Perte de services durant le confinement

Des locataires de RPA exigent un remboursement

Les résidences privées pour aînés devraient rembourser les services auxquels leurs locataires n’ont pas eu accès durant la pandémie sans forcer ces derniers à se battre devant les tribunaux, estime l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées (AQDR). Il n’y a rien à rembourser, objecte le Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA).

Les activités, dont la piscine et la salle de quilles, ainsi que les aires communes, comme la salle à manger, font partie des attraits qui avaient convaincu Daniel Cardinal d’emménager dans la résidence montréalaise Ora, propriété du Groupe Maurice. Des avantages qui représentent selon lui 15 % du coût de son loyer, et dont il a été privé durant de longues périodes depuis deux ans.

« On se bat depuis le début de la pandémie pour avoir des résultats, et ils ne veulent nous rembourser aucuns frais », a dénoncé le sexagénaire vendredi en marge d’un point de presse de l’AQDR.

M. Cardinal et des voisins de sa résidence ont donc déposé une demande commune de réduction de loyer au Tribunal administratif du logement (TAL). Au moins une quinzaine de résidences pour aînés (RPA) font l’objet de telles demandes communes au TAL.

« Tous ceux et celles qui ont été floués n’ont pas l’énergie de se battre », a toutefois souligné Pierre Lynch, président de l’AQDR, qui demande un « remboursement systématique ».

Pour le RQRA, dont les quelque 800 membres possèdent 62 % des logements de ce type, c’est hors de question.

« Ils savent bien qu’il y a des frais fixes qui ne peuvent pas disparaître […], dont une grande partie pour lesquels on n’a pas eu d’aide du gouvernement », objecte le PDG du RQRA, Marc Fortin.

Un tel remboursement pourrait coûter de 250 à 300 $ par mois par logement, durant 18 à 24 mois, estime le regroupement. « Vous arrivez facilement à 250, 300, 350 millions de dollars », plaide M. Fortin, rappelant que des résidences pour aînés de petite et moyenne taille ont disparu au cours de la dernière année.

Les résidences ont une immunité contre les poursuites, soutient aussi M. Fortin en citant un avis juridique obtenu par le RQRA. L’article 123 de la Loi sur la santé publique, qui énumère des mesures que « le gouvernement ou le ministre » peut prendre en état d’urgence sanitaire, mentionne en effet que « le gouvernement, le ministre ou toute autre personne ne peut être poursuivi en justice pour un acte accompli de bonne foi ».

Cette « bonne foi » dans un contexte où Québec avait « le pouvoir d’imposer des mesures exceptionnelles aux RPA, comme à l’ensemble de la population », est aussi évoquée par le Groupe Maurice dans une déclaration transmise par courriel à La Presse.

Lucille Théroux pilote la demande commune des locataires de sa résidence, L’Avantage, à Brossard, également propriété du Groupe Maurice. Elle ne conteste pas l’application des mesures sanitaires par l’entreprise. « Ce n’est pas de ça qu’il est question ! Il est question de nous rembourser ce qu’on a payé et qu’on n’a pas eu, point à la ligne », insiste cette cadre retraitée du système de santé.

« Habile sur Excel », elle a estimé la valeur des services inclus dans les loyers et compilé les pertes d’accès pour justifier une demande de remboursement de 225 $ par mois. « Ils vont devoir s’y prendre de bonne heure pour m’impressionner », prévient l’octogénaire.

« Les RPA n’avaient aucune discrétion quant à l’application des nombreuses directives émises par la Santé publique », a quant à lui rappelé le Groupe Maurice dans sa déclaration écrite.

Précédents

« Le remboursement qui est demandé est totalement légal » et « prend appui sur des analyses et des principes très simples et très clairs », a de son côté indiqué l’avocate Hélène Guay, spécialisée dans la défense des droits des aînés, au point de presse de l’AQDR.

Des locataires québécois ont obtenu des réductions de loyer pour perte de jouissance durant la pandémie, signale MGuay.

Un locataire d’une RPA de Granby qui demandait 235,85 $ a obtenu 100 $. Un locataire d’une RPA de Montréal-Nord qui demandait de 125 à 250 $ par mois a obtenu un remboursement mensuel de 90 $ durant trois mois et de 15 $ pour les suivants. Un locataire de condominium haut de gamme à Laval a aussi obtenu 150 $ par mois durant six mois.

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