Dans l’atelier de… Berirouche Feddal

Les couleurs de la Kabylie

Il se dit « enivré » par ses racines kabyles. Berirouche Feddal est un jeune artiste montréalais prometteur qui s’intéresse à la mémoire, à l’identité, aux fraternités. De Toronto à Montréal, des galeristes ont un œil sur lui. Mais il ne veut pas brûler les étapes. À 25 ans, il poursuit ses études et continue de créer en s’immergeant dans l’histoire et les cultures. Nous sommes allés le rencontrer dans son atelier du quartier Centre-Sud.

Les racines

De son vrai nom kabyle, Vrirouc nat uqassi, Berirouche Feddal est arrivé avec sa famille au Québec en 2007. Né en Algérie en 1996, il a étudié les arts imprimés à Concordia. Son père lui a légué son amour pour la culture kabyle, les arts, l’histoire et la poésie. Sensible, Feddal a beaucoup d’empathie pour les autres. « Je vis beaucoup de douleur à l’intérieur de moi car, par exemple, quand des autochtones vivent une douleur, je vais la ressentir comme si c’était mon peuple. Pareil pour les Palestiniens. Je me sens concerné et parfois, indigné. Comme Canadien et comme Kabyle. » Sa peinture, ses sculptures, ses dessins, ses installations, ou encore sa poésie, s’en ressentent. Amant de la fragilité, il vient de commencer des cours de verre soufflé. « Pour la puissance de l’expression du verre », dit-il.

Très productif, Berirouche Feddal a déjà montré son travail à la galerie Laroche/Joncas, mais aussi à Toronto, chez Mayten’s (où il exposera de nouveau en février 2022), à la galerie FOFA de Concordia et à la maison de la culture de Rivière-des-Prairies. « Berirouche a présenté chez nous une exposition très forte, très actuelle et éclectique », dit le galeriste André Laroche. L’artiste prépare aussi, en ce moment, un diplôme de gestion des organisations culturelles à HEC Montréal.

L’atelier

Quand nous sommes arrivés dans son atelier, Berirouche Feddal travaillait sur sa série Les martyrs qu’il aurait dû finir en 2019-2020. La pandémie en a décidé autrement. « C’est un projet sur le Printemps berbère qui a eu lieu en Algérie et a entraîné la mort de 129 personnes tuées par l’armée lors de manifestations », dit-il. Dans son atelier, il dessine et peint en repensant à ses lectures et expériences de vie. Il dit laisser ses connaissances imprégner son art. « Pour le faire respirer, dit-il, car j’ai besoin d’être vivant, tout comme l’art est vivant. »

Berirouche Feddal utilise des couleurs vives pour parler de violence. Surprenant ? « Non, c’est pour attirer le regard des gens, pour les inciter à lire les cartels ou à parler au galeriste ou à l’artiste afin de comprendre qu’il y a une douleur derrière ces couleurs. » À qui doit-il ses choix et arrangements de couleurs ? Il répond sans hésiter : « Mes profs Pierre Pastriot et Lise Boisseau, du cégep Marie-Victorin. » Avant de donner aussi un crédit à sa grand-mère kabyle qui a fabriqué bien des tapis et des couvertures colorés à partir de linges recyclés.

Les inspirations

La Kabylie est sa principale inspiration. Il peint les artistes kabyles qui l’ont marqué ou ont été assassinés en Algérie. « Mes œuvres partent toujours d’un souvenir, dit-il. Quand j’étais jeune, j’ai été hanté par une vidéo de Matoub Lounès [chanteur kabyle assassiné en 1998, officiellement par des islamistes]. Son corps déchiré avait été exhibé, comme le veut la tradition. Ça m’avait traumatisé. C’est comme ça qu’est née ma série Pouvoir assassin, le slogan que criaient les gens après la mort de Matoub Lounès. »

Dans son atelier, une œuvre frappe. Un dessin de Mouloud Feraoun, écrivain algérien d’expression française assassiné par l’organisation d’extrême droite OAS pendant la guerre d’Algérie, en 1962. Un hommage bien senti à l’homme de lettres. Berirouche Feddal s’inspire également d’œuvres préexistantes, telles des œuvres orientalistes libres de droits. « Je suis tombé sur des sites d’impression d’œuvres devenues commerciales, je m’intéresse beaucoup à la contrefaçon et parfois, j’ai envie de redonner un autre univers, une autre vie à une œuvre. »

Les collaborations

Berirouche Feddal a participé, en septembre dernier, à la quatrième édition d’Artch, l’évènement d’art contemporain émergent, au square Dorchester. Il en était l’adjoint à la programmation, mais aussi un résidant artistique, grâce à une bourse du Conseil des arts de Montréal. Il y a vendu presque toutes ses œuvres.

Collaborer, rencontrer, communiquer. Tout ça le passionne. Il a travaillé au cours des derniers mois avec l’artiste d’Edmonton Preston Pavlis, représenté par la galerie Bradley Ertaskiran. « J’aime la façon dont il lance de la poésie sur un tableau, comment il brode sur sa toile », dit Berirouche Feddal. « J’ai envie de faire des performances avec d’autres artistes, ajoute-t-il. Notamment autochtones ou haïtiens. Qu’on se mette des symboles sur le corps ! Qu’on fasse de la poésie ensemble. Pour s’exprimer, pour partager et enrichir nos démarches. J’ai envie aussi d’apporter du soutien, même de devenir agent culturel un jour. Pourquoi pas ? »

Photoreportage

Œuvres de Berirouche Feddal

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