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Alors que le coronavirus entraîne dans la mort toujours plus de personnes dans la métropole, le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal fait face à une pénurie de blouses de protection.

COVID-19

Le bilan des morts s’alourdit à Montréal

La situation dans les CHSLD, durement touchés par l’épidémie, est un « drame », dit le Dr Horacio Arruda

Le coronavirus entraîne dans la mort toujours plus de personnes à Montréal. Le dernier bilan des autorités sanitaires montre qu’il a fait 391 victimes, dont le décès est survenu, pour trois personnes sur quatre, dans un établissement pour aînés.

Les ravages de la COVID-19 se font sentir principalement dans les CHSLD, où l’on dénombre 225 décès en date du 16 avril. Le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda, qualifie de « drame » la situation dans les CHSLD.

« Cette concentration de personnes vulnérables à un endroit a créé une sous-épidémie. »

— Le Dr Horacio Arruda, directeur national de santé publique, en conférence de presse à Québec, vendredi

La COVID-19 a également été fatale pour 45 locataires de résidences privées pour personnes autonomes, pour 19 patients hospitalisés et pour 9 personnes qui vivaient dans une ressource intermédiaire à Montréal. Les données compilées par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) indiquent également que 75 Montréalais sont morts à leur domicile. Dans le cas des 18 autres victimes de la COVID-19, le milieu de vie n’est pas précisé.

Au total, on compte 391 décès sur l’île de Montréal, soit 57 % de tous ceux survenus au Québec depuis le début de la pandémie. Tous les nouveaux décès depuis 24 heures concernent des Montréalais. Le Québec déplore 688 morts causées par la COVID-19 jusqu’à maintenant.

LE PIC SERAIT ATTEINT

La courbe vertigineuse du nombre de décès pourrait encore se poursuivre, bien que le nombre de nouveaux cas d’infection semble ralentir. Cela s’explique notamment par le fait qu’il faut compter environ de 10 à 12 jours entre le dépistage et l’hospitalisation, puis le moment où la COVID-19 peut causer la mort, explique-t-on à la Direction régionale de santé publique (DRSP) de Montréal.

« Les données présentées [jeudi] sont un peu faussées par tout ce qui se passe en CHSLD, qui sont des foyers d’éclosion qui ne sont pas tous contrôlés. Mais ils ne reflètent pas nécessairement ce qui se passe comme transmission communautaire », a indiqué la Dre Mylène Drouin, de la DRSP de Montréal, en entrevue vendredi au micro de Paul Arcand, au 98,5 FM.

Dans le même esprit, le Dr Arruda a affirmé la veille que « le pic » de la courbe épidémiologique semblait atteint. Il a toutefois prévenu que la baisse du nombre de nouveaux cas, de nouvelles hospitalisations et de nouveaux décès serait lente, particulièrement en raison du « drame des CHSLD ».

Au total, il y a 7760 cas d’infection au coronavirus sur l’île de Montréal, selon l’INSPQ. En tenant compte de la densité de la population, c’est la ville de Côte-Saint-Luc qui demeure la plus touchée (286 cas), puis les arrondissements montréalais d’Outremont (156 cas), de Montréal-Nord (443 cas) et de LaSalle (360 cas).

Dans l’ensemble du Québec, on dénombre 16 798 cas confirmés de COVID-19, alors que 3068 personnes en sont officiellement guéries ; 1076 personnes sont actuellement hospitalisées, dont 207 aux soins intensifs. Ce dernier chiffre diminue depuis les derniers jours.

DE RARES JEUNES ATTEINTS

Si la vaste majorité des décès causés par la COVID-19 au Québec concerne des personnes âgées de 70 ans et plus (89 %), la province compte tout de même 7 cas mortels de Québécois âgés de 30 à 49 ans.

Le Dr Arruda a expliqué vendredi que ces cas exceptionnels (ils représentent moins de 1 % des décès) présentaient pour la majorité « des comorbidités », comme le diabète ou l’obésité.

Or, dans certains cas plus rares, des jeunes sont fortement affectés par le coronavirus et développent une « hyperréaction immunologique », a-t-il expliqué.

« C’est comme si le système, après avoir combattu un peu, s’enflamme et remplit le poumon […]. Il y a vraiment une grosse inflammation qui s’installe et là, si le patient n’est pas placé sous respirateur, bien, il meurt », a ajouté le Dr Arruda.

« S’il est placé sous respirateur, il peut évoluer parce qu’on est capable d’oxygéner son cerveau puis ses organes. Des fois, on n’est plus capable, il y a de l’insuffisance rénale qui s’installe, puis […] ça devient vraiment un drame », a-t-il conclu.

Montréal

« C’était une question de vie ou de mort »

Le CHSLD Berthiaume-Du Tremblay a reçu in extremis une livraison de blouses du CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal, qui est confronté à une pénurie

Québec — Le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal a un urgent besoin d’être ravitaillé en blouses de protection. La pénurie est telle que, pour la première fois, l’établissement n’a pas été capable d’approvisionner le CHSLD Berthiaume-Du Tremblay, au moment même où la résidence ne disposait pas d’assez de blouses pour la nuit.

Les responsables du centre d’hébergement privé conventionné du boulevard Gouin, où 20 % des résidants sont infectés au nouveau coronavirus, ont appris jeudi en début de soirée que le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal ne serait pas en mesure d’honorer sa commande de blouses de protection jetables attendue le jour même.

Dans une communication que La Presse a obtenue, le CIUSSS indique lui-même avoir un stock de blouses suffisant pour tenir à peine 24 heures dans les zones chaudes de ses hôpitaux. Une réalité qui détonne par rapport à l’état de situation fait par le premier ministre Legault vendredi.

François Legault a assuré qu’il ne « manque pas d’équipement de protection individuelle » à l’heure actuelle au Québec.

« Ça se peut qu’il y ait quelques problèmes de distribution du matériel dans quelques établissements, mais il n’y a pas de raison que ça arrive. »

— François Legault, premier ministre du Québec

« S’il y a un établissement, s’il y a un dirigeant d’établissement, que ce soit un CHSLD ou n’importe quel établissement, qui voit qu’il manque de matériel, bien, qu’il appelle son CISSS ou le CIUSSS ou qu’il appelle le Ministère. On en a, du matériel. Je veux être bien clair », a poursuivi M. Legault en conférence de presse.

Or, dans le cas du CHSLD Berthiaume-Du Tremblay, classé orange en raison de la pandémie, c’est le CIUSSS lui-même qui invite l’établissement à rationner l’usage des blouses anticontagion devant son incapacité à en livrer à ses partenaires. Le délai étant trop court, le CHSLD n’avait pas la marge de manœuvre pour réajuster le tir.

« C’est inadmissible »

« C’était une question de vie ou de mort », n’hésite pas à dire la directrice générale de l’Association des établissements privés conventionnés (AEPC), Annick Lavoie. « [Le CHSLD] ne pouvait pas passer la nuit avec la quantité de blouses qui [lui] restait en stock […] C’est inadmissible », a-t-elle ajouté.

Le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal a confirmé avoir « besoin d’un ravitaillement en blouses de contagion ». L’établissement dit attendre une livraison au cours des prochains jours. « C’est difficile de prévoir la durée de nos stocks, car chaque journée est différente de la précédente », écrit la porte-parole, Marie-Hélène Giguère.

Elle précise cependant que les stocks sont « suffisants pour le week-end ».

Selon nos informations, la résidence Berthiaume-Du Tremblay, qui accueille environ 200 résidants, a été en mesure de recevoir une quantité de blouses in extremis du CIUSSS vendredi après-midi. Mais l’AEPC explique avoir dû remuer ciel et terre pour que le CHSLD tienne durant la nuit de jeudi à vendredi.

L’AEPC a lancé un appel général dans le réseau, en pleine soirée jeudi, pour trouver des blouses rapidement. La réponse a été immédiate parmi les établissements privés conventionnés, assure Mme Lavoie. « Un de nos membres a mis 50 blouses dans un taxi et les a fait livrer au CHSLD », relate-t-elle.

« Ne serait-ce que cinq, six blouses d’un bord et cinq, six de l’autre… On se disait qu’on serait capables d’en réunir un petit paquet. Ç’a été instantané. »

« Tout le monde s’est mobilisé et on a réuni 500 blouses en moins d’une heure. C’est vraiment un élan de générosité hors du commun. »

— Annick Lavoie, directrice générale de l’Association des établissements privés conventionnés

Le CHSLD Berthiaume-Du Tremblay dispose de suffisamment de blouses lavables jusqu’à lundi, selon nos informations, notamment grâce à la générosité d’autres membres du réseau de l’AEPC.

« PAS PAREIL » SUR LE TERRAIN

La directrice générale de l’AEPC peine à croire le premier ministre lorsqu’il affirme que les équipements de protection sont disponibles pour les établissements et qu’il suffit de se manifester auprès du CIUSSS. Elle note que la situation est particulièrement difficile pour des CHSLD privés conventionnés à Montréal.

« Quand on parle au CIUSSS et au CISSS, ils nous disent qu’ils n’en ont pas. Il est où, le problème ? Est-ce qu’on peut le trouver pour le régler ? Monsieur Legault, j’aimerais vous croire, mais sur le terrain, ce n’est pas pareil », estime Mme Lavoie. « Le meilleur exemple, c’est encore [jeudi] », ajoute-t-elle.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux a confirmé à La Presse que « le niveau d’inventaire des blouses est bas » dans le réseau québécois. « Des commandes additionnelles ont été passées, des livraisons importantes sont attendues la semaine prochaine et les semaines suivantes », a-t-on indiqué par courriel.

Des blouses jetables doivent être achetées à l’international et des blouses lavables, notamment, doivent provenir de producteurs québécois.

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