TRANSPORT AÉRIEN

Le transport aérien traverse en ce moment une période de fortes turbulences. Alors que Air Canada abolit 1900 emplois, une coop veut relancer les liaisons régionales abandonnées par la compagnie.

Transport aérien

Une coop veut donner des ailes aux régions

Québec — C’est un rêve vieux comme l’aviation : relier les régions du Québec aux grands centres grâce à des vols qui ne coûtent pas les yeux de la tête.

C’est précisément ce rêve que veut réaliser une nouvelle compagnie aérienne québécoise qui doit prendre son envol en mai prochain, malgré la pandémie.

« À un moment donné, il faut y aller. Et là, on a décidé que c’était le temps d’y aller. Ça fait trop longtemps que le Québec est mal desservi [en transports] aériens et ça nuit au développement des régions », croit Éric Larouche, président de la Coopérative de transport régional du Québec (TREQ).

Ce projet suscite beaucoup d’engouement parmi les élus des régions, mais il est aussi accueilli avec une dose de prudence. Certains se demandent si cette coopérative arrivera à tenir ses promesses, comme des billets aller-retour entre 318 $ et 425 $ pour relier Montréal aux îles de la Madeleine, entre 276 $ et 378 $ entre Québec et Sept-Îles ou Montréal et Rouyn-Noranda.

La création de TREQ a été annoncée l’été dernier, dans la foulée de la décision d’Air Canada de supprimer huit liaisons régionales au Québec. Mais le projet germait depuis longtemps dans la tête des gens d’affaires qui pilotent l’aventure.

Le projet de compagnie aérienne a été développé notamment avec Serge Larivière, qui est propriétaire de l’Aéroport international de Mont-Tremblant. Jean-Martin Aussant fait partie du conseil d’administration.

« On n’est pas un low cost. On est un normal cost ! », lance au bout du fil Serge Larivière, directeur de TREQ.

« On dit qu’on va relier Montréal et les îles de la Madeleine pour 300 à 400 $. Les gens répondent que c’est impossible. Mais Toronto-Thunder Bay, c’est la même distance et les sièges se vendent à partir de 280 $ aller-retour. Pourquoi les Ontariens seraient capables de le faire, mais pas nous ? », demande M. Larivière.

Cinq avions

Rapidement, l’idée de former une coopérative est née. « C’est trop important pour que ce soit l’affaire d’une entreprise privée. On s’est dit : c’est tout le Québec qui va être propriétaire de ça », explique Éric Larouche.

La part sociale ne doit coûter que 10 $. La campagne de recrutement de membres commencera fin janvier. « Lors de la campagne, on va mesurer l’intérêt des Québécois pour le projet. Ça va être un moment clé », croit le président.

Le financement, estimé à 65 millions, serait bouclé à 75 %. Une douzaine de destinations sont prévues, et les premiers vols auront lieu en mai si tout se passe comme prévu.

La coopérative doit compter sur cinq appareils Q400 de Bombardier. Ces avions de 78 places ont davantage de capacité que les petits appareils qui desservent actuellement plusieurs villes de région.

C’est d’ailleurs la clé du plan d’affaires : TREQ misera sur le volume pour offrir des prix plus bas que ceux de la concurrence.

« Il y a des transporteurs québécois qui disent que les prix sont hauts parce qu’il n’y a pas de demande. Nous, on dit qu’il n’y a pas de demande parce que les prix sont hauts », lâche Serge Larivière.

Enthousiasme, mais…

L’arrivée imminente de TREQ a été généralement saluée par les élus régionaux, même si certains sont plus prudents que d’autres.

« Moi, je serai le premier à prendre ma carte de membre », lance au bout du fil le maire de Sept-Îles, Réjean Porlier, qui fait partie du camp des optimistes.

« C’est inespéré pour nous et j’y crois énormément, à ce projet-là. »

— Réjean Porlier, maire de Sept-Îles

Le maire rappelle qu’un rapport d’experts de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC) a conclu en juillet dernier que le modèle coopératif était « la voie à privilégier » pour le transport aérien sur la Côte-Nord.

« L’objectif n’est pas nécessairement d’avoir du profit, mais d’amener un développement pour les régions », note M. Porlier.

Le prix des billets d’avion entre Sept-Îles et Québec joue au yoyo, déplore le maire. Actuellement, les clients paient souvent beaucoup plus que les quelque 350 $ que dit vouloir exiger TREQ.

« On a des gens avec des rendez-vous à Québec qui prennent l’auto. C’est 7 heures 30 quand tout va bien. Mais l’hiver dans de mauvaises conditions, ça peut être 10, 11 heures », dit-il.

Le maire des Îles-de-la-Madeleine fait quant à lui partie du camp des prudents. Jonathan Lapierre explique qu’il « souhaite du succès » à TREQ.

« Mais des compagnies aériennes avec des moyens financiers, il en est passé ici et personne n’a réussi à desservir les régions du Québec avec des billets au rabais », indique M. Lapierre, qui est aussi président du comité sur le transport interrégional de la Fédération québécoise des municipalités (FQM).

« S’ils sont capables d’avoir le financement, le personnel, les avions et de desservir les régions, alors grand bien leur fasse et grand bien nous fasse. »

—  Jonathan Lapierre, maire des Îles-de-la-Madeleine

Le maire de Gaspé prévient quant à lui qu’Air Canada pourrait décider de reprendre le service dans les destinations délaissées. Il demande aux gouvernements de régir davantage le prix des billets d’avion.

« Air Canada pourrait facilement revenir sur le marché, casser les reins des adversaires, reprendre son monopole et remonter les prix », dit Daniel Côté.

« On pense qu’on doit régir [le marché] en établissant des prix minimum et maximum pour les billets. Mais il n’y a aucune volonté des gouvernements de régir les marchés », dit-il.

Dans ce contexte de « Far West », le maire de Gaspé pense que le pari de TREQ « est extrêmement audacieux ».

« Mais les promoteurs derrière le projet n’en sont pas à leur première audace, dit-il. Ce sera intéressant de voir comment ça se déroule. »

Transport aérien

Air Canada secoué par de nouvelles turbulences

Ottawa — De nouvelles turbulences secouent les transporteurs aériens. Après WestJet la semaine dernière, Air Canada annonce une réduction de ses effectifs et du nombre de liaisons qu’elle assure à cause des nouvelles exigences imposées par le gouvernement Trudeau en matière de dépistage de la COVID-19.

En tout, 1900 personnes seront affectées par la décision d’Air Canada et ses partenaires régionaux. Dans le cas de WestJet, ce sont 1000 employés qui ont été mis en congé forcé et mis à pied de façon temporaire.

Ces annonces surviennent dans la foulée de la décision d’Ottawa d’exiger de tous les voyageurs âgés de 5 ans et plus d’avoir en main un résultat négatif d’un test de dépistage de la COVID-19 mené trois jours avant d’embarquer dans un avion pour rentrer au pays.

Cette exigence est entrée en vigueur le 7 janvier, après la colère provoquée par le départ de plusieurs Canadiens vers des destinations soleil alors que la seconde vague de la pandémie continue de faire des ravages.

Les grandes compagnies aériennes avaient demandé en vain un délai d’une dizaine de jours avant l’entrée en vigueur de cette mesure.

Ces annonces surviennent aussi alors que le premier ministre Justin Trudeau a nommé un nouveau ministre, Omar Alghabra, au ministère des Transports et que l’on attend toujours une aide financière spécifique au secteur aérien de la part du gouvernement fédéral.

La réduction de service de l’ordre de 25 % – qui n’épargne pas le Québec – annoncée mercredi par Air Canada entraînera aussi la fin du service dans six aéroports des provinces de l’Atlantique, l’élimination de liaisons intérieures ainsi que de destinations aux États-Unis et à l’international.

Quelque 1700 travailleurs d’Air Canada et 200 autres chez ses transporteurs Air Canada express perdront leur gagne-pain.

« Depuis la mise en œuvre par les gouvernements fédéral et provinciaux de ces restrictions de voyage renforcées […], nous avons constaté des répercussions immédiates sur les réservations à brève échéance », a indiqué la vice-présidente générale et chef des affaires commerciales d’Air Canada, Lucie Guillemette, dans un communiqué.

Elle a aussi affirmé que l’obligation de quarantaine toujours en vigueur ainsi que les confinements provinciaux nuisent à la vente de billets pour le transporteur. Vendredi dernier, WestJet avait critiqué Ottawa pour son « manque de cohérence », avant d’annoncer une réduction de ses effectifs.

Le gouvernement Trudeau « déçu »

Au bureau du nouveau ministre Omar Alghabra, on déplore la décision des transporteurs. « Nous sommes déçus par les décisions des compagnies aériennes d’annuler un plus grand nombre de liaisons régionales. L’accessibilité de toutes nos régions est importante et les liaisons aériennes sont essentielles au développement économique et à la prospérité des régions », a indiqué Allison Saint-Jean dans un courriel à La Presse.

Elle a tenu à rappeler que le gouvernement Trudeau s’est engagé à investir 1,1 milliard de dollars au cours des prochaines années afin d’assurer le maintien de services de transport aérien dans les régions du pays.

Quant à une aide financière spécifique au secteur aérien, Mme  Saint-Jean a rappelé que les transporteurs doivent respecter certaines conditions avant de toucher de l’argent sonnant d’Ottawa. En premier lieu, les compagnies aériennes doivent rembourser les consommateurs qui ont acheté un billet et qui n’ont jamais pu voyager à cause de la pandémie.

« Nous sommes pleinement conscients des conséquences de la pandémie sur le secteur aérien. […] Les discussions sont toujours en cours. Toutefois, avant de dépenser de l’argent des contribuables pour les compagnies aériennes, nous veillerons à ce que les Canadiens obtiennent leurs remboursements, que les communautés régionales conservent leurs liaisons aériennes avec le reste du Canada et que les transporteurs aériens canadiens conservent leur statut de clients clés de l’industrie aérospatiale canadienne », a-t-elle dit.

Avec les réductions du premier trimestre, Air Canada – qui avait procédé à quelque 20 000 mises à pied au printemps dernier – estime que sa capacité équivaudra à environ 20 % des vols qu’elle exploitait au premier trimestre 2019.

Air Canada n’a pas précisé à quels endroits au pays se feraient les coupes dans le personnel. Parmi les employés touchés, on retrouve du personnel de la compagnie dans les aéroports, des pilotes ainsi que des agents de bord.

Le syndicat qui représente les agents de bord d’Air Canada et d’Air Canada Rouge a précisé que 830 de ses membres seraient affectés.

En ce qui a trait à la situation au Québec, la liaison entre Québec et Toronto sera éliminée. Depuis Montréal, Air Canada cessera d’offrir des vols vers des villes américaines comme Denver (Colorado), Houston (Texas) et Orlando (Floride). À l’international, 10 destinations, comme la Barbade et Casablanca, disparaîtront.

— Avec La Presse Canadienne

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