GRANDE ENTREVUE JEAN BÉLANGER, PRÉSIDENT DE PREMIER TECH

Franchir le cap du milliard

Depuis qu’il est devenu président de Premier Tech en 1999, Jean Bélanger a réalisé pas moins de 25 acquisitions et transformé l’entreprise – qui produisait jusque-là essentiellement de la tourbe de mousse de sphaigne – en véritable multinationale industrielle avec 35 usines, implantées dans 23 pays. Le prochain défi de l’entreprise de Rivière-du-Loup est de franchir d’ici cinq ans le cap du milliard de revenus.

C’est son père, Bernard Bélanger, qui a lancé l’entreprise, en 1963, en réalisant l’acquisition de Tourbières du Saint-Laurent, qui exploitait une usine de tourbe à L’Isle-Verte mais qui appartenait à une entreprise de New York. La société change de nom pour devenir Tourbières Première lorsqu’elle s’associe au groupe américain Premier Peat Moss.

De 1963 à 1987, Bernard Bélanger la fait progresser en créant un centre de recherche pour développer ses propres équipements et en réalisant des acquisitions d’usines en Alberta, au Manitoba et en Saskatchewan.

Le Fonds de solidarité FTQ et la Caisse de dépôt et placement deviennent des partenaires, et l’entreprise réalise une émission d’actions de 7 millions en 1987, en plein tumulte financier.

« On devait réaliser notre inscription en Bourse le 19 octobre, soit le jour même du krach. On l’a finalement faite le 27 décembre. C’était la première nouvelle émission d’actions depuis les événements d’octobre 1987 », relate Jean Bélanger, qui a pris la direction de l’entreprise deux ans plus tard.

OPÉRER LA TRANSFORMATION

Diplômé de Polytechnique, Jean Bélanger avait fait tous ses stages chez Premier Tech, à Rivière-du-Loup, avec plusieurs de ses collègues de classe qui l’ont suivi dans l’entreprise familiale pour y faire carrière.

Rapidement, il décide de créer une nouvelle division industrielle qui allait produire des équipements pour les tourbières : aspirateurs, machines à emballage…

« On développait nos machines et nos concurrents les copiaient. On a donc décidé de les fabriquer sur une plus grande échelle et de les leur vendre. Et ça a bien marché. » 

— Jean Bélanger  

Dans les années 80, Premier Tech a opéré son virage recherche et développement. Durant les années 90, ç’a été le développement de sa division d’ingénierie et d’équipements et, depuis 1995, le groupe a mis sur pied une nouvelle division de solutions de traitement des eaux pour les secteurs résidentiel et municipal.

Parallèlement, Jean Bélanger entame un programme d’acquisitions qui permettra au groupe d’étendre sa présence internationale et de développer de nouveaux marchés.

« Depuis 1999, on a fait l’acquisition de 25 entreprises, dont 15 dans les sept dernières années. On a créé, à l’interne, un département de fusions et acquisitions et on fait tout nous-mêmes, au siège social de Premier Tech à Rivière-du-Loup », explique-t-il.

Aujourd’hui, le groupe exploite 22 divisions qui sont toutes indépendantes et qui chapeautent 35 usines dans 22 pays. Premier Tech emploie 3000 personnes, dont 900 dans la MRC de Rivière-du-Loup où elle joue un rôle de véritable locomotive industrielle.

« On offre des salaires qui sont 40 % supérieurs à la moyenne régionale. On traite bien nos employés et on veut les garder », signale le président.

Jean Bélanger constate qu’il est parfois difficile de recruter de la main-d’œuvre plus spécialisée dans une région comme Rivière-du-Loup. L’entreprise a présentement une soixantaine de postes ouverts dans ses installations du Bas-du-Fleuve.

Chaque année, l’entreprise dépense 7 millions pour la formation de ses employés. C’est un processus continu auquel tient particulièrement Jean Bélanger.

Premier Tech dépense également 17 millions par an en recherche et développement. Cette activité occupe 225 personnes à temps plein à travers le réseau mondial du groupe.

UNE DISCIPLINE CONSTANTE

En 2007, Premier Tech a fermé son capital en rachetant toutes les actions du groupe qui étaient sur le marché. C’est à la demande du Fonds de solidarité que l’entreprise a fait cette démarche.

« Il n’y avait aucun volume de transactions sur notre titre, et le Fonds était notre partenaire depuis 1983. On était le premier gros investissement qu’il réalisait, 5 millions, et le Fonds désirait reprendre ses billes dans le cadre d’une sortie de la Bourse.

« On a racheté les actions, mais on a continué d’opérer comme une société publique, avec un conseil d’administration et la publication de nos résultats à chaque trimestre. On a conservé cette discipline. » 

— Jean Bélanger

Le Fonds de solidarité aime tellement Premier Tech que, deux ans après s’être retiré du capital de l’entreprise, il est revenu à titre de prêteur.

L’an dernier, Premier Tech a réalisé des revenus de près de 600 millions et dégagé un profit avant impôts, intérêts et amortissement de 54 millions. Son président prévoit et prévient que la barre du milliard sera franchie d’ici cinq ans.

Premier Tech réalise 50 % de ses revenus avec ses activités dans le secteur horticole et agricole, 30 % avec ses activités industrielles et enfin 20 % avec sa division environnement.

« Depuis cinq ans, on cumule un taux de croissance de 15 % par année de nos revenus et de nos profits. Il n’est pas question de ralentir le rythme », soumet Jean Bélanger.

Son père Bernard, maintenant octogénaire, vient encore tous les jours au siège social de Rivière-du-Loup. Depuis plus de 50 ans, il fait quotidiennement le trajet entre La Pocatière et Rivière-du-Loup en voiture.

« Mon père s’intéresse encore beaucoup à nos activités du secteur horticole. Il suit vraiment ses dossiers et ce n’est pas rare qu’il nous demande pourquoi on a payé des heures supplémentaires à notre usine de Saskatchewan ou du Manitoba… Il suit ses dossiers. »

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