Démission de Sam Hamad

« Après 14 ans, j’ai fait le tour »

Québec — Député libéral depuis 2003, Sam Hamad a annoncé hier matin qu’il démissionnait de son siège de Louis-Hébert. Ingénieur de formation, il est en discussion avec une firme pour un retour dans le monde des affaires, une décision « assumée et choisie », a-t-il soutenu.

Dans un point de presse émotif, dans sa circonscription, M. Hamad a assuré que les controverses récentes autour d’enquêtes policières n’avaient rien à voir avec sa décision. « Après 14 ans, j’ai fait le tour », a-t-il martelé devant les journalistes et deux ex-politiciens habitant sa circonscription, le péquiste Claude Morin et le libéral Claude Castonguay.

On a conjecturé sur la possibilité que les révélations faites hier par le président de la Fraternité des policiers de Montréal, Yves Francœur, concernant une enquête criminelle visant deux élus libéraux en 2012, dont l’un serait toujours député, soient à la source de son départ inattendu (voir écran 12).

Or, M. Hamad demandait depuis mardi à rencontrer le premier ministre Philippe Couillard pour lui faire part de sa décision, mais ce dernier était accaparé par la préparation de la défense de ses crédits à l’Assemblée nationale.

Sam Hamad a pris un moment avant de répondre quand on lui a demandé s’il partait parce qu’il n’était plus au Conseil des ministres. Déçu ? « On est des êtres humains, on n’a pas de carapace, on est fiers », a-t-il dit. Pour lui, il « faut regarder le bilan sur 14 ans ». 

« Je suis arrivé de Syrie avec deux valises et n’avais pas de manteau d’hiver. C’est la Saint-Vincent-de-Paul qui m’en a donné un, avec des bottes. »

— Sam Hamad

« Ça fait plusieurs mois que je réfléchis à ma démission », a-t-il dit en revenant sur sa longue carrière en politique. À la fin de son allocution, en s’adressant à sa famille, il a dit : « Je rentre à la maison. »

Couillard le remercie

Philippe Couillard et Sam Hamad ont fait leurs premiers pas à l’Assemblée nationale en même temps. Les deux ont été élus pour la première fois aux élections de 2003 dans l’équipe de Jean Charest.

Le premier ministre a remercié M. Hamad pour sa contribution au service public.

« Quatorze ans plus tard, Sam Hamad peut être très fier de ce qu’il a réalisé pour le Québec. Il a dirigé 7 ministères, à travers les ministères, 35 sociétés d’État, il a piloté un grand nombre de projets de loi, de réformes. Il a eu un impact. Quand on vient en politique, ce qu’on veut, c’est avoir un impact. »

Rapidement, le maire de Québec, Régis Labeaume, lui a rendu un hommage bien senti. Sam Hamad est derrière bon nombre de programmes d’aide pour le développement économique de la ville et il a joué un rôle déterminant dans le projet de l’amphithéâtre. 

« Quand Sam mordait dans un dossier, il ne le lâchait pas. » 

— Régis Labeaume, maire de Québec

M. Hamad ne compte pas travailler dans une firme de génie-conseil, bien qu’il soit ingénieur. En s’en allant avant la fin de son mandat, il abandonne son indemnité de départ. « Je fais une croix sur la prime, mais on ne fait pas de la politique pour une question d’argent », souligne-t-il.

À propos de l’atmosphère des derniers mois à l’Assemblée nationale, il observe : « Aucun politicien n’aime le tribunal populaire. Je viens d’un pays “magané” et on est ici, au Québec et au Canada, dans le meilleur pays au monde, basé sur la séparation des pouvoirs. »

Pour lui, les rapports de la vérificatrice générale et du commissaire à l’éthique et à la déontologie n’ont pas trouvé de geste répréhensible. « Tout est clean. J’ai mon honneur », admettant que son défaut était de « foncer quand [il devait] aider les citoyens ».

Coup dur pour le gouvernement

Cette nouvelle reste un coup dur pour le gouvernement Couillard : une partielle dans la région de Québec n’augure rien de bon puisque la Coalition avenir Québec est en avance dans la région de la Capitale-Nationale.

L’an dernier, le ministre Hamad avait dû renoncer à son poste au Conseil du trésor en raison de son rôle dans l’aide accordée à Premier Tech, dans le Bas-du-Fleuve, après les interventions de son mentor politique Marc-Yvan Côté. Le commissaire à l’éthique avait été critique quant au rôle de M. Hamad, qui avait été suspendu de son poste ministériel.

Avant le Trésor, M. Hamad avait été ministre du Travail, de l’Emploi, des Transports, tout en étant, durant toute sa carrière, ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale.

 — Avec Martin Croteau, La Presse

Les libéraux saluent le travail de Sam Hamad

La démission du député de Louis-Hébert a provoqué une onde de choc dans les rangs libéraux. Voici quelques réactions. 

« Je pense que c’est triste de voir quitter M. Hamad. C’est quelqu’un qui a dévoué une grande partie de sa vie au service public. Je pense qu’on doit le remercier. »

— Pierre Moreau, président du Conseil du trésor 

« C’est un homme extraordinaire. En politique, moi je suis arrivée en 2008, et déjà il avait beaucoup de compétence et d’expérience, un gars d’action, un gars d’équipe. J’étais pleine d’admiration pour Sam. »

— Kathleen Weil, ministre de l’Immigration

La carrière de Sam Hamad en cinq temps

2003

Présenté comme un candidat vedette du Parti libéral du Québec en 2003, Sam Hamad a été élu haut la main dans la circonscription de Louis-Hébert, dans la région de Québec. Il était alors vice-président de la firme de génie Roche et ancien président de la Chambre de commerce et d’industrie du Québec métropolitain. Homme de confiance de Jean Charest à Québec, il a été nommé ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale et ministre des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs.

2004

Le dossier de la centrale thermique du Suroît a monopolisé le mandat de Sam Hamad aux Ressources naturelles. Le projet énergétique a suscité la controverse et une forte opposition des groupes environnementaux. En novembre 2004, Sam Hamad a confirmé l’abandon du projet, mettant fin à ce fiasco. Cette année-là a été pénible pour le ministre, puisqu’un rare cancer du sang l’a forcé au repos pendant trois mois.

2010-2011

Son passage d’un an seulement au ministère des Transports, en 2010 et 2011, a été miné par les problèmes de congestion routière à Montréal et par l’effondrement d’une structure de béton – les fameux paralumes – dans le tunnel Viger, un incident qui n’a heureusement fait aucun blessé.

2014-2015

Dès le retour au pouvoir des libéraux en 2014, Sam Hamad a décroché le ministère du Travail, puis celui de l’Emploi en 2015 et le Conseil du trésor l’année suivante. Lieutenant de Philippe Couillard dans la course à la direction du Parti libéral, l’influent député de la région de Québec est dans les bonnes grâces du premier ministre. À l’Emploi et au Travail, le ministre mène à terme plusieurs projets de loi, sans scandale, dont une épineuse réforme de l’aide sociale.

2016

La carrière politique de Sam Hamad, alors président du Conseil du trésor, a dérapé au printemps 2016 en raison de son rôle dans l’octroi d’une subvention de plusieurs millions de dollars à Premier Tech, une entreprise liée à l’ex-ministre libéral Marc-Yvan Côté, en 2010 et 2012. Sous pression, Sam Hamad a démissionné du Conseil des ministres en avril 2016, à la suite d’un séjour dénoncé en Floride. Le commissaire à l’éthique a écorché Sam Hamad dans ce dossier, sans toutefois le sanctionner.

— Louis-Samuel Perron, La Presse

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