Famille

Quand la pandémie déchire des familles

La pandémie de coronavirus jette Nathalie Boisvert dans le désarroi. « Je suis séparée de mes enfants, deux garçons de 10 et 15 ans », indique la Verdunoise. Ses fils Gabriel et Daniel sont actuellement chez leur père, à une centaine de kilomètres de Montréal. Plus exactement à… Plattsburgh, aux États-Unis. Ce qui complique drôlement la situation.

« Je cherche une solution pour les voir à nouveau les week-ends », indique Nathalie Boisvert. Or, depuis le 21 mars, le Canada et les États-Unis restreignent tous les passages « non essentiels » à leur frontière, pour contrer la propagation de la COVID-19.

Est-ce à dire qu’il n’est plus possible pour les familles en garde alternée de franchir la douane ? 

« Malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous fournir des commentaires ou des conseils sur des cas spécifiques. »

— Rebecca Purdy, porte-parole de l’Agence des services frontaliers du Canada

Sont jugés essentiels les passages de la frontière pour aller travailler, étudier, recevoir des soins de santé, etc. D’autres activités peuvent être jugées essentielles « à la discrétion de l’agent des services frontaliers », précise Rebecca Purdy. Les familles comme celle de Nathalie Boisvert peuvent donc tenter leur chance – sans garantie de succès. La position américaine est semblable. « Les voyages transfrontaliers afin de rendre visite à des membres de la famille immédiate aux États-Unis seront traités au cas par cas au port d'entrée », indique Nate Peeters, du Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis.

Le conseil de François Legault

Selon ce qu’a déclaré mardi François Legault, l’idéal est que l’enfant en garde partagée « reste avec le même parent » pour réduire les risques de contagion. Le premier ministre du Québec a même suggéré de confier l’enfant à son parent « le plus sévère »…

Cette information est qualifiée de « douteuse » par Me Alain Roy, professeur à la faculté de droit de l’Université de Montréal. Règle générale, les ordonnances de garde partagée doivent être respectées – même en temps de crise. « À mon avis, le fait que les résidences soient dans des endroits plus éloignés n’est pas un motif pour mettre un jugement de côté », indique-t-il.

Ententes à l’amiable

Bien sûr, des parents séparés peuvent convenir entre eux d’un nouvel arrangement, en raison de l’état d’urgence sanitaire. C’est ce qu’a fait Katleen, mère d’une fille de 14 ans en garde partagée. Katleen vit à Québec avec sa fille, tandis que le père de l’adolescente habite Chicoutimi. Il vient normalement la chercher un vendredi sur deux, pour passer le week-end au Saguenay.

Puisque le gouvernement du Québec recommande d’éviter les déplacements entre régions, Katleen a demandé au père de sa fille de ne pas faire le voyage, vendredi 20 mars. 

« Au début, il était réticent. Maintenant qu’il y a plus de cas, je pense qu’il comprend la situation. Mais si ça dure deux mois, qu’est-ce qu’on va faire ? »

— Katleen, mère d’une fille de 14 ans en garde partagée

Médiation en ligne

Des séances de médiation sont proposées en ligne aux parents qui souhaitent réviser un jugement ou une entente. Le ministère de la Justice couvre les honoraires, dès que les parents ont un enfant à charge. « La médiation est gratuite, aussi souvent qu’ils en ont besoin », précise Lyse Soucy, présidente de l’Association de médiation familiale du Québec.

« On ne doit jamais oublier le principe de l’intérêt de l’enfant, qui doit guider toutes les décisions parentales, observe Me Alain Roy. Les parents doivent être invités au dialogue et à l’entente avant tout. C’est la base, la clé. »

Nathalie Boisvert pense justement à son ex, un bon père qui cumule seul télétravail et supervision des enfants. « Il est au bout du rouleau », estime-t-elle. Elle n’a pas vu ses fils depuis le dimanche 8 mars, alors qu’elle les a confiés à leur père, près de la frontière. « C’est très déchirant, souligne-t-elle, parce qu’on ne sait pas ce qu’il est mieux de faire. »

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