Génomique

Dr Michel G. Bergeron, le médecin chercheur qui a orchestré l’industrialisation des tests rapides

Pendant ses 47 ans de carrière, le Dr Michel G. Bergeron a participé à la guerre contre des ennemis invisibles — SRAS, COVID-19 — en développant des tests moléculaires rapides pour les reconnaître. Génome Québec, en partenariat avec Québec International et Génome Canada, présente l’un de ceux grâce à qui la province est aujourd’hui cheffe de file mondiale en matière de génomique.

Qu’est-ce que la génomique ?

Dans chaque être vivant, les milliers de blocs moléculaires de l’ADN sont agencés dans un ordre unique : son génome. En séquençant cet ordre, la génomique permet d’identifier, de nommer et de comparer les organismes et, dans le cas de pathogènes, de développer des moyens de les détecter rapidement afin de les combattre.

De Québec à Montréal et Boston

Né en 1943 à Québec, Michel G. Bergeron termine ses études en médecine à l’Université Laval en 1968. Il poursuit son parcours à l’Université McGill, puis au Tufts New England Medical Center, où il fait un postdoctorat avec le professeur Louis Weinstein, l’un des premiers à utiliser la pénicilline lors de la Deuxième Guerre mondiale. C’est le déclic : il décide de consacrer sa vie à la lutte aux maladies infectieuses.

Infectiologie : une première au Canada

Lorsque le Dr Bergeron revient au pays en 1974, l’infectiologie en tant que spécialité n’existe pas au Canada. Il fonde avec ses collègues la Société canadienne de maladies infectieuses et en devient plus tard le président. Il établit les services cliniques pour adultes au Centre hospitalier de l’Université Laval (CHUL) et à l’Hôpital Laval. Il entreprend ses recherches dans un laboratoire exigu, qui deviendra plus tard le Centre de recherche en infectiologie (CRI).

Antibiotiques et résistance

Le Dr Bergeron participe au développement d’une vingtaine d’antibiotiques. Il réalise cependant que de nombreux microbes produisent rapidement des enzymes capables de détruire les antibiotiques. La raison : ces médicaments sont surutilisés par les médecins, parce que les tests diagnostiques sont trop lents. « Souvent, les médecins reçoivent les résultats des cultures microbiennes seulement 2 ou 3 jours plus tard », précise le Dr Bergeron. Un diagnostic plus rapide changerait tout.

Place aux premiers tests rapides

Pendant 10 ans, en compagnie de Paul H. Roy et de Marc Ouellette, le Dr Bergeron étudie les séquences d’ADN pour développer des tests de diagnostic moléculaire. « L’ADN est l’empreinte digitale de tout être vivant, et ça me semblait la clé pour distinguer un microbe d’un autre », résume le Dr Bergeron. Son équipe devient la première au monde à réussir un diagnostic en moins d’une heure.

En juillet 2000, le New England Journal of Medicine publie l’étude du trio sur le streptocoque du groupe B, une bactérie qui se retrouve naturellement chez 30 % des femmes. Lors de l’accouchement, cette bactérie risque d’être transmise à l’enfant et peut causer la surdité, des infections sanguines ou une méningite et parfois la mort. «  Notre test permet de prendre un échantillon pendant le travail, de l’analyser en laboratoire et de communiquer les résultats dans l’heure suivante, explique le médecin. Si la bactérie est présente, on administre de la pénicilline pour la neutraliser et ainsi éviter les séquelles de cette infection. »

Au total, 11 tests rapides similaires ont été développés, produits et commercialisés dans le monde entier, notamment pour reconnaître le SARM, le C. difficile et la COVID-19.

Deux fleurons biotechnologiques au Québec

L’expertise du Dr Bergeron lui permet d’obtenir 28,2 millions de dollars grâce à Génome Québec et Génome Canada. Ces reconnaissances de l’excellence de ses travaux constituent un levier majeur pour la suite des choses : le médecin fonde deux entreprises qui jettent les bases d’un pôle technologique unique à Québec.

En 1995, il crée d’abord IDI, que Becton Dickinson (BD) acquiert en 2006 pour 300 millions. L’entreprise américaine y injecte 100 millions supplémentaires en infrastructures, en plus de générer 300 emplois de haute qualité dans la Capitale-Nationale.

« Le Dr Bergeron est un leader scientifique et visionnaire qui propulse les innovations québécoises afin de générer un rayonnement et un impact à l’échelle mondiale. Il a instauré les bases des tests PCR en temps réel qui ont permis des innovations très rapides dans ce domaine. Cette technologie ayant contribué à la lutte pandémique par le biais de tests moléculaires rapides COVID-19, favorisant par le fait même l’expansion des lignes de fabrication et l’ensemble de la production de l’usine BD de Québec. »

« La notoriété et la forte influence du Dr Bergeron dans le secteur des sciences de la vie a attiré des entreprises novatrices dans le domaine des sciences de la santé du monde entier, et l’usine BD de Québec, par cette technologie, a contribué à l’innovation pour faire progresser les soins de santé et permettre des résultats exploitables plus rapidement pour de meilleurs résultats pour les patients. » — Ivy Parks, présidente de BD-Canada

En 2007, le Dr Bergeron fonde une deuxième entreprise, GenePOC, dont l’appareil Revogene rend possibles les diagnostics moléculaires rapides au chevet du patient. En 2019, Meridian Bioscience en fait l’acquisition pour 165 millions de dollars et fait passer le nombre d’employés de 70 à plus de 100. En 2020, l’entreprise y investit 70 millions de plus, puis annonce la construction d’une deuxième usine afin de doubler la chaîne de production, au coût de 10 millions.

Reconnaître l’exceptionnel

Québec dispose aujourd’hui d’un noyau d’expertise attractif et d’une filière industrielle d’envergure internationale. On considère maintenant le Parc technologique du Québec métropolitain comme un haut lieu du diagnostic moléculaire. Pour ses innovations, ses découvertes et son génie entrepreneurial, c’est toute la province qui exprime sa reconnaissance envers le Dr Michel G. Bergeron. Souhaitons-lui de pouvoir continuer à transmettre ses passions pour encore longtemps.

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