Mon clin d’œil

Le travail, c’est la santé, alors pour remédier à la pénurie de main-d’œuvre, on devrait faire travailler les malades dans les hôpitaux.

Réforme de la santé et sécurité au travail

Il faut sortir du corporatisme syndical

Les auteurs répliquent au texte de Daniel Boyer de la FTQ et d’Éric Boisjoly de la FTQ-Construction, « Santé et sécurité au travail : la catastrophe, on la vit déjà »1, publié le 4 novembre

Dans une lettre ouverte publiée le 4 novembre dernier, les représentants syndicaux dépeignent les employeurs, « les patrons », sans aucune considération. Pire, ils empruntent un ton caricatural et, n’ayons pas peur des mots, à la limite d’un procès d’intention comme principale base argumentaire pour défendre leur position corporatiste de former les prochains représentants en santé et sécurité (RSS), prévus par la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST).

Avant de rétablir les faits, voici quelques exemples de la trame narrative utilisée pour décrire les employeurs et faire valoir leurs arguments :

• « Les employeurs voient le RSS (représentant santé et sécurité) comme une personne qui ralentit les travaux du chantier et, pour eux, c’est synonyme de perte d’argent. Pour nous, ça veut dire des vies sauvées. »

• « Pour tous les travailleurs et travailleuses qui sont morts en travaillant pour ces patrons, c’est déjà trop tard. »

Une nouvelle fois, cette pensée syndicale récupère les drames que sont les accidents du travail et les utilise pour délégitimer la moindre demande patronale, même la plus légitime concernant la mise en application de la nouvelle réforme en santé et sécurité au travail.

C’est faux de dire que les employeurs n’ont pas d’intérêt pour la santé et la sécurité de leurs travailleurs. Allons au fond des choses sur les sujets de discorde.

D’abord, les associations patronales du secteur de la construction ont exprimé leurs craintes quant à l’absence de formations pour les RSS qui devront être sur les chantiers de construction à partir du 1er janvier 2023. Cependant, bien que les employeurs doivent s’assurer d’avoir des RSS sur leur chantier, la formation ne sera pas disponible à temps. C’est ici que se formule la demande de délai supplémentaire. Elle vise à bien faire atterrir la réforme, son application et sa réussite. Mais la partie syndicale exprime ainsi sa compréhension de la demande : « C’est quand même ironique de prétendre qu’améliorer la prévention des accidents de travail constituera une catastrophe ! La vraie catastrophe, c’est le bilan des décès et des lésions professionnelles dans la construction. » Avec une telle rhétorique, est-il seulement possible d’avoir un dialogue constructif sur des éléments aussi simples ? Ces procès d’intention se passent de commentaires additionnels.

Inflexibilité

Parlons maintenant de l’inflexibilité syndicale totale d’accepter que la formation des RSS soit assurée par des organismes neutres. Actuellement, la formation obligatoire de secouriste en milieu de travail est offerte par plusieurs organismes reconnus par la CNESST et aucun syndicat n’y figure. Mais pourquoi donc cette intransigeance ? Est-ce que l’octroi d’un monopole syndical sur l’offre de formation des RSS repose sur une quelconque qualité objective de ladite formation ? Une quelconque plus-value en matière d’enseignement ? Quelles sont les raisons pour lesquelles les associations syndicales dispenseraient en exclusivité la formation en santé-sécurité ? Avec une telle inflexibilité, il y a lieu aussi de se demander si la partie syndicale désire véritablement faire atterrir cette réforme.

Les employeurs sont engagés en matière de santé et sécurité au travail : en 2017, un sondage⁠2 de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) indiquait que 99 % des propriétaires de PME disent que la santé et la sécurité de leurs employés étaient importantes pour eux ; 99 % ! Pourtant, afin de soutenir leurs argumentaires, les syndicats associent la demande patronale d’une instance neutre pour une offre de formation à un refus de prévention dans les milieux de travail… Nul besoin de discourir longuement sur la teneur démagogique de ce type de propos.

Nous désirons faire atterrir cette réforme positivement, et pour ce faire, il est nécessaire de sortir du corporatisme syndical et d’entendre les préoccupations légitimes des employeurs.

Il faut continuer d’engager les milieux de travail et non se lancer dans une confrontation nuisible et contre-productive pour la mobilisation collective. Assurer que la formation soit offerte par un organisme neutre va en ce sens et est un gage de réussite.

Il est temps pour certaines associations syndicales de cesser de vivre dans un passé qui ne cadre en rien avec la réalité d’aujourd’hui et de diaboliser les employeurs en utilisant de vrais drames à des fins démagogiques. Il est temps de travailler en équipe pour une réforme réussie dans l’intérêt de tous. Le dialogue social a démontré dans le passé que ça pouvait fonctionner, alors pourquoi ne pas s’en inspirer ?

2. Source : FCEI, Sondage normes du travail et RH au Québec 2017, web, du 24 août au 8 septembre 2017, 727 répondants, marge d’erreur de 3,6 %, 19 fois sur 20

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