Symfolium de l’Université de Foulosophie

Lâcher son fou !

François Gourd est peut-être un utopiste, mais n’allez pas croire qu’il est naïf. L’ex-militant du parti Neorhino, qui a ouvert les Foufounes électriques dans les années 80 et organisé les cabarets enfumés de la Pleine Lune avant de s’autoproclamer « grand rectum » de l’Université de Foulosophie au tournant de l’an 2000, préfère prendre le parti du rire. Malgré la tourmente des temps modernes.

« On est conscients que l’humanité s’en va vers un précipice, on est dans l’autobus, mais on a décidé d’y aller en chantant plutôt qu’en déprimant, nous dit-il. On est d’accord pour sauver la planète : en faveur de la guerre, le pétrole, les produits chimiques, la malbouffe, le suicide, tout ce qui pourrait servir à éliminer l’humanité pour qu’elle puisse repousser. On croit vraiment en l’avenir, mais botanique. »

Celui qui revendique le titre de « niaisologue » vient de réimprimer ses affiches « Hells Zheimers Québec, J’me souviens pu, Amnésie du cash », qu’il avait brandies pendant la commission Gomery sur le scandale des commandites (en réaction aux témoins qui ne se souvenaient de rien). Oui, François Gourd est un habitué des coups d’éclat et des déclarations à l’emporte-pièce.

L’ÉQUILIBRE DU CERVEAU

Pourtant, la création du Symfolium répondait à un objectif simple : rééquilibrer les deux côtés de notre cerveau.

« Pendant trop longtemps le côté gauche du cerveau, le sérieux, l’analytique, a primé sur le côté droit, plus intuitif et créatif, nous a dit François Gourd au cours d’un entretien où il était affublé d’un chapeau représentant un poulet (!). Ce côté-là a été opprimé. Pourtant, pour le bien de notre humanité, il faut un équilibre entre les deux. C’est ce qu’on a voulu faire dès le début avec cet événement. »

La fondatrice de l’École nationale de l’humour, Louise Richer, qui donne des ateliers sur les vertus du rire, partage ce point de vue.

« Les gens rient de moins en moins parce qu’on vit de plus en plus dans une société de performance. On ne distingue plus la rigueur de la rigidité. »  

— Louise Richer, fondatrice de l’École nationale de l’humour

« Pourtant, le partage du rire est une source de bien-être et de socialisation, poursuit-elle. C’est un mécanisme fondateur de l’équilibre humain. Même les entreprises considèrent aujourd’hui l’humour comme faisant partie du leadership ! »

Chaque année, François Gourd nous présente donc des « fous » créatifs dans l’espoir de polliniser les esprits rigides. Il y a eu, bien sûr, le Dr Patch Adams, défenseur des vertus du rire et d’une médecine plus humaine, mais aussi l’auteur et cinéaste mexicain Alejandro Jodorowsky, des habitants de la commune de Christiania, au Danemark, le poète espagnol Fernando Arrabal et même notre Sol national (Marc Favreau) !

LE CUL-DE-SAC DE L’HUMANITÉ

Après 17 ans de folies, comment ce Symfolium (mélange de performances, de conférences et de cabarets) a-t-il évolué au fil des ans ?

« Il n’a pas évolué du tout, répond François Gourd. On régresse dans notre incompréhension totale de ce monde. On suit le courant de l’humanité, donc on descend dans les bas-fonds, dans les annales, dans l’anus dei de la rectomologie. » 

« On espère réussir à sauver l’humanité de son autosuicide de sérieux, de guerres et de gaffes, mais bon… »

— François Gourd, au sujet du Symfolium

Justement, avec tous les grands remous sociopolitiques, est-ce que le Symfolium est plus ou moins pertinent aujourd’hui ?

« Ni plus ni moins qu’avant. Il est d’une pertinence éternelle parce qu’il y aura toujours un besoin de rire ! Même si aujourd’hui le rire est devenu une industrie qui doit être rentable… Nous, on veut le rire gratuit, on veut que les gens réapprivoisent leur propre humour. Avec le Symfolium, on veut rendre accessibles des maîtres qui nous mènent vers cette voie-là. »

BESOIN DE RIRE

« On est conditionnés à ne pas sortir de notre cadre, nous dit encore Louise Richer. À respecter des règles de bienséance. Mais on a besoin du rire et de la folie. C’est une soupape fondamentale, une respiration. On doit se donner cette permission. » 

« Quand on rit, on est dans le moment présent. C’est comme si, pendant un moment, la mort n’existait pas, parce que le temps est suspendu ! »

— Louise Richer, fondatrice de l’École nationale de l’humour

À 66 ans, François Gourd continue d’afficher son excentricité et de semer son grain de folie sur son passage. Ce sont ses bulles de mousseux.

« Quand je rentre dans le métro, je ne vois que des gens habillés en noir avec des écouteurs. Moi, j’arrive avec mes vestons de couleur, je parle aux gens, je leur souhaite une bonne journée, mais il y a une méfiance extraordinaire. Je suis le seul à faire ça ! Pourtant, l’imagination, la créativité, la folie, c’est ce qui nous permet de créer notre propre vie, sans subir un modèle qu’on veut nous imposer. »

À ses deux grands garçons de 24 et 26 ans, Aristophane Balthazar Gourd et Félix Ponpon Gaspard Gourd, il croit avoir transmis sa folie et sa philosophie de vie.

DONNER, MALGRÉ TOUT

« Je veux enrichir la société. Comme dit Jodorowsky, “ce que tu donnes, tu te le donnes. Ce que tu ne donnes pas, tu te l’enlèves”. J’aimerais qu’il y ait un virage à 180 degrés, mais c’est difficile. Aux États-Unis, ils ont décidé de couper dans les programmes alimentaires dans les écoles parce que ça n’améliorait pas les scores des jeunes ! Mais qu’est-ce qui va arriver ? Ils vont juste pas manger, ils vont juste être plus pauvres… »

Malgré ces nouvelles décourageantes, François Gourd refuse de se laisser aller à la déprime. « Je suis conscient de tout ça, mais je veux vivre heureux, je veux mourir heureux. Pour moi, le Symfolium est un rituel annuel. Le reste de l’année, j’en fais le moins possible, j’ai une blonde à Cuba, je lis, je ris, je joue. J’ai pas envie d’être en état de stress, je fais du yoga, je médite. »

Au jour le jour, François Gourd vit donc du rire et de l’oubli. « J’ai pas trop de contraintes, j’ai pas d’auto, pas vraiment de biens matériels, je vis dans une coopérative d’habitation, mes deux enfants sont grands, j’ai réussi à leur montrer à acheter du linge au Village des valeurs plutôt que de dépenser 200 $ pour une paire de jeans. J’applique le dicton de Ghandi : vivre simplement pour que les autres puissent simplement vivre. »

Symfolium, Université de Foulosophie, du 27 mars au 2 avril

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