RELATIONS CANADO-AMÉRICAINES

Se préparer pour le président Trump

« Ceux qui pensent que Donald Trump n’a pas de chances de remporter l’élection présidentielle [de novembre] ont tort », a déclaré cette semaine l’ancien ministre conservateur des Affaires étrangères John Baird, lors d’un événement public. M. Baird croit que le Canada doit se préparer à l’éventualité d’une présidence Trump. Comment ? Et à quoi faut-il se préparer ? Nous avons posé la question à sept anciens ministres et ambassadeurs du Canada.

RELATIONS CANADO-AMÉRICAINES

John Baird

Ministre des Affaires étrangères du Canada (2011-2015)

Pour le Canada, un des plus gros enjeux après l’élection sera le protectionnisme, croit l’ancien ministre conservateur. « Et c’est vrai pour les candidats de droite et de gauche », ajoute-t-il. Donald Trump remet constamment en cause l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et s’oppose au Partenariat transpacifique. Chez les démocrates, Bernie Sanders est tout aussi réfractaire. « Même Obama défendait une politique “Achetez américain” », dit M. Baird, qui croit que ce dossier sera le principal défi du gouvernement Trudeau. En 2015, les échanges commerciaux entre les deux pays ont représenté 662 milliards US.

RELATIONS CANADO-AMÉRICAINES

Pierre Pettigrew

Ministre des Affaires étrangères (2004-2006), du Commerce international (1999-2003) et de la Coopération internationale (1996)

« Dès maintenant, il faut évaluer où il y aura des remises en question. Notamment, la relation entre les États-Unis et le Mexique changera si Donald Trump est élu, et nous, nous devrons maintenir notre relation avec le Mexique », dit l’ancien ministre libéral. Il s’inquiète aussi des répercussions que pourrait avoir le candidat républicain sur l’économie canadienne, notamment s’il met en place des mesures protectionnistes. « Il faut d’ores et déjà garder des portes ouvertes avec les autres pays et mettre l’accent sur nos négociations pour obtenir un nouvel accord de libre-échange avec l’Europe », dit celui qui a dirigé le ministère du Commerce international pendant plus de quatre ans.

RELATIONS CANADO-AMÉRICAINES

Gary Doer

Premier ministre du Manitoba (1999-2009) et ambassadeur du Canada à Washington (2009-2016)

Donald Trump répète sans arrêt que les alliés des États-Unis en matière de défense et de sécurité devront porter un plus grand fardeau et s’il devient président, il demandera des comptes au Canada, croit Gary Doer. Le candidat républicain présumé a maintes fois dénoncé le fait que la plupart des membres de l’OTAN ne consacrent pas 2 % de leur produit intérieur brut à la défense, comme le prévoit l’entente. Or, selon les plus récents chiffres de la Banque mondiale, le Canada atteint à peine 1 %. « Dans notre calcul, nous devons nous assurer de comptabiliser l’argent que nous investissons pour améliorer la sécurité dans les régions instables », a dit M. Doer.

RELATIONS CANADO-AMÉRICAINES

Raymond Chrétien

Ambassadeur du Canada à Washington (1994-2000)

« À l’ambassade à Washington, ils ont déjà commencé à cultiver les principaux conseillers d’Hillary Clinton et de Donald Trump, dit Raymond Chrétien. Trump n’en a pas beaucoup. Ce n’est que depuis qu’il est le candidat présumé qu’on commence à les connaître. Le premier objectif est de commencer à influencer ces gens », dit le diplomate de carrière. Selon M. Chrétien, le gouvernement canadien doit aussi mettre les bouchées doubles pour régler l’épineux dossier du bois d’œuvre avant le mois d’octobre, date à laquelle le litige pourrait reprendre de plus belle. « Si on attend, on pourrait avoir une guerre du bois d’œuvre. Ottawa s’y prépare déjà », dit-il.

RELATIONS CANADO-AMÉRICAINES

Michel Duval

Ambassadeur et représentant permanent adjoint auprès des Nations unies (1997-2002)

« Il y a des intérêts communs énormes entre les États-Unis et le Canada au niveau de la défense, dit celui qui a siégé au Conseil de sécurité des Nations unies. On ne s’en rend pas souvent compte, mais il y a déjà un grand niveau d’intégration entre nos forces armées, notamment grâce à NORAD, dit Michel Duval, qui doute fort que Donald Trump puisse mettre une fin abrupte à cette étroite collaboration. Comme Gary Doer, il croit cependant que dans l’éventualité d’une présidence Trump, le Canada sera pressé d’investir davantage dans ses forces armées. « Mais déjà, le gouvernement conservateur a consenti des dépenses importantes dans ce domaine », remarque-t-il.

RELATIONS CANADO-AMÉRICAINES

Yves Brodeur

Ambassadeur du Canada à l’OTAN (2011-2015)

« La relation avec les États-Unis est la relation bilatérale la plus importante que nous ayons. Et en général, nous avons toujours préparé les transitions entre deux gouvernements », dit Yves Brodeur, qui a notamment représenté le Canada à l’OTAN. « On doit essayer de comprendre quel sera le programme de chaque candidat, mais on doit rester concentré sur nos intérêts. Dans le cas des Américains, nos principaux intérêts sont commerciaux, puis politiques », dit l’ancien diplomate. À l’égard de Donald Trump, M. Brodeur note que le Canada a maintes fois dû gérer des divergences politiques avec des administrations présidentielles du passé. « Ce fut le cas dans le dossier cubain ainsi que lors de la dernière guerre d’Irak », rappelle-t-il.

RELATIONS CANADO-AMÉRICAINES

Marc Lortie

Ambassadeur du Canada en France (2007-2012), en Espagne (2004-2007) et au Chili (1993-1997)

« L’ambassade et les consulats ont le mandat de détecter à l’avance ce qui pourrait être d’intérêt pour un candidat », dit Marc Lortie, un ancien ambassadeur qui a travaillé à Washington au début de sa carrière. Il donne en exemple Ronald Reagan qui, dès la fin des années 70, s’intéressait aux questions de libre-échange. En préparation aux élections, ajoute-t-il, les diplomates canadiens en poste à Washington ont un grand travail de séduction et de collecte d’information à faire auprès des politiciens du Congrès, dominé par les républicains, ainsi qu’auprès des politiciens rattachés aux divers think tanks de New York et de Washington.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.