Opinion : Inondations

Bye-bye, maison !

Voilà la réalité de milliers de sinistrés des inondations du printemps

Bye-bye maison !, cette célèbre émission de la chaîne Canal Vie, nous présente deux spécialistes en décoration intérieure qui remettent au goût du jour les espaces habitables d’une maison afin d’en accélérer la vente en fournissant une maison attrayante et invitante. Un concept intéressant.

Hier, j’ai assisté à une rencontre d’information de la part de la Sécurité publique du gouvernement du Québec au sujet du projet de décret dans le cadre du programme d’aide financière à la suite des inondations du printemps dernier. Il est triste de constater que le titre de cette émission pourrait aussi être la réalité de plusieurs milliers de sinistrés dans plus de 15 régions du Québec.

Comme beaucoup d’entre eux, le 6 mai dernier, assise à ma table de cuisine, j’ai pris la décision de quitter ma maison, inondée par les eaux du lac des Deux-Montagnes. Forcée de me rendre à l’évidence qu’en deux jours, l’eau était montée tellement rapidement que je n’arriverais pas à rester dans ma maison et que les risques pour ma santé étaient trop nombreux.

J’ai dit à mon conjoint : « Ok, c’est juste du matériel. » L’aide venait de partout : les employés municipaux, les voisins, la famille, les amis, etc. Tout le monde voulait venir nous aider à protéger notre maison. Nous avons répondu à ces personnes que pour le moment, nous quittions notre maison, mais qu’au retour, nous aurions besoin de leur énergie afin de rétablir nos espaces habitables.

Des paroles et des promesses

Je me rappelle un matin où nous étions à l’hôtel fourni par les dons des gens de la Croix-Rouge. J’ai écouté attentivement les paroles et les promesses des différents ministres, avec leurs vestes d’intervention. Ils rassuraient les sinistrés et demandaient aux gens de quitter leurs maisons, car ils ne pourraient plus assurer leur sécurité en cas d’urgence.

À mon grand malheur, comme beaucoup de citoyens, sinistrés ou non, j’ai cru les paroles du ministre Coiteux. Nous avons entendu des spécialistes nous parler d’eau contaminée, de changements climatiques, de gestion des barrages hydroélectriques.

Lorsque nous sommes retournés à notre maison – car je dois affirmer aujourd’hui que j’ai eu cette chance –, l’énergie, le soutien, l’aide de la Croix-Rouge, des employés municipaux et des membres de nos familles étaient au rendez-vous.

Mais le gouvernement s’est désisté à la dernière minute de ce rendez-vous si important pour les milliers de personnes sinistrées au Québec.

Nous avons été proactifs, nous avons tout lu sur le programme, assisté à trois réunions dans trois municipalités différentes pour être certains de ne rien manquer. Nous avons laissé nos noms, préparé tous les documents à transmettre, consigné les factures, commencé les travaux de démolition et de désinfection.

Parmi les sinistrés, plusieurs personnes font face à une réalité sans mots. Ils devront dire bye-bye à leur maison, à leurs souvenirs, à tous leurs efforts. Des couples se sépareront, des familles éclateront, beaucoup de ménages devront déclarer faillite, car en raison des savants calculs du programme d’aide financière, certaines personnes devront essuyer des pertes importantes. Je ne connais pas beaucoup de gens qui ont la capacité de continuer à payer une hypothèque et un logement en même temps.

Lundi, à l’aréna de Deux-Montagnes, j’ai entendu et observé la détresse, l’incompréhension et la colère des sinistrés.

J’ai entendu aussi celles des élus et des employés municipaux qui sont venus crier la lenteur et leur mécontentement devant le désengagement de notre gouvernement libéral en lançant la balle aux responsables des municipalités. Nous avons entendu certains maires crier qu’ils sont prêts non seulement à soutenir leurs concitoyens au début des travaux, mais aussi dans tous les chantiers de protection de leurs rives pour l’avenir. Tous attendent le gouvernement.

Oui, nous savons tous que les changements climatiques augmenteront les risques de revoir la montée des eaux printanières dans les années à venir. Nous le savons, nous vivons au gré de l’eau.

Dans les médias, les sinistrés qui pleurent, qui sont en détresse psychologique, qui vivent dans les hôtels ou chez leurs proches, qui ont tout perdu, c’est pas mal moins vendeur que les images spectaculaires du printemps, où on voyait l’eau ravager les berges et les maisons. Les citoyens du Québec ont répondu à l’appel, ils ont donné, ils ont aidé, ils ont soutenu. Le gouvernement libéral a manqué son rendez-vous avec la population sinistrée au Québec.

Où sont les médias ? Où sont les personnes qui pourraient défendre cette cause ? Plusieurs devront dire bye-bye, maison, mais vu d’une perspective beaucoup moins populaire et qui prend un tout autre sens.

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