Un chocolat doux-amer pour la Suisse

La fédération helvète peine à retenir les joueurs talentueux comme Nico Hischier

On pourrait penser que les succès du jeune Nico Hischier et le fait qu’il soit pressenti pour être le tout premier choix au repêchage, demain, sont une source de fierté immense en Suisse.

Markus Graf, directeur du développement à la Fédération suisse de hockey sur glace, est en effet bien heureux pour son jeune protégé. Mais on sent que la difficulté pour la Suisse de retenir ses plus jeunes talents l’embête un peu.

« Un tel classement [pour Hischier] fait une belle jambe à notre programme de développement, mais en même temps, nous avons besoin d’une ligue junior compétitive et d’un bon produit professionnel qu’on sera capable de financer à long terme », a rappelé Graf.

Hischier a décidé de quitter la Suisse et la structure du club SC Berne, l’automne dernier, afin de rejoindre les rangs des Mooseheads de Halifax, dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec. Il abaissera demain la marque de Nino Niederreiter, choisi au 5e rang au repêchage de 2010, en devenant le Suisse choisi le plus tôt dans l’histoire du repêchage de la LNH.

« La principale raison pour laquelle je suis venu ici, c’est pour devenir un meilleur joueur de hockey, a expliqué le centre de 18 ans à l’occasion du Combine. Je savais qu’il y aurait plus de recruteurs pour me voir, certes, mais le plus important pour moi était de devenir un meilleur joueur. »

Hischier n’est pas le premier à prendre cette voie, d’où l’agacement compréhensible de Markus Graf.

Niederreiter, par exemple, jouait à Portland, dans la WHL, au moment d’être sélectionné. Il avait comme coéquipier chez les WinterHawks son compatriote Sven Baertschi, qui a été choisi 13e au total l’année suivante. Le défenseur Mirco Mueller, choix des Sharks de San Jose en 2013, évoluait aussi dans la Ligue de l’Ouest (à Everett), tandis que Kevin Fiala (11e en 2014), qui a raté les séries des Predators de Nashville en raison d’une blessure, a joué ses années juniors en Suède.

Quant à Timo Meier, sélectionné au 9e rang en 2015, il avait précédé Hischier avec les Mooseheads.

Bref, il y a du talent de pointe qui est produit en Suisse depuis quelques années, mais il lève les feutres trop tôt au goût de Markus Graf.

Idéalement, la fédération suisse reproduirait le modèle suivi avec Roman Josi, qui a joué de bonnes années avec le SC Berne avant de partir pour l’Amérique du Nord en 2010.

« Notre structure est là pour le joueur, le joueur n’est pas là pour la structure, admet-il. Nous serons la bonne réponse pour certains gars. Pour les autres, je les mets seulement en garde de ne pas partir trop vite juste pour être là-bas. Il faut identifier la bonne place et le bon moment. »

« On ne peut pas les échapper »

Nico Hischier admet candidement que rien n’aurait pu mieux se passer pour lui cette saison. Il est surpris d’avoir gravi les échelons de cette façon. Dans son pays natal, on l’est tout autant.

« Il avait été identifié à un jeune âge comme ayant un réel potentiel au sein du club de Berne, mais chez des jeunes de 13 à 18 ans, ce potentiel-là peut se matérialiser... ou pas, prévient Markus Graf. De là à ce qu’il devienne un aussi haut choix de repêchage, on n’aurait pas pu le savoir à l’époque. Je suis très content pour lui. »

La Suisse abrite 15 000 joueurs licenciés d’âge mineur, un nombre largement inférieur à ce que des populations semblables – comme la Suède ou la Finlande – peuvent avoir. Dans les circonstances, le succès de son programme est source de fierté.

« On ne doit pas être dans le champ tant que ça pour qu’on puisse, à partir d’un si petit bassin, présenter une équipe nationale compétitive et nourrir deux ligues professionnelles et, éventuellement, des joueurs d’élite de la LNH », observe Markus Graf, qui ajoute que la question du bassin de joueurs est à la base de l’énergie consacrée au développement.

« Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre un joueur de talent, insiste-t-il. Dans la structure canadienne, dans un bassin de plus de 100 000 joueurs, si un joueur ne répond pas aux attentes, on passe au suivant. Au sein de notre pyramide, on doit cibler un certain nombre de joueurs dans chaque groupe d’âge, mais on ne peut pas les échapper. Il faut essayer de les améliorer, autant au niveau des habiletés, du sens du hockey que de son attitude. »

La Suisse réussit plutôt bien sur ce plan. Elle aimerait seulement pouvoir jouir des bénéfices lorsque le joueur est arrivé à maturité...

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