Les Montréalais chérissent leur identité internationale

Ils connaissent cependant mal ce qui la forge

À tort, les relations internationales occupent la portion congrue des débats de la campagne municipale. Pourtant, Montréal, « ville onusienne », accueille l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et le Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique, aussi des universités, des entreprises multinationales et des évènements sportifs ou culturels d’envergure. Amenant leur lot d’immigrants, de touristes, de travailleurs expatriés et d’étudiants, ceux-ci constituent le Montréal international.

Selon un récent sondage1, les Montréalais embrassent cette identité internationale avec un enthousiasme peu commun. Lorsque notre équipe de recherche du G3 de la Francophonie (une alliance des universités de Montréal, Bruxelles et Genève) a interrogé un échantillon représentatif de 750 Montréalais, le sentiment de fierté s’est révélé bien supérieur aux impacts négatifs d’habiter une ville cosmopolite. Si leur enthousiasme contraste avec les réponses plus tièdes obtenues à Bruxelles et à Genève, les deux autres villes couvertes dans l’enquête, il reste que les Montréalais connaissent mal ce qui forge cette identité internationale.

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Une ville ouverte à la mondialisation

Beaucoup de Montréalais voient leur ville comme un lieu de passage qui rayonne à l’étranger. Pour 41 % des répondants, la métropole est connue comme une destination touristique. Près d’un quart des citoyens évoquent la présence d’universités et un cinquième la tenue d’évènements sportifs ou culturels. Bref, l’international évoque surtout des flux de mobilité ponctuelle.

Cette perception d’une ville ouverte aux mobilités s’accompagne d’un soutien massif à l’immigration : 63 % des répondants estiment que son impact est « bon », face à 10 % d’opinions négatives.

Fait intéressant : une moitié moins des Bruxellois (29 %) et des Genevois (35 %) interrogés partagent cette perception positive de l’immigration.

Le même rapport d’ouverture se dessine quant à la mondialisation. Si les deux tiers des Montréalais estiment que la multiplication des échanges économiques est une bonne chose, la mondialisation culturelle atteint un taux d’appui encore plus élevé, à 80 %. À l’évidence, les Montréalais francophones ne souffrent pas du repli sur soi : même si 92 % des répondants de cette enquête conduite en français indiquent qu’il s’agit de leur langue d’usage principale, près de la moitié disent être amenés à parler régulièrement anglais dans leur vie professionnelle, et le tiers dans leur vie sociale ou familiale.

Une diplomatie urbaine plébiscitée

Le positionnement international d’une ville ne saurait reposer que sur les mobilités ponctuelles induites par le tourisme et les rencontres sportives. Comme le reconnaît le Cadre stratégique des relations internationales de Montréal, une diplomatie urbaine doit aussi attirer des institutions politiques et économiques qui s’installeront de manière durable, formant autant de nœuds stratégiques dans les réseaux mondiaux.

À cet égard, les Montréalais plébiscitent la présence d’organisations internationales dans leur ville. Pour plus de 90 % des répondants, l’accueil de telles organisations apporte des retombées économiques significatives, constitue une source de rayonnement mondial et bénéficie au pays tout entier. Cet appui est légèrement supérieur à celui observé à Genève et nettement plus important qu’à Bruxelles, où les sentiments de la population sont mitigés face à la présence de fonctionnaires internationaux, plus nombreux qu’ici.

International, vous dites ?

Il existe toutefois un déficit de connaissance. Interrogés sur ce qui constitue le caractère international de leur ville, moins de 8 % des Montréalais pensent à l’accueil d’organisations internationales. La moitié d’entre eux sont incapables de nommer une seule institution. Lorsqu’on leur donne un choix de réponses, seulement 36 % des Montréalais identifient correctement l’OACI, et ce, même si une station de métro de la ligne orange porte son nom. (On se rassurera en notant que seulement 39 % des Bruxellois répondent l’OTAN, une organisation pourtant beaucoup plus connue à l’échelle internationale.) Par ailleurs, 48 % des Montréalais ne connaissent pas le Quartier international ou ne s’y rendent pas régulièrement.

Observons au passage que seulement 11 % des Montréalais voient leur ville comme une place financière internationale ou le siège d’entreprises multinationales. C’est peu, alors que Bombardier, GardaWorld, CGI, CAE ou Power, dont les sièges sociaux mondiaux fournissent des milliers d’emplois, devraient être perçus comme des rouages essentiels du Montréal international.

Le mondial n’est pas l’ennemi du local

Il y a huit ans, Pierre Marc Johnson et moi-même avons écrit dans La Presse : « Montréal n’est pas une île ». Nous y défendions l’importance de penser Montréal comme une ville mondiale. Depuis, les moyens de transport publics se sont développés, les infrastructures municipales se sont améliorées, les investissements étrangers se sont accrus, l’économie s’est diversifiée et les universités ont accueilli un nombre record d’étudiants internationaux.

Lisez le texte de Frédéric Mérand et Pierre Marc Johnson

À la veille des élections du 7 novembre, souhaitons que la prochaine mairesse ou le prochain maire sache tirer profit de cette évolution en donnant corps et visibilité à l’identité internationale que semblent chérir les Montréalais, tout en préservant le caractère francophone, la riche vie de quartier et ces autres atouts qui font de Montréal une ville attrayante.

1 Le sondage a été conduit en septembre 2021 en français par la firme IVOX, avec une marge d’erreur de 3,51 %

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