patinage de vitesse

À 25 et 27 ans, David La Rue et Christopher Fiola figurent encore parmi les espoirs canadiens du patinage de vitesse sur longue piste. Blessés pour le reste de la saison, les deux coéquipiers ont bien l’intention de revenir à leur meilleur niveau d’ici les Jeux olympiques de Milan et Cortina, en 2026. La Presse les a rencontrés en marge de la Coupe du monde de Québec, la semaine dernière.

David La Rue

Un virage grand-angle

De nombreuses blessures, une compétition de sélection olympique annulée en raison d’une éclosion de COVID-19, trois ans d’absence du circuit de la Coupe du monde : David La Rue a mangé son pain noir ces dernières années. Au point que le vice-champion mondial junior du 1500 m en 2018 s’est remis en question.

« Est-ce que j’ai atteint mon plein potentiel dans le sport ? s’est demandé l’ancien patineur sur courte piste. J’essayais différents trucs, je me trouvais bon, mais ce n’était pas le niveau dont j’avais envie. »

Les choses ont débloqué l’hiver dernier avec trois médailles aux Jeux mondiaux universitaires de Lake Placid, où il s’est mesuré à quelques rivaux de renom. La Rue a poursuivi sur sa lancée à l’automne en décrochant les meilleurs résultats de sa carrière en Coupe du monde, dont une huitième place au 1500 m à Pékin, à trois quarts de seconde du podium. Il s’en promettait pour les manches en Norvège et en Pologne. Or, il n’était pas au bout de ses peines.

À un camp de vélo à Gérone, en Espagne, il suivait une coéquipière à 40-45 km/h quand il a foncé dans une grosse roche qu’elle n’avait pas vue. Son pneu avant a éclaté et il s’est retrouvé groggy sur le bitume, écorché sur tout un côté. Surtout, sa tête a tapé et son casque a renfoncé.

Rapidement conduit en ambulance à l’hôpital, La Rue pensait avoir évité le pire, mais un tomodensitogramme a révélé une hémorragie cérébrale.

« J’étais magané, j’avais des blessures partout sur la peau, mais la tête allait bien, j’étais lucide », a-t-il relaté la semaine dernière en marge de la Coupe du monde de Québec

« Quarante-huit heures plus tard, les symptômes sont partis en chute libre ! Je me suis réveillé complètement étourdi, incapable de distinguer quoi que ce soit sur l’écran de mon cellulaire. Je me suis levé pour aller aux toilettes, je suis tombé sur le mur et je me suis mis à vomir. Ça, c’était le début d’une longue journée pour revenir au Québec… Mon raisonnement n’était probablement pas à son meilleur. Les agentes de bord ont eu pitié de moi, mais j’ai survécu. »

Après la résorption des saignements, l’athlète de Saint-Lambert est retourné sur la glace au début de janvier. Les étourdissements ont repris de plus belle le lendemain. Il a mis deux semaines pour en guérir.

« Ce n’étaient pas des symptômes à l’effort, mais mon système vestibulaire qui était affecté. Tout ce qui est l’oreille interne et l’équilibre. J’ai quand même pu poursuivre et même pousser l’entraînement à vélo et en musculation. »

« Une mentalité complètement différente »

Depuis deux semaines, le patineur de 25 ans a remis les lames avec succès à l’anneau Gaétan-Boucher à Québec. Il progresse à petits pas, en parallèle de ses séances de physiothérapie vestibulaire. Sa saison est pratiquement terminée, sauf peut-être pour une Coupe Canada dans un mois à Calgary.

Malgré tout, La Rue garde le moral. Bachelier en finance à l’Université Laval, il profite de sa pause compétitive pour étudier en vue de son examen de niveau II pour devenir analyste financier agréé (CFA). Sa période noire des dernières années lui fait mettre sa carrière sportive en perspective.

« J’ai une mentalité complètement différente par rapport au sport. Je le fais parce que j’aime ça, parce que j’ai envie de découvrir des pays, prendre le temps de les visiter, échanger avec les autres athlètes. C’est sûr que je veux performer, mais ne penser qu’à ça, ce n’était pas nécessairement sain.

« Maintenant, le patin, c’est une partie de ma vie que je suis content d’avoir. Elle a du sens par rapport à mes buts globaux à long terme, tant sportifs que dans la vie en général. »

Ce virage grand-angle le mènera à découvrir son plein potentiel, est-il persuadé.

Christopher Fiola

Zoom sur la saison prochaine

Christopher Fiola a troqué ses longues lames pour un (long) téléobjectif de location à la Coupe du monde de patinage de vitesse de Québec, le week-end dernier.

Sur la touche pour cause de blessure, il a offert ses services comme chauffeur à l’équipe américaine. En échange, il a obtenu une accréditation à titre de photographe, une autre de ses passions.

Le Montréalais d’origine aurait préféré se frotter à l’Américain Jordan Stolz, comme son compatriote Laurent Dubreuil, mais une tendinite au genou droit, qu’il traînait depuis deux ans, a finalement eu raison de sa volonté. Absent des Championnats canadiens en octobre, il n’avait pas recommencé à patiner à l’aube des sélections nationales de janvier. Il s’est donc résigné à faire une croix sur le reste de la saison.

« Il y a eu des hauts et des bas, mais mon deuil est fait », a dit Fiola en souriant, caméra en bandoulière, dans les hauteurs du Centre de glaces Intact Assurance.

Touche-à-tout, l’athlète de 27 ans a excellé en courte piste et en patin à roues alignées – il a même participé aux Jeux panaméricains de Toronto en 2015 – avant que deux fractures à une jambe, coup sur coup, dans chacune des disciplines, le convainquent de se convertir à l’anneau glacé de 400 m.

À l’instar de son coéquipier David La Rue, Fiola a été médaillé aux Championnats du monde juniors, montant trois fois sur la deuxième marche du podium en 2016. Après avoir flirté avec le départ en groupe à ses débuts, il s’est spécialisé dans le sprint de 500 m, une épreuve dense au Canada à l’époque.

À l’issue d’une première campagne en Coupe du monde en 2018-2019, des blessures et la pandémie ont ralenti sa progression. Après avoir frôlé le standard olympique en décembre 2021, il a vu le tapis lui glisser sous les pieds de façon définitive à la suite de l’abandon de la dernière compétition de qualification en raison de la COVID-19.

Dans l’ombre de Dubreuil, Fiola a rebondi au début de la saison dernière en terminant deux fois parmi les dix premiers en Coupe du monde, un sommet personnel. La suite a été moins probante, mais il a tout de même été sélectionné pour ses deuxièmes Mondiaux par distances, où il a gagné l’or au sprint par équipes en compagnie de Dubreuil et d’Antoine Gélinas-Beaulieu. Sur le plan individuel, il s’est classé 12e à égalité au 500 m.

Ce dernier résultat l’a laissé sur son appétit. Avec le recul, il constate que son genou amoché lui a considérablement nui.

« J’étais complètement arraché ! a-t-il pouffé. J’avais encore un bon départ, mais dans le dernier virage, j’ai ralenti de presque trois ou quatre kilomètres/heure. C’est là que j’ai tout perdu. C’était tellement serré que j’aurais pu faire un top 10. Mais ça reste des peut-être. On ne saura jamais. »

Nécrose

Une chose est certaine : Fiola a payé cher pour avoir poussé ses articulations à de tels extrêmes en dépit de la douleur. Des examens ont révélé la présence de deux taches noires sur son tendon rotulien droit, signes d’une nécrose. Il a donc limité son entraînement à de la salle et de la natation, un nouveau sport dont la découverte a été une aventure : « Je nageais mal en mausus ! Un stagiaire en préparation physique m’a accompagné et ça faisait dur ! Finalement, j’ai dû faire 70 kilomètres dans mon année. »

De premiers traitements – timbres de nitroglycérine et coûteuses injections d’acide – se sont révélés inefficaces. En revanche, la thérapie par ondes de choc radiales (shockwave), combinée à des exercices excentriques en musculation, a rapidement produit des résultats.

« Ça a relancé le processus de guérison. J’ai senti des changements : j’ai plus de flexibilité [dans le genou] et moins de douleur. Une échographie a montré que les taches noires avaient disparu. Le tendon est plus épais qu’avant. Les deux protocoles ensemble, ça a fait toute la différence. »

Pour la première fois en près de dix mois, Fiola a rechaussé les patins il y a deux semaines. « C’est comme si je n’avais pas arrêté ! », s’est-il étonné, attribuant cette absence de rouille à de nombreux exercices de visualisation et à la santé de son genou.

« Naturellement, je patine mieux qu’avant parce que j’ai confiance en ma jambe. Dans les vidéos, j’ai remarqué que j’avais tendance à déposer mon pied droit trop loin dans les lignes droites, pour être moins croisé. Même chose dans les virages, où je trébuchais un peu parce que je ne voulais pas m’écraser sur ma jambe. Ça a réglé le problème. »

Son temps de glace est limité, mais Christopher Fiola est déterminé à zoomer sur la saison prochaine. Et sa blessure aura servi à éviter des problèmes à Dubreuil, qui a pris le temps de bien soigner une tendinite l’été dernier pour ne pas vivre le même cauchemar que son collègue.

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