Société

Faire voir l’autisme autrement

Il mène des entrevues avec des personnalités publiques. Il est connu des restaurateurs de Sherbrooke et il travaille pour le microtorréfacteur Géogène. Mais pour reprendre son expression, tout ce que fait Mathieu Caron est « atypique ». Portrait d’un jeune homme qui souhaite faire voir l’autisme autrement.

Sherbrooke — « Dans la vie, il faut vivre de nos projets, nous dira Mathieu Caron. Il faut avoir l’impression de vivre notre vie. »

Le Sherbrookois de 23 ans nous attend devant la porte du restaurant Méchant Steak. Il a prévu nous parler 30 minutes avant son « entrevue atypique » avec la chanteuse Izabelle. Le lendemain, c’est l’humoriste Philippe Laprise qu’il doit rencontrer. Le jeune homme publie ses entrevues sur sa page Facebook.

Sa grande mission ? Démystifier l’autisme « sous tous ses angles ».

« Les autistes sont associés à de vieux clichés. Je veux qu’on parle de l’inclusion de l’autisme au travail », raconte celui qui a aussi récemment donné une conférence sur l’autisme au Comiccon de Montréal, avec son amie Marie-Soleil Parizeau.

Déjouer les pronostics

Enfant, Mathieu Caron a eu un diagnostic de ce qu’on appelait à l’époque le « trouble envahissant du développement » et du syndrome Gilles de la Tourette. À 18 ans, un pédopsychiatre lui a aussi dit qu’il avait une déficience intellectuelle légère (qui serait peut-être causée par un coma ayant suivi une méningite). Un coup dur. Il aurait préféré ne pas le savoir. Surtout qu’il ne devait pas survivre à la méningite.

« Fuck les préjugés. Ma vie entière a été de déjouer les pronostics », lance le jeune bomme qui vient d’avoir 23 ans.

« Je connais mes limites sociales, mais j’ai la chance d’être fonctionnel. [...] J’ai appris à réapprivoiser mon bien-être et qui je suis. Depuis deux ans, j’ai un gros développement personnel. »

— Mathieu Caron

Au début de la pandémie, Mathieu Caron étudiait en informatique, mais il n’avait pas l’impression d’avancer. Il a eu envie de mener des entrevues, même s’il lui manquait des connaissances techniques.

D’une entrevue à l’autre, Mathieu Caron s’est fait connaître à Sherbrooke. Il faut dire qu’il a rencontré de nombreux restaurateurs, dont Anik Beaudoin et Maxime Saumier Demers, respectivement propriétaire des restaurants Auguste et O’Chevreuil Taverne Américaine.

Mathieu Caron a aussi mené des « entrevues atypiques » avec Erik Caouette, de 2Frères, et avec le blogueur Jonathan Gagné au ZAB café à Montréal. Il faut savoir que le jeune homme baigne dans le café. En novembre dernier, il a déniché un poste à temps partiel chez le microtorréfacteur sherbrookois Géogène. C’est d’ailleurs en visitant l’endroit pour un article que nous avons fait sa rencontre.

Et des politiciens

Peu de temps après l’entrevue, Mathieu Caron était fier de nous lâcher un coup de fil pour nous dire qu’il s’était rendu à l’Assemblée nationale avec sa sœur, à l’invitation de la députée Geneviève Hébert. Il a ainsi pu rencontrer Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux.

Il a aussi obtenu récemment une entrevue avec la mairesse de Sherbrooke, Évelyne Beaudin. Enfin, Mathieu Caron a remis un chèque de plus de 2000 $ à l’organisme Autisme Estrie après une campagne de financement.

« J’aime apporter du positivisme, dit-il. Ce qui me fait vibrer est de donner au suivant. »

« Être gentil déclenche de la dopamine, l’une des hormones du bonheur, expose Mathieu Caron. Cela peut être de juste dire à un serveur qu’on a eu un bon service. »

« Pourquoi ne pas vivre dans un monde de gentils ? »

— Mathieu Caron

Bien entendu, il arrive que Mathieu Caron essuie des revers ou des refus. « Mais je ne perds pas d’énergie à être fâché. »

Il tient aussi à souligner à quel point ses parents et sa famille sont derrière lui.

En entrevue avec Izabelle

« Mathieu prend de très belles photos, nous explique le chef du restaurant Méchant Steak, Michael Cloutier Boutin. On fait des contrats-échanges. Il prend des photos et il vient manger ici. Aujourd’hui, on lui prête le local pour son entrevue. »

Mathieu Caron rencontre Izabelle, une autrice-compositrice-interprète née à Coaticook et aujourd’hui établie à Drummondville.

Il commence avec des questions loufoques, notamment quelle excuse donner pour aller aux toilettes et quitter la scène en spectacle. La discussion devient davantage sérieuse quand Izabelle confie que sa chanson Vulnérable fait suite à un épisode de violence conjugale. Comme artiste, elle ne veut plus voir « la vulnérabilité comme une faiblesse », mais plutôt comme l’occasion de confier des « choses vraies » au public.

Au cours de l’entrevue, deux amis de Mathieu Caron font le saut chez Méchant Steak, soit William Marier, copropriétaire du restaurant Kobo Ramen, et la médecin Mélissa Généreux.

Juste après que cette dernière eut annoncé son saut en politique sous la bannière de Québec solidaire, Mathieu Caron lui a fait une demande d’entrevue, qu’elle a acceptée. « Un coup de cœur, dit-elle. Ensuite, on a commencé à aller prendre des cafés, et Mathieu est devenu un ami. »

La Dre Généreux aime l’authenticité de Mathieu.

« Il est inspirant. Il est bon dans le réseautage et il a un effet rassembleur. »

— La Dr Mélissa Généreux

« Il a les valeurs à la bonne place », renchérit William Marier.

Personne ne pourrait le contredire là-dessus.

« Je pense que les gens aiment ma simplicité d’être et le fait que je ne passe pas par quatre chemins pour dire les choses, lance le principal intéressé. Ça prend des personnes comme moi pour faire voir l’autisme de façon différente. »

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