Loi sur la protection de la jeunesse

« L’intérêt de l’enfant » au cœur de la réforme

Québec — Le gouvernement Legault place « l’intérêt de l’enfant » au cœur de sa réforme attendue de la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ). Québec veut « arrêter de barouetter » les enfants d’un milieu à l’autre et mieux encadrer le retour dans la famille biologique. Le partage de renseignements confidentiels sera aussi assoupli.

Le projet de loi 15 « modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d’autres dispositions législatives » découle des recommandations de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse (commission Laurent), ordonnée dans la foulée de la mort tragique de la fillette de Granby, au printemps 2019.

« Il est révolu, le temps où un enfant devait payer le prix d’une mauvaise interprétation de la loi ou souffrir d’une situation sur laquelle il n’a aucun contrôle », a déclaré mercredi le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant.

« L’élément clé de ce projet de loi vise à placer l’intérêt de l’enfant au centre, comme élément prioritaire de toute décision le concernant », a-t-il ajouté. La notion de « l’intérêt de l’enfant » sera renforcée et sera définie comme « considération primordiale » qui devra guider le travail des intervenants sur le terrain.

« C’est important que ce soit […] l’intérêt de l’enfant en premier. Arrêter de barouetter les enfants d’une famille d’accueil à l’autre, d’imposer le retour de l’enfant dans sa famille naturelle alors qu’il y a des risques pour l’enfant », s’est réjoui le premier ministre du Québec, François Legault, mercredi.

Le projet de loi 15 vient en effet « réaffirmer que l’intérêt de l’enfant est une considération primordiale dans l’application de celle-ci » en l’inscrivant dans le préambule de la future loi. « C’était important qu’il y ait un préambule, ça a l’air de rien, mais […] ça vient placer comment interpréter la loi », a souligné en entrevue l’ex-présidente de la commission, Régine Laurent.

« Ce que je retiens du projet de loi et c’est que ce que nous avons souhaité de tout cœur, c’est vraiment l’intérêt de l’enfant qui prime dans tout le processus de décisions quand on parle des enfants à la DPJ. »

— Régine Laurent, ex-présidente de la commission Laurent

Le texte législatif vient aussi éclaircir « une confusion » dans la loi de 1984 qui « tend à maintenir l’enfant dans son milieu familial ». Ce principe a fait l’objet de plusieurs critiques lors de la commission Laurent. « Si [l’enfant] doit revenir dans la cellule familiale, c’est parce que son intérêt premier dit qu’il doit retourner dans la cellule familiale », a illustré le ministre Carmant.

Il reste que les durées maximales de placement pour retourner ou non un enfant dans son milieu familial ne changent pas. « Le rôle de la famille demeure entier », a nuancé le ministre.

« Auparavant, dès que les parents levaient la main et disaient : “On est prêts à réessayer, on a évolué, on s’est améliorés, la toxicomanie, c’est derrière moi”, bien, on retournait l’enfant chez ses parents… Là, on va dire : on travaille avec les parents […], mais on va prendre la décision qui est la meilleure pour l’intérêt de l’enfant. »

— Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux

Le ministre Carmant compte sur la collaboration de l’opposition pour faire cheminer rapidement le projet de loi 15 en 2022.

Partage des renseignements confidentiels

Dans sa réforme, Québec assouplit les règles sur le partage des renseignements confidentiels et la communication d’information entre les intervenants. Les intervenants de la DPJ pourront aussi partager de l’information avec les personnes qui gravitent autour de l’enfant, comme un professeur.

Le concept très rigide de la confidentialité avait aussi été beaucoup critiqué lors des travaux de la commission Laurent.

En mars dernier, Québec a nommé une première directrice nationale de la protection de la jeunesse, ayant un statut de sous-ministre, comme le proposait la commission Laurent dans ses recommandations préliminaires. Un poste occupé depuis par Catherine Lemay.

En parallèle de ces changements législatifs, elle a assuré mercredi que ses équipes travaillaient « à la mise en œuvre de solutions pérennes pour diminuer la liste d’attente », comme en investissant dans les services de première ligne et en créant des postes d’agent administratif à l’été 2022, dont 816 iront dans le secteur de la santé mentale et de la jeunesse.

Avancées pour les enfants autochtones

De nouvelles mesures visant à tenir compte « des facteurs historiques, sociaux et culturels qui leur sont propres » seront aussi intégrées dans la révision de la loi, comme la notion de « conseil des familles ».

« Le projet de loi prévoit la possibilité pour une communauté autochtone ou un regroupement de communautés d’administrer l’aide financière pour favoriser la tutelle, la tutelle coutumière, l’adoption et l’adoption coutumière », indique-t-on.

La nouvelle loi ne prévoit pas de nouveaux mécanismes pour les communautés qui souhaitent s’affranchir de la Loi sur la protection de la jeunesse avec l’implantation de leurs propres modèles autres que ceux existant en vertu de l’article 37.5. « On n’ira pas plus loin que [le 37.5], c’est vraiment l’outil que l’on a actuellement, mais on va faciliter ces ententes-là », a assuré le ministre Carmant.

Le gouvernement Trudeau, avec la loi C-92, permet aux communautés autochtones d’aller plus loin, mais Québec estime qu’elle n’est pas constitutionnelle.

— Avec la collaboration de Tommy Chouinard, La Presse

3888

Nombre d’enfants sur la liste d’attente de la DPJ.

29

Nombre de jours d’attente pour une évaluation actuellement.

Source : ministère de la Santé et des Services sociaux

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