Pandémie et santé publique

Entrez dans l’ère du « virome »

À quand remonte votre dernier rhume ? Probablement à plus d’un an. Les mesures de réduction des virus ont non seulement diminué les infections à la COVID-19, mais également celles d’autres maladies des voies respiratoires.

La grippe, par exemple, a baissé de 90 % l’hiver dernier malgré une vaccination antigrippale réduite en raison de la pandémie1. Les consultations d’urgence pour l’asthme et la bronchopneumopathie chronique obstructive ont également chuté et de nombreux patients respirent désormais normalement ; certains, pour la première fois depuis des années.

Chez les enfants, l’incidence des « oreilles collées » et les listes d’attente pour l’insertion d’un tube ont chuté. Selon le DOwen Woods, professeur adjoint et co-chef du service d’oto-rhino-laryngologie au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine à Montréal, les otites nécessitant une intervention chirurgicale urgente ont diminué de plus de 75 % au cours de la première année de la pandémie.

Et, malgré tous les efforts déployés pour prévenir l’asthme en se concentrant sur la réduction des allergies, de l’exposition à la fumée domestique et de la pollution, ceux-ci n’ont jamais abouti à un résultat aussi dramatique.

Meilleure compréhension des virus

Ces observations modifient considérablement la façon dont les médecins comprennent et gèrent les maladies des voies respiratoires et suggèrent que les virus pourraient jouer un rôle beaucoup plus important dans leur développement ; avec comme implication que les stratégies antivirales en cours d’élaboration pour lutter contre la COVID-19 pourraient jouer un rôle plus important dans la prévention et le traitement des maladies des voies respiratoires.

Par ailleurs, la pandémie a stimulé l’intérêt de la communauté médicale envers les virus. Une multitude d’études sur la pathogenèse, la susceptibilité, les traitements et les symptômes de la COVID-19 ont conduit à une meilleure compréhension de la façon dont les virus interagissent avec les systèmes immunitaire, circulatoire et respiratoire et de la manière de les combattre.

Mais étant donné que les antibiotiques ne traitent pas les infections virales, quels outils pouvons-nous utiliser ?

Entrez dans l’ère du « virome » – le génome des virus. La technologie de vaccins à ARNm a déjà fait ses preuves contre la COVID-19. Et, comme les virus associés aux maladies des voies respiratoires sont maintenant identifiables à l’aide des outils de séquençage génétique, de nouveaux vaccins et traitement pourraient aussi être développés.

De plus, des thérapies ciblant directement les virus sont en cours de développement. SaNotize, un vaporisateur nasal antiviral à base d’oxyde nitrique, est déjà en vente en Israël et à Bahreïn pour une utilisation contre la COVID-192.

Des efforts pour réactiver le système immunitaire inné afin de détruire le virus à l’aide de divers composés chimiques sont également en cours. Cela est pertinent, car le virus qui cause la COVID-19 semble empêcher l’activation du puissant système de défense antivirale du malade et l’élimination hâtive de la maladie.

Une étude préliminaire menée au Boston Children’s Hospital a récemment confirmé cette hypothèse3. La réactivation du système immunitaire inné de l’hôte pourrait ainsi potentiellement aider à prévenir la propagation de la maladie.

Cette avenue a été explorée en administrant, directement par voies nasales à des travailleurs chinois de la santé à risque, de l’interféron – un composant du système de défense antivirale de l’organisme. L’injection a permis de prévenir le développement de la COVID-19 chez eux, mais, comme l'interféron est coûteux et potentiellement toxique, son utilisation généralisée est limitée.

Les microbes, solution inattendue

Cependant, les microbes eux-mêmes peuvent offrir une solution inattendue. Alors que les médecins sont largement formés pour cibler et combattre les microbes qui causent des infections, des recherches émergentes suggèrent que nous nous sommes en partie trompés : les microbes ne sont pas tous néfastes pour la santé.

En effet, au cours des 10 dernières années, le « microbiome » – le génome regroupant les bactéries de l’intestin – a reçu beaucoup d’attention. Il est maintenant largement reconnu que les populations bactériennes intestinales interagissent avec le système immunitaire pour aider à maintenir la santé, prévenir les maladies et modifier notre réponse aux médicaments.

Malgré tout, les médecins n’administrent pas encore à leurs patients des bactéries humaines, sauf dans des conditions très particulières. En effet, si l’idée de « greffer » des bactéries aux patients peut sembler attrayante, ces microbes, même provenant de donneurs sains, peuvent être toxiques ou offrir une résistance aux antibiotiques et donc être nocifs pour l’hôte.

Et l’utilisation de probiotiques, plus sécuritaires, est entravée par la digestion humaine qui, selon toute vraisemblance, réduit leur pouvoir thérapeutique.

Découvertes

Toutefois, pour ce qui est des maladies des voies respiratoires, des bactéries probiotiques peuvent être injectées directement dans la cavité nasale, sans passer par le système digestif, garantissant qu’elles atteignent vivantes leurs cibles pour, espérons-le, stimuler le système immunitaire.

Nous avons découvert, par exemple, dans un essai de validation de principe mené au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), que l’application intranasale de la bactérie probiotique Lactococcus lactis W136 – un produit naturel – dans les quatre jours suivant un diagnostic de COVID-19 en réduisait les symptômes4.

Beaucoup reste à faire et de nombreux obstacles demeurent. Mais la recherche sur le virome a beaucoup à offrir pour lutter contre les virus et leurs corollaires, les pandémies mondiales. Ces thérapies prometteuses devront évidemment être étudiées pour évaluer leur rôle et leur efficacité. Elles aideraient non seulement à lutter contre la COVID-19, mais aussi à traiter, réduire la gravité et prévenir toutes sortes d’infections virales actives et chroniques.

Un futur traitement antiviral pourrait même offrir un espoir de guérison des maladies des voies respiratoires s’il peut conduire à l’éradication du virus. Ce rêve apparemment impossible est déjà une réalité pour l’hépatite C, où la thérapie antivirale peut éliminer efficacement le virus et ainsi guérir définitivement le patient.

Pourrions-nous faire de même pour les maladies du nez, des sinus et des poumons ?

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