Mourir chez soi

Une fin de vie digne et naturelle refusée aux Québécois

Je suis médecin de famille depuis 40 ans. À ma première année de pratique, j’ai visité à domicile une dame de 64 ans souffrant de cancer terminal. J’ai été touchée par son plaisir de vivre chez elle avec ses proches, malgré son pronostic sombre. En la soignant, j’ai appris que la dernière année de vie peut se vivre calmement et dignement chez soi, à la condition que des médecins se joignent aux équipes à domicile des CLSC. Dans notre dernière année de vie, le désir de vivre chez soi est naturel : une personne en fin de vie n’est pas une « mourante », elle est une « vivante » qui a besoin de soins.

Depuis 40 ans, j’ai soigné des nombreux patients à domicile grâce au soutien du CLSC de Verdun et à la présence de jeunes médecins assurant une garde de 24 heures, essentielle en raison des inévitables détériorations. J’ai vu des adolescents soigner leur grand-mère avec tendresse. J’ai vu des fils de 55 ans prendre une longue pause du travail pour accompagner un père âgé. J’ai assisté à des veillées pleines de chants et de rires, entrecoupés de larmes, pour dire « adieu » au défunt.

J’ai vu de jeunes enfants et des conjoints dormir calmement auprès d’un mourant : la vie et la mort se vivent naturellement et paisiblement à domicile lorsque des médecins et des infirmières travaillent en équipe pour soulager rapidement.

L’implantation à Verdun d’une équipe médicale palliative 24 heures au CLSC (appelée SIAD) est un succès : en plus d’une réduction de 50 % des coûts, plus de 60 % de nos patients restent à domicile jusqu’au décès (contre 11,8 % pour la province, le plus faible taux en Occident, où la moyenne est de 30 %).

Mais nos décideurs ont malheureusement décidé en 2019 de ne plus permettre aux médecins SIAD de soigner un patient plus de sept jours. Alors qu’une fin de vie à domicile dure en moyenne huit mois, on nous demande de les abandonner au jour 7. Ils sont ainsi forcés de retourner à chaque détérioration dans nos urgences et nos hôpitaux débordés.

Est-ce là le « modèle québécois » des soins en fin de vie ? Je ne crois pas que les Québécois soient en accord avec une décision qui fait de l’hôpital le principal lieu de soins palliatifs, alors que la majorité des grands malades désirent être soignés chez eux. Je partage avec vous le désir d’un vieux médecin de famille : que tous les Québécois avec une maladie terminale aient droit à un suivi médical à domicile 24 heures avec leur CLSC.

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