Maria Chapdelaine en première américaine

Moins d’un mois après sa sortie en salle au Québec, le dernier long métrage de Sébastien Pilote, qui a passé la barre des 800 000 $ en recettes, poursuit son circuit aux États-Unis. Maria Chapdelaine, adaptation du classique éponyme de Louis Hémon, sera présenté en première américaine au Festival international du film de Chicago, le 23 octobre. Le quatrième long métrage du réalisateur Sébastien Pilote y représentera seul le Canada. À l’affiche partout au Québec, Maria Chapdelaine met en vedette Sara Montpetit dans le rôle principal, Sébastien Ricard, Hélène Florent, Antoine Olivier Pilon, Émile Schneider et Robert Naylor. Il a fait une entrée remarquée au box-office lors de son premier week-end, du 24 au 26 septembre, enregistrant près de 200 000 $ en recettes.

— Léa Carrier, La Presse

Musée d’art de Joliette

La gravure renaît au Nunavik

La création d’estampes avait disparu du Nunavik depuis 1989 et l’incendie fatal de l’atelier de Puvirnituq. L’artiste montréalaise Lyne Bastien a relancé cette activité avec des ateliers itinérants donnés dans les communautés inuites. On peut en constater les beaux résultats dans l’exposition Résurgence : l’estampe au Nunavik 2014-2019, présentée jusqu’au 9 janvier au Musée d’art de Joliette (MAJ).

Revenue à Montréal en juin, Lyne Bastien a vécu plusieurs années au Nunavik. Elle y a beaucoup créé, mais elle a aussi donné le goût de créer des estampes à des dizaines d’artistes inuits. Les 60 linogravures exposées à Joliette ont été réalisées par 26 artistes de neuf communautés inuites, grâce à l’aide du département d’éducation aux adultes de la commission scolaire Kativik Ilisarniliriniq et le soutien du gouvernement régional Kativik.

Évènement parallèle de la Biennale internationale d’estampe contemporaine de Trois-Rivières, l’exposition du MAJ résulte aussi d’un partenariat du musée avec l’Institut culturel Avataq et la Société Makivik. Le commissariat de l’exposition est signé par Lyne Bastien et deux artistes inuites. D’abord, Maggie Napartuk, d’Inukjuak, que Mme Bastien a formée si bien à l’estampe que c’est elle qui, désormais, donne les ateliers.

« Au début, je pensais que la gravure, ce n’était pas intéressant. Mais dès que j’ai commencé à apprendre à en faire avec Lyne, je n’ai plus été capable d’arrêter ! Je ne savais pas que je pouvais avoir cette faim de réaliser des estampes. Ça me calme. »

— Maggie Napartuk

De son côté, Qumaq Iyaituk, une dessinatrice d’Ivujivik qui fait aussi des vitraux et de la sculpture sur neige ou bois, avait été impressionnée par le travail de Lyne Bastien et a décidé de s’y mettre aussi. Durant son enfance, elle était épatée par sa mère et son oncle, qui sculptaient. Elle avait également vu des anciens du village faire de la gravure.

« Maintenant que j’en fais moi-même, je trouve ça de plus en plus intéressant, même si ça prend beaucoup de temps, dit Qumaq Iyaituk. C’est toujours impressionnant quand on fait nous-mêmes l’impression et qu’on découvre le résultat final après avoir soulevé doucement le papier. Waouh ! »

Lors des ateliers itinérants, les artistes inuits produisaient de deux à cinq linogravures qu’ils ont, la plupart du temps, vendues lors d’expo-ventes. Un exemplaire de chaque estampe était conservé par l’institut Avataq, qui préserve l’art du Nunavik.

La sélection des linogravures pour cette expo s’est faite en respectant une grille d’évaluation, dit Maggie Napartuk. « Parfois, nous n’étions pas d’accord toutes les trois sur les œuvres à retenir, mais on retournait alors à notre grille d’évaluation pour trancher », dit-elle.

« J’avais ma façon “du Sud” de voir les œuvres d’art, dit Lyne Bastien. Mais j’ai compris ce qui est important pour les Inuits. J’avais tendance à retenir les œuvres plus esthétiques alors que leurs choix étaient basés sur des traditions, leur quotidien et la signification des dessins. »

Les œuvres retenues sont très diversifiées, le choix étant issu de visions différentes. C’est ainsi qu’une des linogravures représente la coque d’un iPhone rempli de références aux traditions inuites. Elle a été créée par un jeune artiste, Lucasi Iyaituk, petit-fils de Qumaq Iyaituk et plus jeune des participants aux ateliers.

Une autre linogravure s’intitule Cueillir des baies avec des ours. Jessie Koneak Jones, l’artiste, pourrait avoir voulu faire de l’humour, mais l’œuvre évoque les changements climatiques.

« Jessie a fait cette œuvre parce qu’elle reflète sa réalité, dit Maggie Napartuk. Elle doit apporter un fusil avec elle quand elle ramasse des baies, car parfois, on n’entend pas l’ours venir. Des ours noirs et bruns montent plus qu’avant au nord à cause du réchauffement climatique. » « Et les ours polaires descendent plus au sud », ajoute Qumaq Iyaituk.

D’autres linogravures racontent le quotidien des Inuits, comme l’accouchement avec une sage-femme, le rôle du shaman, un hibou pêchant un poisson ou l’intérieur d’un igloo. Le directeur général du MAJ a été touché de présenter cette expo au sein du musée lanaudois. « Il est important d’affirmer que ce n’est pas notre exposition, dit-il. C’est leur voix qui doit transparaître et je préfère ne pas dire autre chose que d’inciter les gens à aller voir Résurgence. »

Lyne Bastien a aussi formé deux artistes d’Ivujivik, Mary Paningajak et Jusi Sala, pour qu’ils deviennent des imprimeurs officiels dans le Nord. Tous deux n’ont pas encore d’atelier, mais la construction d’un espace est prévue pour l’an prochain. « L’important dans tous ces projets aura été de partager mes connaissances et de travailler avec des artistes pour que les Inuits prennent en charge leurs propres formations », dit Lyne Bastien. Maggie Napartuk s’en va d’ailleurs dimanche en résidence artistique en Finlande parfaire ses connaissances en gravure. « Mon premier voyage hors du Canada », a-t-elle dit à La Presse.

Enfin, à noter qu’au rez-de-chaussée du musée, il ne faut pas manquer l’exposition Souriez ! Les émotions au travail, avec des œuvres de 30 artistes du Canada et d’ailleurs. L’exposition collective, dont les commissaires sont Anne-Marie St-Jean Aubre et Maud Jacquin, est la plus ambitieuse de l’histoire du MAJ. Elle aborde le rôle et la nature des émotions dans l’univers du travail, en cette ère de télétravail et de relance économique.

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