Montréal s’engage à limiter les hausses de taxes

Traduisant la bonne tenue du marché immobilier depuis 2017, les valeurs municipales des propriétés avancent de 13,7 % en moyenne dans le nouveau rôle d’évaluation qui entre en vigueur le 1er janvier prochain. Montréal insiste toutefois pour dire que la hausse moyenne des taxes décrétée par la ville-centre sera limitée à 2 % l’an prochain. Reste à voir ce que feront les arrondissements. Un dossier d’André Dubuc

Le nouveau rôle municipal en 10 faits saillants

Une île de 384,5 milliards

L’île de Montréal n’est pas à vendre, mais si elle l’était, son acquéreur pourrait s’attendre à payer la coquette somme de 384,5 milliards, soit la valeur de son parc immobilier telle que calculée par le service d’évaluation de la Ville de Montréal.

L’assiette foncière de l’île de Montréal connaît une hausse de 46,3 milliards avec le nouveau rôle. Cette hausse moyenne des valeurs de 13,7 % traduit une reprise de la croissance des valeurs après le ralentissement observé lors du dépôt des rôles 2017 (5,9 %).

La maison : un bon investissement

Quand la valeur d’un logement augmente, son propriétaire s’enrichit. Le rôle confirme que l’achat d’une maison unifamiliale est l’un des meilleurs investissements que l’on puisse faire à Montréal, en raison de la rareté de l’offre. Le prix élevé des terrains et des règlements favorisant la densification font en sorte qu’il se construit de moins en moins de maisons. À l’échelle de l’île, les maisons se sont appréciées de 16,7 % avec le nouveau rôle, qui reflète la valeur marchande au 1er juillet 2018. C’est plus que les condos (8,7 %) et les plex, immeubles de 2 à 5 logements (13,9 %).

Les terrains aussi

Heureux qui comme les propriétaires de terrains ont fait un beau voyage… à la banque.

Les terrains vacants sont une denrée recherchée dans l’île. Ce n’est pas nouveau en soi, mais le phénomène ne paraît pas ralentir. La valeur de ceux-ci grimpe de 19 % en moyenne avec le nouveau rôle. Mais la variation dépasse les 30 % à Beaconsfield, Mont-Royal et Outremont. Au centre-ville, où les terrains vacants d’hier sont devenus des tours de condos, la hausse est de 28 %. Dans le Sud-Ouest, qui englobe le quartier Griffintown en vogue, la valeur des terrains vacants s’apprécie de 24 %.

Les secteurs chauds

L’Ouest-de-l’Île et les quartiers aisés du centre de l’île affichent les plus fortes hausses : Beaconsfield, Mont-Royal, Hampstead ont des variations de 23 à 28 %. Kirkland et Westmount, entre 20 et 23 % ; suivent Baie-d’Urfé, Dollard-des-Ormeaux, Pointe-Claire, Outremont, le Sud-Ouest, Verdun et le Plateau Mont-Royal, qui sont au-dessus de la moyenne de l’agglomération, entre 15 et 20 %. Pourquoi l’Ouest ? Ni l’évaluateur en chef de la Ville ni le président du comité exécutif, Benoit Dorais, n’ont voulu risquer une explication. On constate un certain rattrapage, l’Ouest-de-l’Île ayant fait moins bien que la moyenne de l’agglomération lors des deux rôles précédents. L’arrivée annoncée du Réseau express métropolitain (REM) et la présence d’acheteurs étrangers sont d’autres hypothèses évoquées.

L’Est à la traîne

Montréal-Nord, Saint-Léonard, Anjou et Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles ferment la marche avec des hausses inférieures à 10 %. Montréal-Est n’est pas mieux avec un écart positif de 7,2 % pour ce qui est des valeurs résidentielles. Dans l’ouest, deux secteurs obtiennent des chiffres similaires : Senneville, enclave cossue à l’extrémité ouest de l’île, avec une hausse des valeurs de 7,7 %, et L’Île-Bizard–Sainte-Geneviève, avec une augmentation de 8,7 %.

Baisse à Montréal-Nord

La valeur des condos à Montréal-Nord recule légèrement (- 0,6 %). Le condo a une valeur moyenne de 234 300 $ à Montréal-Nord, au troisième rang des plus faibles de l’île. C’est d’ailleurs le seul secteur de toute l’agglomération pour lequel on voit une baisse dans le secteur résidentiel.

Impact sur les taxes municipales

Une hausse de la valeur de 15 % n’entraîne pas une hausse du compte de taxes de la même amplitude. Le président du comité exécutif, Benoit Dorais, a insisté sur ce point hier. La ville-centre entend limiter la hausse des taxes à 2 %, en moyenne. Toutefois, les propriétaires d’une maison située dans la ville de Montréal dont l’augmentation de valeur dépasse la moyenne de la ville verront leur fardeau fiscal s’alourdir davantage. 

Condos : baisses de taxes pour certains

Tout porte à croire que des propriétaires de condos verront leur compte de taxes légèrement baisser en valeur absolue. Pourquoi ? Parce que la hausse observée dans les condos est inférieure aux autres catégories comme la maison ou le plex. Les immeubles de cinq logements et moins sont soumis au même taux de taxe. À Saint-Léonard, par exemple, la valeur des condos a stagné, alors que celle pour l’ensemble de la catégorie de cinq logements et moins atteint 9 %. À recettes fiscales constantes, le fardeau des proprios de condos baisse de 9 %. Comme la ville-centre parle d’augmenter les taxes de 2 % en moyenne, il reste de la place pour une baisse.

Impact sur les loyers

On vient de le voir. Une partie du fardeau fiscal se déplacera vers les propriétaires d’immeubles de cinq logements et moins comme les plex. Le règlement sur la fixation du loyer permet aux proprios de refiler l’augmentation des taxes municipales à leurs locataires en haussant le loyer. Comme le marché locatif est serré et que les logements vacants se font rares, les propriétaires sont bien placés pour faire accepter la hausse aux occupants. On verra bien l’ampleur de celle-ci en début d’année prochaine.

Étalement du rôle

Le président du comité exécutif l’a confirmé, le rôle d’évaluation 2020-2021-2022 sera étalé dans le temps. Cette façon permet d’absorber le choc des variations de valeur. La méthode a été utilisée dans le passé. Un proprio dont la valeur de sa maison augmente de 30 % dans le nouveau rôle subira une première hausse de 10 % en 2020, une deuxième hausse de 10 % en 2021 et une dernière hausse l’année suivante. L’étalement a pour effet d’amoindrir les hausses de taxes causées par le déplacement du fardeau fiscal entre les différentes catégories de bâtiments.

Curiosité

Beaconsfield fait parler de lui. C’est l’un des secteurs où la hausse des valeurs est la plus forte, au-delà de 23 %. Il fait partie de ces villes aisées de l’Ouest-de-l’Île. Une maison vaut en moyenne 732 800 $ dans cette ville de 20 000 personnes, ce qui lui donne le 11e rang parmi les 34 secteurs de l’agglomération (15 villes liées et 19 arrondissements). Curieusement, la valeur moyenne de ses 219 condos ne dépasse pas 206 000 $, soit au 2e rang des secteurs les moins chers de toute l’île, tout juste derrière Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles.

Les variations du nouveau rôle dans le détail

Découvrez la variation des valeurs de l’ensemble de la catégorie résidentielle pour les arrondissements et les villes liées de l’agglomération de Montréal.

Les centres commerciaux en peine

Le nouveau rôle municipal donne une preuve de la gravité de la crise qui sévit dans les centres commerciaux. La valeur des 242 galeries marchandes que compte l’île de Montréal stagne depuis trois ans, alors que l’ensemble du secteur résidentiel s’apprécie de 10 %. Du côté des hôtels, c’est la joie. Les valeurs progressent de 29 %.

À Mont-Royal, où on trouve le Centre Rockland, la baisse atteint 8 %. À LaSalle, où se trouvent le Carrefour Angrignon et 15 autres centres de tailles diverses, la baisse est de 2 %. Au centre-ville, la valeur des 12 galeries marchandes – dont le Centre Eaton, pour n’en nommer qu’une seule – recule de 2 %. À Pointe-Claire (Centre Fairview Pointe-Claire), la catégorie cède 1,2 %.

Le secteur de la vente au détail subit une révolution avec l’essor du commerce en ligne. Les centres commerciaux doivent se réinventer. Le processus est en cours.

Ailleurs dans le non-résidentiel, le bureau gagne 11,7 % ; l’industriel, 11,3 % ; l’institutionnel, 7,3 % et le commercial diversifié qui inclut les hôtels, 14,2 %. Le tourisme connaît de belles années, notamment en 2017 avec les fêtes du 375e anniversaire de la fondation de Montréal. La valeur des établissements hôteliers de la métropole québécoise, en dépit de tous les Airbnb du Plateau Mont-Royal et du centre-ville, bondit de 29 %.

Le dynamisme affecté, selon l’IDU

L’Institut de développement urbain (IDU), qui s’attendait à une baisse des taux, en sera quitte pour une hausse moyenne de 1,5 % du fardeau fiscal pour le secteur non résidentiel, a prévenu Benoit Dorais, président du comité exécutif.

Dans un courriel envoyé à La Presse, le lobby des promoteurs immobiliers explique que le fardeau de la fiscalité municipale nuit au dynamisme des commerces, particulièrement au centre-ville. Dans la rue Sainte-Catherine, par exemple, les taxes sont passées de 52,21 $ le pied carré en 2016 à 68,76 $ en 2019 pour les commerces situés au rez-de-chaussée des immeubles, soit une hausse de 31,7 %, alors que l’inflation a été de 5,5 %.

L’IDU note que l’activité commerciale de la région métropolitaine de recensement (RMR) tend à se déplacer à l’extérieur de l’île de Montréal, et surtout hors du centre-ville. La proportion de la superficie des locaux commerciaux de la RMR situés au centre-ville et dans le reste de l’île a diminué, entre 1980 et 2015, de 11,5 % et 2,5 % respectivement dans l’inventaire total, alors que pour les locaux situés dans la couronne nord et sur la Rive-Sud, leur part a augmenté respectivement de 5 % et 9 % de ce même inventaire.

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