« La chasse à l’homme est terminée »
La GRC est convaincue d’avoir trouvé les corps des deux hommes en fuite
On ne saura peut-être jamais ce qui a poussé deux jeunes hommes à quitter leur petite ville de l’île de Vancouver pour s’embarquer dans une cavale meurtrière aux proportions historiques à travers la nature sauvage du Nord canadien.
La Gendarmerie royale du Canada (GRC) est persuadée d’avoir trouvé les corps des deux jeunes hommes en fuite dans le nord du Manitoba, hier matin, après plus de trois semaines d’intense chasse à l’homme.
Les certitudes de la police s’écroulent toutefois quand il est question des motifs de Kam McLeod, 19 ans, et de Bryer Schmegelsky, 18 ans. Ils sont soupçonnés d’avoir abattu un jeune couple de touristes et d’avoir tué un retraité dans des zones isolées de la Colombie-Britannique avant de rouler des centaines et des centaines de kilomètres vers l’est.
« Ce sera extrêmement difficile pour nous d’établir avec certitude cet élément », a averti Kevin Hackett, chef de la GRC en Colombie-Britannique. « Évidemment, on ne pourra pas parler avec eux. Nos recherches continuent dans le secteur où ils ont été retrouvés, afin de mettre la main sur, par exemple, un objet qui nous permettrait de comprendre leur geste. Mais nous n’avons pas encore cette information. »
Fin juillet, le père de Bryer Schmegelsky avait décrit l’enfance difficile de son fils. Il avait aussi exprimé la certitude qu’il ne sortirait pas vivant de cette chasse à l’homme. « Un enfant normal ne voyage pas à travers le pays en tuant des gens. Ça prend un enfant qui souffre énormément », avait affirmé Alan Schmegelsky à CTV.
Les familles des deux suspects ne se sont pas exprimées, hier.
Les dépouilles ont été localisées hier matin vers 11 h (heure de Montréal) par des équipes de recherche de la police fédérale. Une autopsie sera pratiquée aujourd’hui afin de connaître les circonstances exactes de leur mort. La police n’a pas voulu dire si elle soupçonnait un suicide. Les deux cadavres auraient été trouvés ensemble.
« La chasse à l’homme au Manitoba est terminée », s’est réjoui le ministre de la Sécurité publique du Canada, Ralph Goodale. En conférence de presse à Regina, il a souligné que les communautés isolées qui vivaient sur leurs gardes depuis plusieurs jours pourraient maintenant dormir sur leurs deux oreilles.
Avalés par la nature
La nature sauvage du Nord canadien leur a permis d’échapper aux autorités, mais c’est aussi au cœur de celle-ci que les deux présumés meurtriers McLeod et Schmegelsky ont trouvé la mort.
Le 2 août dernier, des « articles directement liés aux suspects » avaient été retrouvés à proximité d’une barque abandonnée sur une rive du fleuve Nelson, dans le nord-est du Manitoba. Ces objets – dont la nature n’a pas été révélée – ont permis aux policiers de réduire la zone des recherches et d’ainsi localiser les dépouilles, a indiqué la commissaire adjointe de la GRC Jane MacLatchy, en conférence de presse à Winnipeg.
« Nous n’avons jamais abandonné. Nous savions que nous n’avions besoin que d’une piste pour faire avancer l’enquête. »
— Jane MacLatchy, commissaire adjointe de la GRC
Les cadavres ont été retrouvés à travers une « végétation très dense, très difficile d’accès », a ajouté la commissaire adjointe MacLatchy. Si difficile qu’un ratissage systématique, où les policiers marchent en ligne, était impossible. Les deux corps étaient situés à environ un kilomètre de la berge où des objets ont été retrouvés le 2 août et à huit kilomètres de l’endroit où un véhicule utilitaire sport utilisé par les suspects avait été incendié, à la mi-juillet, près du village de Gillam.
Kam McLeod et Bryer Schmegelsky étaient d’abord considérés comme de possibles victimes dans une vague de meurtres et de disparitions qui inquiétait les résidants de zones isolées de la Colombie-Britannique, à la mi-juillet.
L’Australien Lucas Fowler (23 ans) et l’Américaine Chynna Deese (24 ans) ont été retrouvés sans vie le 15 juillet sur la route de l’Alaska. Le 19 juillet, la police a localisé un véhicule ayant été utilisé par McLeod et Schmegelsky quelques centaines de kilomètres plus loin, tout comme un troisième cadavre, celui du chargé de cours à la retraite Leonard Dyck. Ces cas « pourraient être liés », avait alors déclaré alors la GRC.
Mais les deux disparus se sont rapidement transformés en suspects dans l’enquête de la police. Leur présence a été confirmée dans le nord de l’Alberta, ensuite dans le nord de la Saskatchewan, puis dans le nord du Manitoba, mais le duo semblait conserver une longueur d’avance sur la police.
« J’ai regardé sur une carte. Ils ont fait l’équivalent du chemin entre Londres et Moscou en distance », a fait valoir Kevin Hackett, de la GRC, appelé à défendre les efforts de son organisation. Il a affirmé que chaque opération était évaluée, mais n’a pas voulu s’avancer sur les leçons que la police tirerait de celle-ci.
M. Hackett s’est dit solidaire des familles des victimes.
Le père de Lucas Fowler s’était exprimé publiquement au début de l’affaire, appelant de possibles témoins à communiquer avec la police. Il a pris à nouveau la parole la semaine dernière aux funérailles de son fils. « Lucas nous laisse à tous de beaux souvenirs », a-t-il souligné à l’assistance, selon Radio-Canada. « Nous sommes si heureux que Lucas et Chynna se soient rencontrés et se soient tellement amusés à voyager ensemble, à se faire de nouveaux amis et à tirer le meilleur parti de la vie. Ils ont ri et se sont aimés, ils ont touché le cœur de toutes les personnes qu’ils ont rencontrées. »
La famille de son amie de cœur Chynna Deese s’est dite « paralysée » par sa mort.
La troisième victime, Leonard Dyck, surnommé Len, était un « mari et un père aimant », a dit sa famille dans un communiqué, se disant « véritablement anéantie par cette perte soudaine et tragique ». L'homme de 64 ans de Vancouver était retraité de l'Université de la Colombie-Britannique, où il avait enseigné la botanique.
— Avec Janie Gosselin, La Presse