Chronique

Claude Saucier n’a pas dit son dernier swing

Est-ce la grande expérience de l’animateur ? Est-ce l’univers musical auquel nous sommes conviés ? Ou est-ce plutôt le créneau de l’émission qui rappelle que c’est l’heure de l’apéro ? Toujours est-il que C’est si bon, l’émission présentée tous les samedis après-midi par Claude Saucier, est le plus grand succès d’Ici Musique.

« Les musiques actuelles sont souvent répétitives, me dit Claude Saucier, tentant de trouver une explication au succès de son émission. Les auditeurs ont soif de sonorités différentes. Quand tu mets ces musiques dans les oreilles des gens, il y a un déclic. »

Ces musiques dont parle Claude Saucier sont celles issues du swing, des crooners, du son des big bands, du monde du cinéma ou de celui de Broadway. Ces musiques sont le jardin dans lequel l’animateur vient cueillir chaque semaine des petits trésors pour le plaisir de tous. Oui, pour tous, pas juste pour ceux qui ont 80 ans et plus.

« Beaucoup de jeunes de 30 à 40 ans m’écrivent. Les gens me disent des choses intenses. Un jeune homme m’a raconté qu’il a commencé à écouter cette émission avec son père. Ils ne se parlaient pas et maintenant ils se parlent. Ou alors, quelqu’un m’a dit qu’il a mis des écouteurs sur les oreilles d’un parent qui était malade à l’hôpital. La personne s’est mise à fredonner. »

L’effet thérapeutique qu’a son émission, Claude Saucier en a saisi le sens le jour où il a été invité à donner une causerie aux membres de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ).

« Je leur ai dit que ces musiques ont des racines très fortes qui viennent des esclaves, de gens qui ont souffert. Pour survivre, ils chantaient. C’est normal que cette musique touche aujourd’hui les gens dans ce qu’ils ont de plus profond. »

— Claude Saucier

À la barre de C’est si bon depuis huit ans, Claude Saucier reconnaît qu’il n’était pas au départ un spécialiste de cet univers musical. « Je suis un gars travaillant. J’ai eu la chance de partager le même bureau que Stanley Péan. Il avait une très bonne collection de livres. J’empruntais ses livres et je lisais ça la nuit en mettant des Post-it jaunes partout. »

De Louiseville à Sept-Îles

Ce métier d’animateur qu’il pratique depuis près de 50 ans, « le p’tit gars de Louiseville » l’a taillé à même le roc. En 1970, alors qu’il n’a que 20 ans, il n’hésite pas à mettre en plan ses études universitaires pour aller puiser une expérience. Avec 300 $ dans les poches, il décide de partir pour Baie-Comeau dans l’espoir d’y trouver un emploi à la radio. Le directeur de la station lui dit, sans l’avoir auditionné, qu’il n’a besoin de personne.

« Mais il m’a dit qu’on cherchait quelqu’un à Sept-Îles. C’était le poste d’animateur de nuit, le week-end. Le patron de cette station m’a suggéré de me trouver un deuxième emploi car ça payait 1,65 $ l’heure. Je me suis donc retrouvé à vendre aussi des meubles et des stéréos. »

À partir de là, Claude Saucier fera le long parcours du combattant. Ce voyage le mènera un jour à Télémédia, le premier grand réseau privé de radios au Québec. Fait étonnant, c’est la radio qui l’a fait entrer dans le monde de la télévision. « Un jour, quelqu’un a eu l’idée de mettre une caméra dans le studio où j’animais mon émission. Pendant plusieurs jours, je me tournais vers la caméra et j’annonçais l’ouverture prochaine de Radio-Québec. »

Un patron le remarque et lui demande d’animer une émission de radio… à la nouvelle chaîne publique québécoise. « Comme il n’y avait pas suffisamment de matériel pour alimenter toute la journée, on mettait une diapositive et les gens écoutaient mon émission de radio pendant ce temps. Ça s’appelait N’ajustez pas votre appareil. »

Radio-Québec, qui ne s’appelle pas encore Télé-Québec, s’épanouit. C’est la grande époque de Parler pour parler, de Droit de parole. Claude Saucier devient l’animateur de Téléservice, une émission qu’il animera pendant huit ans et qui connaît un succès retentissant.

La passion du métier

À 69 ans, Claude Saucier a toujours le feu sacré. Il continue de pratiquer son métier avec passion et, aussi, à le défendre. « J’écoute les plus jeunes. J’entends de belles choses et de moins bonnes choses. On prend des journalistes et on leur demande d’être des animateurs. Ce sont deux métiers différents. Un animateur doit savoir interviewer. Je suis tanné d’entendre des questions fermées qui ne mènent à rien. Je trouve que mon métier est parfois égratigné. »

Au cours de la conversation, il partage une réflexion autour de ce qu’il appelle « les codes de la radio ». « Tu dois bâtir ton émission en fonction du moment où elle est offerte au public. Tu dois sérieusement t’interroger sur l’identité de ceux qui t’écoutent. Tu dois savoir que tu parles à une seule personne, jamais à un groupe. La radio, c’est le média de l’intimité. »

Puis, mettant de côté ces grands principes, il lâche.

« Finalement, il faut que tu sois bon chaque minute. C’est aussi simple que cela. Si tu es plate pendant trois minutes, tu perds ton monde. »

— Claude Saucier

J’imagine que Claude Saucier met en pratique ces principes car son émission rassemble chaque semaine de véritables inconditionnels. Ces fidèles sont à la base du succès des deux disques C’est si bon vendus à 30 000 exemplaires chacun. Avis aux fans, début novembre, un disque de Noël sera lancé. « J’ai passé l’été à chanter L’enfant au tambour », dit Claude Saucier en riant.

Claude Saucier songe parfois à la retraite. « Ça fait trois ou quatre ans que je me dis que ça devrait être la dernière saison. Mais comme le succès est là, je reste. Je vais faire encore un petit bout. »

En effet, difficile de quitter un métier qui passe par l’amour du public. D’autant plus que ce métier connaît la consécration. Une preuve de ce couronnement réside dans l’imitation hilarante que fait Pierre Brassard de Claude Saucier.

« On s’est retrouvés côte à côte durant un lancement. Pendant dix minutes, il m’a parlé… comme moi. C’est rendu que j’ai envie de présenter Glenn Miller comme Pierre Brassard. C’est amusant. Dans la vie, si tu ne vaux pas un rire, tu ne vaux rien. »

C’est si bon, samedi, de 16 h à 19 h, sur Ici Musique.

On peut également entendre Claude Saucier tous les samedis, à Samedi et rien d’autre, sur Ici Première.

File d’attente

Dans la rentrée télévisuelle qui bat son plein, une nouvelle série québécoise sort du lot. Elle s’appelle File d’attente et elle est présentée sur Unis TV. Le concepteur Réal Bossé a imaginé une galerie de personnages (on découvre le lien qui les unit au fil des épisodes) qui interagissent entre eux en faisant la file.

Quand on attend à la Société d’assurance automobile du Québec, devant un Best Buy, à la banque ou dans une clinique, on se retrouve dans un huis clos. Et on a parfois les nerfs à vif. Cet état d’esprit fait vivre toutes sortes d’émotions aux personnages de la série. Et fait surgir des moments de grande vérité. Je vous préviens, vous aurez les yeux souvent mouillés.

Cette série pas du tout conventionnelle offre un luxe inouï aux acteurs : celui de prendre le temps de jouer. Oh que ça fait du bien de voir cela ! On est loin des répliques débitées à la vitesse de l’éclair de District 31. L’excellent réalisateur Martin Talbot (Les Parent) offre une signature très personnelle à cette série produite par ComediHa !.

Quant aux acteurs, Réal Bossé, Sylvie Moreau, Richard Fréchette et Muriel Dutil (cette femme est un trésor national), ils nous font oublier leurs personnages antérieurs. Ce qui n’est pas rien. Mention spéciale aux jeunes comédiens (Éléonore Loiselle, Iani Bédard, Andréanne Théberge) qui jouent toujours de façon convaincante.

Si vous aimez les téléséries qui sortent de l’ordinaire, vous serez gâté. Allez vite découvrir ce petit joyau caché.

File d’attente, mercredi, 20 h, sur Unis TV

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