Légalisation du cannabis

Réflexions autour du pot

En août 2002, sept auteurs prenaient la plume en faveur la légalisation de la marijuana, dans le cadre d’un dossier sur le pot paru dans l’hebdomadaire VOIR. Seize ans plus tard, La Presse a contacté quatre des signataires – Nelly Arcan, Jacques Languirand et Maurice Dantec sont morts. Deux d’entre eux, Guillaume Vigneault et Olivier Choinière, ont accepté de répondre à nos questions. Décryptage.

Sans crier victoire, Guillaume Vigneault pense que c’est une bonne chose que l’État ait enfin décriminalisé la vente de cannabis au pays. « C’est un mal nécessaire », estime-t-il. L’auteur de la série Demain des hommes ne fumait pas de pot en 2002, seulement des Gauloises blondes, et ne fume plus du tout aujourd’hui.

« À mon avis, la légalisation, c’est l’approche de réduction des méfaits [liés à la criminalisation de cette drogue]. Lorsque je fais le compte des positifs et des négatifs, la colonne du positif l’emporte. C’est quoi, l’alternative ? Le marché noir. »

Dans la colonne du positif, il y a entre autres le contrôle de la qualité du produit. « On va enfin savoir ce qu’on consomme vraiment », dit-il. Et aussi, la recherche scientifique sur les vertus thérapeutiques et médicinales de la plante.

Lorsqu’on lui demande ce qu’il pense de la mise en garde de certains médecins contre la légalisation, car cela entraînerait une hausse de la consommation de cannabis, Vigneault juge leur réaction absurde. Il ne voit pas la nouvelle loi comme une « banalisation » de la drogue, ni une promotion de son usage et de ses effets. « J’ai du mal à penser que des non-consommateurs vont, du jour au lendemain, se mettre à fumer du pot tout simplement parce que c’est légal. Ils l’auraient fait avant. »

Olivier Choinière abonde dans le même sens : « Peut-être une légère hausse à court terme, mais à moyen terme, non. » Selon le dramaturge, il ne faut pas confondre légalisation et promotion. 

« La légalisation n’a pas pour objectif de faire la promotion du cannabis. Le pot existe depuis toujours. Il fait partie de la culture et de la société. »

— Olivier Choinière

« Ce n’est pas parce qu’on légalise le pot que ça crée un [nouveau] problème. Par contre, on s’assure de la qualité du produit, comme pour l’alcool. On protège les consommateurs. »

La part du marché aux motards

Guillaume Vigneault et Olivier Choinière trouvent absurde la réaction des élus municipaux et provinciaux. Ils craignent que les différents projets d’interdiction permettent l’interprétation de la loi et criminalisent davantage les consommateurs. « C’est rendu que la seule place où on va pouvoir fumer, c’est dans notre char », ironise Vigneault.

Quant à la proposition des élus de la Coalition avenir Québec (CAQ) à Québec – hausser l’âge légal à 21 ans –, Vigneault estime que c’est contre-productif et que ça laisse la place aux criminels. 

« Les gens qui seront les plus contents au Québec, si le gouvernement Legault rend son projet à terme, ça va être les Hells Angels ! Ça leur laisse la part de marché des 16-21 ans qui formerait, selon des études, près de 40 % des consommateurs de pot. »

— Guillaume Vigneault

Si l’on parle beaucoup des dangers du pot, on parle peu de ses bienfaits, selon Olivier Choinière. « Le pot a été une occasion de communion avec les autres, mais a également signifié un espace d’exploration important dans mon travail. »

Le metteur en scène a cessé de fumer, à la fois le tabac et la marijuana, il y a quelques années. Mais il se souvient qu’à l’époque, le cannabis a influencé ses créations au théâtre. « Par exemple, l’écriture d’une pièce comme Venise-en-Québec n’aurait pas été la même sans le pot. Il y a des portes de sensibilité et d’imaginaire que j’ai ouvertes avec cette drogue et qui m’ont grandement nourri par la suite. »

De son côté, le fils du chanteur Gilles Vigneault n’a jamais exploré la création littéraire sous influence de la drogue. « J’ai besoin de toute ma tête et d’avoir les idées claires, dit le scénariste du film Chasse-Galerie. Si je fume, je perds le contrôle. »

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