de 2018 sont à nos portes. Les partis politiques ont déjà formulé des promesses. Ainsi, pendant la première partie de son mandat, le Parti libéral du Québec (PLQ), a imposé des rigueurs budgétaires aux CPE et aux garderies privées subventionnées, a rehaussé le crédit d’impôt pour frais de garde et a abandonné le tarif universel à 7 $ pour le remplacer par une modulation des tarifs. Ce qui a eu comme impact de décupler le nombre de places en garderies privées à but lucratif. S’il est élu, le PLQ promet la gratuité des services de garde aux enfants de 4 ans qui fréquentent un CPE ou une garderie subventionnée.

La Coalition avenir Québec (CAQ) promet l’universalité des tarifs à 8,05 $ dans tous les modes de garde. Cependant, les enfants issus de familles dont le revenu est inférieur à 34 000 $ n’auront pas à payer ces sommes. Sans privilégier le développement des CPE, la CAQ promet plus de places dans les services de garde, une meilleure gestion des listes d’attentes et des horaires plus flexibles dans les CPE.

Le Parti québécois (PQ) propose d’abolir la taxe aux familles et le retour au tarif unique de 8,05 $ par jour par enfant dans les CPE et dans les services de garde subventionnés. Ce tarif s’appliquerait au premier enfant de la famille, pour un deuxième enfant, il serait de 4 $ alors qu’à partir du troisième enfant, la fréquentation serait gratuite. Ces tarifs seraient indexés chaque année. De plus, le PQ s’engage à favoriser, de façon accélérée, le développement des CPE au détriment des garderies commerciales à qui il imposerait un gel et proposerait leur transformation en CPE afin de combler le nombre de places en CPE. Enfin, il proposerait que chaque enfant ayant des besoins spéciaux ait accès aux soins et aux services dont il a besoin.

Enfin, s'il est élu, Québec solidaire instaurerait une réelle gratuité de l’éducation du CPE au secondaire pour tous les enfants de 0 à 17 ans. Il éliminerait tous les frais connexes facturés aux parents. Il viserait à atteindre la pleine gratuité de l’éducation en cinq ans pour un total des coûts estimé à 950 millions de dollars grâce à l’arrêt d’un partie des versements au Fonds des générations.

En tant que citoyens, nous aurons des choix à faire à partir de nos valeurs. Aujourd’hui, je m’adresse à vous afin que vous soyez en mesure de mieux connaître les éléments qui, dans ces élections, touchent l’importance de l’éducation à la petite enfance. Je vous invite à vous informer, à lire, à aller voir les tout-petits dans ce milieu où ils apprennent à vivre en société, où ils profitent d’un programme éducatif qui leur convient. Ainsi, vous serez en mesure de bâtir les fondements de votre projet de société.

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