Futurs parents

L’accouchement, ce grand inconnu

L’accouchement comporte une grande part d’inconnu qui génère souvent de la peur et du stress chez les futurs parents. La Dre Louise Lapensée, gynécologue-obstétricienne à l’hôpital Saint-Luc du CHUM et à la clinique de fertilité OVO, et Isabelle Brabant, sage-femme et auteure, répondent aux questions les plus fréquentes autour de la phase ultime de la grossesse.

Quels sont les signes qui annoncent l’accouchement ?

La Dre Louise Lapensée :

La première phase du travail, la phase de latence, commence lorsque les contractions se font de plus en plus régulières et rapprochées. Nous conseillons aux patientes d’attendre qu’elles aient des contractions toutes les cinq minutes depuis deux heures pour un premier bébé et toutes les dix minutes depuis une heure pour un deuxième avant de se présenter à l’hôpital. Elles doivent s’y rendre sans tarder si leurs membranes se rompent, si leur bébé bouge moins, si elles ont des saignements, si les contractions sont régulières et douloureuses ou si elles présentent toute autre situation nécessitant une évaluation.

J’ai dépassé mon terme d’accouchement. Vais-je être « provoquée » ?

La Dre Louise Lapensée :

Environ 80 % des femmes qui attendent leur premier enfant vont accoucher entre la 40e et la 41e semaine. Lorsque la grossesse se prolonge au-delà de 41 semaines, le fœtus est évalué pour s’assurer qu’il va bien et qu’il peut attendre. Plusieurs hôpitaux vont recommander le déclenchement artificiel entre 41 semaines et demie et 42 semaines. Les femmes de 40 ans et plus seront quant à elles induites à 40 semaines, car les risques de complications sont plus élevés au-delà de cette période. L’accouchement provoqué n’est pas plus douloureux, mais il fait arriver les contractions efficaces et douloureuses plus tôt. Et non, l’induction ne fait pas augmenter le risque de césariennes ou de détresse fœtale.

Comment puis-je soulager la douleur pendant l’accouchement ?

Isabelle Brabant :

La douleur ressentie à l’accouchement correspond à la sensation extrêmement puissante du bébé qui passe à travers le bassin de sa mère. Il faut oublier l’idée d’en faire une expérience « confortable », à moins d’avoir recours à l’anesthésie péridurale, qui n’est pas sans conséquence (ralentissement du travail, fièvre, difficultés d’allaitement, risque augmenté de césarienne, de forceps et de ventouses).

La relaxation facilite le passage du bébé. Il existe des points de massage dans le bas du dos et sur les cuisses, notamment, qui aident à relâcher le corps entre deux contractions. Toute préparation par hypnose ou visualisation contribue à se détendre et à faire corps avec la douleur. La méthode Bonapace est également très intéressante : le partenaire stimule des points gâchettes qui court-circuitent le message de douleur envoyé au cerveau et permettent la production d’endorphines dans l’organisme. La sensation de chaleur, générée par le bain, la douche ou les compresses chaudes, aura pour effet d’influencer la perception de la douleur pendant le travail. Enfin, bouger librement et varier les positions permettent d’atténuer douleur et inconfort, tout en accélérant le processus.

Quelles sont les positions idéales pour accoucher ?

Isabelle Brabant :

Il n’y a pas de position idéale pour accoucher, même si certaines ont des bénéfices connus. L’important, c’est la liberté de mouvement. Il a été démontré que toutes les positions verticales diminuent la durée du travail et aident le bébé à progresser : accroupie, assise à califourchon sur une chaise ou debout appuyée sur un mur, un meuble ou son conjoint. En fait, toutes les positions où le ventre est suspendu dans le vide favorisent la meilleure position du bébé. Pour certaines femmes, c’est la position allongée sur le côté qui permet de se relâcher et de faire progresser le travail. Il faut alors penser à bien remonter les genoux afin d’ouvrir le bassin et d’aider le bébé à se frayer un chemin vers la naissance – un conseil à ne pas oublier sous péridurale !

Si une position ne donne pas le résultat escompté, on en essaie une autre, quitte à revenir à une qu’on a essayée plus tôt. Une sage-femme ou une accompagnante à la naissance peut être très utile pour apporter de nouvelles suggestions. Elles connaissent bien les positions à privilégier en fonction du positionnement du bébé.

Quels sont les risques que l’accouchement se termine en césarienne ?

La Dre Louise Lapensée :

Au Québec, de 15 à 20 % des accouchements se terminent en césarienne, avec des variantes d’un hôpital à l’autre, selon s’ils ont un plus grand nombre de cas de grossesses à risque, comme le CHU Sainte-Justine. Environ 70 % des césariennes sont primaires (premières césariennes) et 30 % sont des césariennes itératives (chez les patientes qui ont déjà eu une césarienne). Parmi les indications de césarienne primaire, les plus fréquentes sont l’arrêt de progression du travail (35 %), un cœur fœtal non rassurant (24 %) et la mauvaise présentation fœtale (19 %). Les autres indications moins fréquentes sont notamment le placenta praevia, l’herpès génital actif, le prolapsus du corps ou un gros fibrome faisant obstruction à la sortie du bébé. Le taux de césariennes tend à diminuer, car nous accouchons de plus en plus les bébés en siège. Chaque médecin accoucheur a son taux de césariennes. Il varie en fonction du niveau de patience et de tolérance de chacun. Le but est de maintenir ce taux en bas de 20 %.

Est-il préférable de manger et de boire pendant l’accouchement, comme l’a démontré une récente étude canadienne de la Memorial University ?

Isabelle Brabant :

Il est surtout préférable de laisser à la femme qui accouche le libre choix de boire ou de manger si elle le désire. Il y a des hôpitaux qui tardent encore à mettre à jour cette ancienne règle. Certaines femmes en ressentent le besoin, et cela les aide à ne pas tomber en hypoglycémie. En revanche, si la césarienne est envisagée, il peut être raisonnable de limiter l’ingestion d’aliments. 

En 2015, la Société canadienne de pédiatrie a recommandé de cesser l’utilisation préventive d’onguent antibiotique dans les yeux des nouveau-nés. Les hôpitaux du Québec vont-ils suivre la recommandation ?

La Dre Louise Lapensée :

Les recommandations de la Société canadienne de pédiatrie sont jumelées à une obligation d’avoir des cultures de chlamydia et de gonorrhée négatives au troisième trimestre de la grossesse pour les femmes ayant été infectées et traitées pendant la grossesse ou les femmes à risque de contracter ces maladies. Cela rend les choses plus complexes à mettre en place. La plupart des hôpitaux devraient changer leur pratique dans un avenir rapproché.

Isabelle Brabant :

L’onguent antibiotique n’est pas nocif en soi, mais certains parents estiment qu’il nuit au regard de leur bébé dans les premières heures. Les parents qui ne courent pas de risque d’avoir la chlamydia ou la gonorrhée et qui préfèrent que leur bébé ne reçoive pas l’onguent peuvent refuser et signer un formulaire attestant leur décision.

L’accouchement du siège serait de plus en plus fréquent dans les hôpitaux du Québec. Comment cela se fait-il ?

La Dre Louise Lapensée :

Depuis plusieurs années, il y a un retour à l’accouchement de siège par voie vaginale. Il peut être tout à fait sécuritaire de le faire, à condition que certains critères soient respectés. Le poids du bébé doit se trouver entre 2500 et 3800 g, sa tête doit être fléchie, sa présentation doit être en siège décomplété (jambes vers le haut) ou en siège complet, l’âge gestationnel doit être de 36 semaines et plus et le fœtus ne doit pas présenter d’anomalie. Il ne doit pas y avoir de contre-indication pour un accouchement vaginal, la patiente doit être d’accord pour accoucher et l’obstétricien doit être expérimenté en accouchement de siège. 

À l’hôpital Saint-Luc, de 3 à 4 % des grossesses à terme sont des sièges. Un peu moins de 1 % des naissances sont des accouchements de sièges (21/2803 en 2016). Ces statistiques iront en augmentant, car les obstétriciens sont de plus en plus formés pour les réaliser.

La pratique de l’épisiotomie a-t-elle fortement diminué ?

La Dre Louise Lapensée :

Il existe une minorité d’obstétriciens qui font l’épisiotomie d’emblée. La stratégie est de l’éviter autant que possible. Or, elle peut s’avérer inévitable si le cœur du bébé ralentit, car il a été démontré dans une étude qu’une épisiotomie peut sauver 10 minutes pour la sortie du bébé. Même dans les cas où les forceps ou les ventouses sont utilisés, on ne fait plus d’épisiotomie de routine, car nous savons maintenant qu’une lacération naturelle guérit mieux qu’une incision chirurgicale.

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