Bilan de la COP27

Du surplace, ou presque

« Nous allons toujours dans la mauvaise direction, mais un peu plus lentement », selon une experte

Les délégués de la COP27 ont convenu d’un accord afin de soutenir les pays en développement victimes des changements climatiques, mais beaucoup reste à faire avant qu’il ne se concrétise. De nombreux observateurs ont été déçus par l’échec à fixer de nouvelles ambitions pour la baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES), alors qu’on « s’éloigne de l’objectif » du 1,5 °C, et par la performance du Canada.

Un fonds célébré

Le texte adopté propose de « créer un fonds de réponse aux pertes et dommages »1 pour les pays en développement. Les détails doivent être élaborés d’ici la COP28, qui aura lieu aux Émirats arabes unis en 2023.

Cette entente « est un pas énorme », a déclaré la professeure Kathryn Harrison, spécialiste des politiques climatiques à l’Université de la Colombie-Britannique (UBC), soulignant qu’il s’agit d’un « point de discorde depuis des décennies » auquel s’opposaient les États-Unis et l’Europe.

Des groupes environnementaux comme le Réseau Action Climat et Équiterre se sont également réjouis de cet aspect de l’accord, tout comme des leaders de la communauté internationale.

« Cette COP a fait un pas important vers la justice. Il est clair que cela ne suffira pas, mais c’est un signal politique indispensable pour reconstruire la confiance brisée. »

— António Guterres, secrétaire général de l’ONU

Le ministre de l’Environnement de la Zambie a qualifié ce résultat de « très positif pour 1,3 milliard d’Africains ». Le ministère de l’Environnement d’Afrique du Sud a salué un « progrès », mais réclamé « une action urgente » pour « assurer le respect des obligations des pays développés ».

Kénel Délusca, président du groupe d’experts des pays les moins avancés de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, a aussi évoqué « un pas dans la bonne direction », mais souligné que « les besoins sont énormes, donc il y a encore un grand écart à combler ». Les détails opérationnels feront l’objet de discussions difficiles, a-t-il prévu.

Déception sur la réduction des GES

« Nous devons réduire considérablement les émissions [de GES] maintenant – et c’est une question que cette COP n’a pas abordée, a regretté M. Guterres. Nous devons investir massivement dans les énergies renouvelables et mettre fin à notre dépendance aux énergies fossiles. »

Contrairement à l’engagement pris à Glasgow en 2021, la COP27 n’a pas réussi à revoir à la hausse le niveau des engagements pour réduire l’utilisation des énergies fossiles.

Le texte adopté évoque la fin des « subventions inefficaces aux carburants fossiles », mais pas la sortie du pétrole ou du gaz.

Le texte réaffirme les objectifs de l’accord de Paris de 2015, qui vise à limiter le réchauffement de la planète « nettement en dessous de 2 °C » par rapport à l’ère préindustrielle, et si possible, à 1,5 °C.

Les promesses actuelles, si elles sont respectées, pourraient limiter le réchauffement planétaire à 2,4 °C d’ici la fin du siècle. « On s’éloigne de l’objectif et on va probablement le dépasser très bientôt », a déploré M. Délusca. Dans un tel scénario, « les conséquences seront dramatiques », a insisté la professeure Julie Talbot, directrice du département de géographie de l’Université de Montréal, rappelant que les émissions de GES ont augmenté depuis l’accord de Paris.

« Nous allons toujours dans la mauvaise direction, mais un peu plus lentement », a tempéré la professeure Harrison.

Le Canada pas à la hauteur

Des groupes environnementaux soutiennent que la contribution du Canada aux négociations n’a pas été à la hauteur de la crise climatique.

Le fait que des représentants de l’industrie pétrolière aient été invités au pavillon du Canada à la COP27, par exemple, est « simplement inacceptable », a soutenu Andréanne Brazeau, analyste politique chez Équiterre. « La large place réservée aux lobbyistes de l’industrie des énergies fossiles à cette COP était franchement choquante […]. Ça démontre le manque de sérieux de nombreux pays, le Canada en tête, pour atteindre les objectifs d’atténuation du réchauffement climatique », a ajouté la professeure Talbot.

En ce qui a trait à l’engagement du Canada à mettre fin au financement public des énergies fossiles, « il n’y a encore aucune trace de ça et aucune avancée concrète, du moins, aucune qui est publique », a souligné Mme Brazeau.

Si les autorités canadiennes visent une réduction des émissions de GES de 40 % d’ici 2030, elles prévoient aussi augmenter la production pétrolière de 5 % – une « incohérence majeure », selon Équiterre.

Selon Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie pour Greenpeace Canada, l’effort du gouvernement fédéral en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre est un « échec » et le Canada n’est actuellement « pas sur la bonne voie ».

Le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, s’est au contraire félicité des avancées concernant la création du fonds pour les « pertes et dommages » et l’abandon progressif du charbon. « Nous sommes plus que jamais déterminés à soutenir la transition mondiale vers des formes d’énergie plus propres et renouvelables, en nous affranchissant de notre dépendance aux combustibles fossiles », a-t-il assuré dans une déclaration dimanche soir.

— Avec l’Agence France-Presse, La Presse Canadienne, Éric-Pierre Champagne et Jean-Thomas Léveillé

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