Le plan Fitzgibbon décortiqué

« Sur le fond, le ministre a dit toutes les bonnes choses », analyse un entrepreneur touché par la crise

Le programme annoncé jeudi par Québec met 2,5 milliards à la disposition des PME sous forme de prêts et de garanties de prêts dans le cadre du nouveau Programme d’action concertée temporaire pour les entreprises (PACTE). Le programme annoncé est directement consacré aux problèmes provoqués par la situation actuelle.

Par exemple, une boutique qui était rentable avant la pandémie, mais dont les clients sont disparus depuis une semaine en raison du mot d’ordre du gouvernement de rester à la maison, pourra ainsi aller voir son prêteur pour lui demander de financer son fonds de roulement à des conditions avantageuses, a insisté le ministre lors de la présentation du programme.

En temps normal, les institutions financières ne prêtent généralement pas pour financer le fonds de roulement. Mais tout est anormal depuis une semaine. La roue économique s’est arrêtée de tourner abruptement. Les mises à pied se multiplient, et ce n’est que le début d’une liste qui deviendra rapidement interminable.

Les banquiers, bien conscients de la précarité financière de leurs clients, sont disposés à piger dans leur gousset, a expliqué M. Fitzgibbon jeudi, d’autant que l’État se portera garant des emprunteurs par l’entremise de son bras investisseur, la société Investissement Québec.

Les entreprises de tous les secteurs d’activité sont admissibles au PACTE. L’aide financière, d’un montant minimal de 50 000 $, est attribuée sous forme de prêt ou de garantie de prêt. Cette mesure s’adresse aux entreprises qui vivent des difficultés temporaires en raison de la COVID-19. Elle vise à soutenir leur fonds de roulement afin qu’elles puissent poursuivre leurs activités, précise le ministre par voie de communiqué.

Pierre A. Goulet, associé du broue-pub Les Soeurs Grises, dans le Vieux-Montréal, s’est dit encouragé par les propos de M. Fitzgibbon en fin d’après-midi. « Sur le fond, le ministre a dit toutes les bonnes choses. Je suis encouragé. On va sans doute utiliser ce programme », nous a-t-il confié au téléphone.

Dans un courriel envoyé à La Presse jeudi matin, M. Goulet s’inquiétait pour la pérennité de son établissement. La subvention salariale annoncée par le fédéral mercredi ne lui était d’aucun secours puisqu’il avait dû déjà fermer ses portes temporairement, faute de clients.

Le permis d’alcool du broue-pub le contraint à vendre sur place uniquement. Son entreprise est rentable en temps ordinaire, assure-t-il. L’entrepreneur entretient néanmoins quelques doutes sur la façon dont le programme s’articulera sur le terrain.

« Nous n’avons plus de prêt avec la banque. Suis-je encore considéré comme son client ? Voudra-t-elle me prêter à nouveau ? »

— Pierre A. Goulet, associé du broue-pub Les Soeurs Grises

En conférence de presse, le ministre Fitzgibbon indiquait qu’Investissement Québec prendrait le relais en absence de prêteur traditionnel dans le dossier.

Cela dit, les principales modalités ainsi que la façon de procéder pour obtenir l’aide sont présentées sur le site web d’Investissement Québec.

Autres mesures annoncées

Un moratoire de trois mois a été instauré pour le remboursement (capital et intérêts) des prêts déjà accordés par l’entremise des fonds locaux d’investissement, indique le ministère de l’Économie, dans un communiqué sur la création du PACTE. Les intérêts accumulés au cours de cette période seront additionnés au solde du prêt. Cette mesure s’ajoute au moratoire déjà en place dans le cadre de la plupart des politiques d’investissement en vigueur dans les MRC, lequel peut atteindre 12 mois.

Des mesures d’assouplissement aux modalités de prêts déjà consentis par Investissement Québec pourront aussi être mises en place, précise le ministre

Par ailleurs, Québec s’harmonise avec Ottawa concernant les impôts sur le revenu de l’année 2019 des particuliers et des sociétés, de même que sur le paiement des acomptes provisionnels de juin. Rien n’est payable dorénavant avant le 1er septembre. La date limite pour produire la déclaration de revenus, habituellement le 30 avril, est repoussée au 1er juin.

Que se passe-t-il avec la TPS et la TVQ ?

Mercredi, l’Agence du revenu du Canada avait également annoncé un moratoire de quatre semaines sur les vérifications post-cotisations de la TPS/TVH ou de l’impôt sur le revenu. Or, au Québec, c’est l’Agence du revenu du Québec qui collecte la TPS et la TVQ. « On est encore en train d’évaluer la possibilité de s’harmoniser avec le fédéral », a indiqué en soirée Fanny Beaudry-Campeau, attachée de presse du ministre québécois des Finances, Eric Girard.

La BDC répond présente

Mercredi, c’est le fédéral qui annonçait 10 milliards d’aide aux PME par le truchement de deux organismes : Exportation et développement Canada et la Banque de développement du Canada. Dans le cas de la BDC, l’institution propose un congé de remboursement de six mois sur les prêts actuels de moins de 1 million. Elle propose de financer les fonds de roulement de ses clients actuels jusqu’à 2 millions sans paiement avant six mois. Elle offrira de nouveaux prêts à taux réduits.

Ivanhoé Cambridge suspend ses loyers

Dans un geste hors du commun, la filiale immobilière de la Caisse de dépôt Ivanhoé Cambridge annonce un report du paiement de loyer de ces locataires. La longueur du congé sera variable, bien que le ministre Pierre Fitzgibbon ait évoqué un report allant jusqu’à six mois. « Le report du paiement du loyer sera en fonction de la situation respective des locataires et de l’évolution des événements », explique la société dans une déclaration écrite. « Nous mettons en place des mesures exceptionnelles afin de répondre à une situation exceptionnelle. Chacun d’entre nous doit faire sa part pour soutenir le bien-être de notre communauté et Ivanhoé Cambridge est solidaire des circonstances difficiles », a déclaré Nathalie Palladitcheff, présidente et cheffe de la direction. Ses centres commerciaux demeurent ouverts. Ivanhoé Cambridge continuera de suivre de très près l’évolution de cette situation exceptionnelle. Il est trop tôt pour savoir si les autres propriétaires de centres commerciaux, Cominar, par exemple, lui emboîteront le pas. « Il est trop tôt pour parler de lignes directrices, dit André Boisclair, président de l’Institut de développement urbain du Québec, dans une déclaration écrite. Nous sommes dans l’univers des obligations contractuelles, rappelle-t-il. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour soutenir nos clients, les commerçants en particulier, qui souffrent. » — André Dubuc, La Presse

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