Rapport de l’INSPQ

Le taux de suicide se « stabilise », mais la détresse demeure

Le taux de mortalité par suicide semble se stabiliser au Québec, malgré la pandémie. Mais la détresse qui peut mener quelqu'un à mettre fin à ses jours est « palpable », révèlent de nouvelles données de l’Institut national de santé publique (INSPQ) parues lundi. La situation est particulièrement préoccupante chez les jeunes filles âgées de 15 à 19 ans.

D’après les plus récentes observations du Bureau du coroner en chef du Québec, collectées par l’organisme, on estime que 1016 Québécois ont mis fin à leurs jours en 2020. Pour l’instant, il s’agirait donc de 112 suicides de moins qu’en 2019. Cette année-là, 1128 personnes s’étaient suicidées au Québec. Il y a quatre ans, en 2018, ce chiffre était de 1094. Les données de 2021 ne sont pas encore disponibles.

La coauteure du rapport, Pascale Levesque, prévient que ces chiffres doivent être interprétés avec beaucoup de prudence. Les données de 2020 pourraient être « un peu plus élevées », puisque 12 % des enquêtes pour suicide sont toujours en cours. Le taux réel de suicide pourrait ainsi être « sous-estimé d’environ 2,5 % », indique-t-elle.

Malgré tout, « globalement, la tendance à une stabilisation du taux de suicide se confirme », fait valoir l’épidémiologiste spécialisée sur la question du suicide. « Après une légère diminution au cours des dernières années, on semble atteindre un plateau », observe Mme Levesque, qui rappelle que le taux de suicide le plus élevé demeure chez les personnes de 50 à 64 ans, leur nombre étant aussi « trois fois plus élevé » chez les hommes que chez les femmes.

Selon l’experte de l’INSPQ, ce sont « peut-être les efforts de prévention » qui peuvent expliquer que le nombre de suicides n’a pas augmenté au cours de la première année de la pandémie.

« Les intervenants en prévention du suicide signalent que les centres de crise et de prévention du suicide sont très sollicités. Ils contribuent à soutenir la population dans les moments difficiles », illustre-t-elle.

Au début de décembre, Suicide Action Montréal disait constater une hausse de 28 % des interventions en novembre 2021 par rapport à novembre 2020, où la hausse était déjà de 10 %. « Si la tendance se maintient, à la fin de cette année, on devrait enregistrer une hausse de 45 %. C’est énorme, sachant que, l’an dernier, on avait déjà une augmentation de 22 % », avait alors indiqué à La Presse la directrice des communications, Sophie-Charlotte Dubé-Moreau.

Sa collègue Camille Martin-Émond, intervenante, avait indiqué qu’une détresse « est bien palpable sur le plan de la teneur des appels qu’on reçoit ». « C’est quelque chose qu’on remarque sur la ligne. Ça nous inquiète, c’est certain, mais en même temps, ça nous rassure de voir que les gens utilisent nos services », avait-elle soulevé.

Des visites aux urgences qui bondissent

Les chiffres de l’INSPQ montrent également que les visites aux urgences pour des tentatives de suicide ou des lésions suicidaires ont subi une « augmentation marquée » en 2021, tout particulièrement chez les jeunes filles de 15 à 19 ans.

« Les visites aux urgences pour les idées suicidaires ont grimpé de 15 %, et les tentatives de suicide de 23 % en deux ans pour ce groupe », selon le rapport qui note toutefois qu’« heureusement, cela ne se traduit pas par une hausse des suicides, qui reste relativement basse chez les jeunes filles ». Les hospitalisations et les visites aux urgences pour des tentatives de suicide ou des idées suicidaires semblent aussi « en essor » chez les jeunes garçons de 14 à 19 ans.

« Les efforts de prévention semblent aider à stabiliser le nombre de suicides depuis quelques années. Mais les impacts de la pandémie se manifesteront pour encore longtemps. Nous devons rester vigilants face à de nouveaux facteurs de risques de suicide qui pourraient émerger dans les prochaines années. »

– Extrait du rapport de l’Institut national de santé publique

Les auteurs du rapport soutiennent enfin que, « face à l’adversité et les inquiétudes liées à la pandémie de COVID-19, le maintien d’un réseau social de qualité est une des solutions pour protéger la santé mentale des Québécois et ainsi limiter les comportements suicidaires ».

Ces données sont publiées dans la foulée de la 32e Semaine nationale de prévention du suicide, qui se tient du 30 janvier au 5 février partout au Québec, sur le thème Parler du suicide sauve des vies.

Besoin d’aide ?

Si vous avez besoin de soutien, si vous avez des idées suicidaires ou si vous êtes inquiet pour un de vos proches, le Service de prévention du suicide du Canada peut être joint en tout temps au 833 456-4566. Pour joindre Suicide Action Montréal, composez le 1 866 APPELLE (1 866 277-3553).

Consultez le site Comment parler du suicide


EN SAVOIR PLUS

1,7 %, Le suicide est la cause de 1,7 % de tous les décès survenus au Québec entre 2017 et 2019, ce qui en fait la septième cause de mortalité dans la province.
Source: SOURCE : INSPQ

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