Variant Delta

« Les chiffres font peur »

Avec l’ombre du variant Delta de plus en plus grande, des entreprises pourraient remettre en question leur retour au bureau en présentiel prévu à l’automne. En attendant, elles sont en réflexion sur la suite des choses, selon deux avocats interviewés par La Presse.

Plus de 750 nouveaux cas de COVID-19 le week-end dernier. Le chiffre a de quoi conduire à la réflexion plusieurs organisations qui se sentaient prêtes à rouvrir leurs espaces de travail à leurs employés en septembre. « Les chiffres de la fin de semaine font peur, confirme André Sasseville, avocat en droit du travail et de l’emploi et associé de la firme Langlois Avocats. C’est inquiétant, 250 cas par jour. »

« Il y a beaucoup d’incertitude, ajoute Éric Lallier, avocat en droit du travail et associé de Norton Rose Fulbright Canada. Les gens sont préoccupés par ce qui se produit. Beaucoup d’entreprises se sont commises et ont hâte de revoir les gens au bureau, mais elles réfléchissent. Est-ce que ça se matérialisera par des annonces de mise sur pause ? Je sens que tout le monde est à la recherche de solutions. »

Poursuivre le télétravail quelques mois de plus, favoriser rapidement un modèle hybride, suggérer fortement au personnel de se faire vacciner, offrir un environnement de travail attirant en temps de pénurie de main-d’œuvre… Les idées et solutions potentielles se bousculent dans la tête des dirigeants.

« Les entreprises ont travaillé tellement fort pour que la mise en place d’un environnement de travail sécuritaire soit un succès, note MSasseville. D’ailleurs, les gouvernements oublient de féliciter les employeurs. Ils sont les principaux responsables de l’aplanissement de la courbe, comme le dit si bien le docteur Arruda. »

En attendant, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) rappelait le 3 août qu’elle recommandait le maintien d’une distanciation minimale de deux mètres, à l’intérieur comme à l’extérieur, « en contexte de travail où les interactions sont souvent plus fréquentes, inévitables et de longue durée ». « Un employeur pourrait faire l’objet de visites, dit MLallier. Les organisations ont encore beaucoup de précautions à prendre. »

Les spécialistes consultés par La Presse ne croient pas que l’option de reporter la réouverture des bureaux soit considérée. « Les entreprises vont d’abord respecter les décrets gouvernementaux, dit MSasseville. S’il n’y en a pas, elles favoriseront la reprise des activités normales. »

« Ces questions sont discutées de façon soutenue, témoigne MLallier. Je suis consulté fréquemment sur la façon de retourner quand même au bureau, la façon de moduler pour que ça se réalise. »

Les règles à établir

Les discussions tournent davantage autour des règles à établir, des obligations des employeurs et des droits et libertés des employés. Un passeport vaccinal pour pouvoir mettre le pied au bureau serait-il envisageable ?

« L’employeur pourrait exiger la vaccination des salariés. Dans le cas d’une entreprise où les gens sont en contact direct, par exemple, répond MSasseville. Lors du SRAS, on a exigé que les employés d’une organisation en santé le soient. Cela dit, le critère de la jurisprudence est l’exigence professionnelle justifiée (EPJ). La politique doit être justifiée par la fonction de l’employé. Le premier ministre Trudeau s’est avancé sur la vaccination obligatoire pour la fonction publique fédérale, mais je ne suis pas certain que ça passerait le test. J’ai des doutes professionnels. »

« Beaucoup vont réfléchir au passeport vaccinal adapté à l’entreprise, poursuit MLallier. Il y a cependant peu de précédents sur lesquels s’appuyer. À première vue, il y a des droits affectés par une telle décision. Mais on ne pensait pas qu’une quatrième vague était possible. Est-ce que ça donne des munitions pour justifier un passeport vaccinal ? Je pense que oui. Je n’exclus pas que les tribunaux soient saisis de ces cas à plus ou moins long terme. Le droit de choisir est confronté au droit de tous. »

Dans tous les cas, les entreprises doivent communiquer clairement leur plan aux salariés. « Pour éviter la confusion, dit MLallier. L’entreprise diligente a eu au préalable une réflexion sur le retour au bureau, mais elle regarde en ce moment ses options. Fait-on un pas en arrière ou met-on des mesures de précaution ? »

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