Facebook débarque à Montréal
Montréal héberge officiellement depuis hier le nouveau laboratoire en intelligence artificielle de Facebook, le quatrième du genre après ceux de New York, Paris et Menlo Park, dans la baie de San Francisco.
L’annonce a été faite à l’Université McGill, en présence notamment du premier ministre Justin Trudeau et de sommités montréalaises en intelligence artificielle. Le laboratoire comptera à terme une trentaine de scientifiques et en a déjà recruté cinq qui ont officiellement pris possession de leurs bureaux lundi dernier. Il est dirigé par Joëlle Pineau, de l’Université McGill, codirectrice du Reasoning and Learning Lab de cette institution.
« Nous avons choisi Montréal pour les talents : nous sommes attirés par les talents comme les insectes par la lumière, a tout simplement expliqué hier Yann LeCun, chercheur en intelligence artificielle et directeur du Facebook AI Research, créé en 2013. Il ne s’agit pas d’établir seulement un laboratoire, mais aussi des partenariats. »
Est-ce que Montréal est meilleur à cet égard que Toronto ? « Je dirais que oui, a-t-il expliqué plus tôt cette semaine lors d’une conférence de presse téléphonique. Si vous ne regardez que la scène des start-up, elle est plus grande à Toronto. Mais pour ce qui est des start-up en intelligence artificielle, c’est Montréal. Montréal est mieux organisé, avec de plus grands labos, plus de facultés. »
Pour Joëlle Pineau, ce laboratoire permettra notamment de garder à Montréal les experts les plus doués.
« Depuis des années, j’ai vu un flot constant d’étudiants et de professeurs s’exiler. C’est excitant pour moi de penser que certains vont rester… et d’autres vont pouvoir revenir. »
— Joëlle Pineau
La chercheuse gardera un pied dans le milieu universitaire en enseignement, qui occupera la moitié de son temps jusqu’à l’hiver prochain. Elle estime que l’ouverture de Facebook, dont les résultats de recherche sont systématiquement partagés, a pesé lourd dans sa décision. « Facebook a cette particularité d’être engagé envers la science ouverte, a-t-elle expliqué plus tôt cette semaine. Ça veut dire que je peux parler de mes recherches librement avec mes collègues de McGill, je peux collaborer avec les deux côtés très librement. »
Facebook est « en tête de peloton » en ce qui concerne deux des « passions » de la chercheuse, soit les systèmes de dialogue et les agents conversationnels.
Saveur locale
L’ouverture d’un nouveau laboratoire vient de pair avec des subventions de Facebook estimées à 7 millions. L’Institut des algorithmes d’apprentissage de Montréal (MILA, dirigé par Yoshua Bengio) aura droit à une partie de cette somme pour rehausser son infrastructure informatique.
« Un des domaines où les laboratoires universitaires sont en retard par rapport à l’industrie, c’est au chapitre des infrastructures informatiques, a indiqué Mme Pineau. Il va y avoir un investissement significatif à ce niveau. »
L’Institut canadien de recherches avancées (ICRA), l’Université de Montréal et l’Université McGill auront également droit à leur part du gâteau.
« Dans la mine »
Il s’agit d’une troisième grosse prise dans ce domaine pour Montréal en un an, après l’ouverture d’un centre de recherche par Google et l’acquisition d’une jeune pousse montréalaise, Maluuba, par Microsoft.
Le laboratoire Facebook de Montréal, comme ses trois prédécesseurs, vise à développer de nouveaux algorithmes en intelligence artificielle qui seront utilisés par le réseau social. Il aura toutefois une « saveur locale », selon sa directrice, qui rappelle que sa propre expertise est essentiellement centrée sur une branche de l’IA, l’apprentissage par renforcement.
« La recherche fondamentale nous permet de développer les modèles de base à partir des données d’interaction, et Facebook a des tonnes de données d’interaction. Nous serons dans la mine et nous allons pouvoir améliorer notre capacité à analyser les données d’interaction. De ma perspective, l’apprentissage par renforcement est l’outil idéal pour explorer ces notions. »
Selon Yann LeCun, les recherches permettront notamment d’améliorer l’efficacité des assistants virtuels en comprenant mieux les mécanismes des dialogues en ligne.
« Il est admis que la façon la plus courante dont les gens vont interagir dans le monde numérique à l’avenir sera essentiellement la voix et l’interaction avec un assistant numérique intelligent, a-t-il expliqué lors de la conférence téléphonique de lundi. Ça implique de pouvoir avoir une discussion avec ces systèmes qui ne soit pas source de frustration, comme ça l’est actuellement. »