Universités

La pandémie fait bondir les cas de plagiat

Des universités de la province ont vu les cas de plagiat doubler depuis le début de la pandémie et dans certains établissements, ils se comptent par centaines. Le retour progressif des étudiants sur les campus permettra-t-il de faire baisser ces chiffres ?

« Les étudiants ont donné les mêmes réponses partout, incluant les mauvaises réponses. » Les détails de certains cas de plagiat rapportés par Polytechnique Montréal ont parfois de quoi faire sourire, mais ils traduisent une réalité vécue par bien des universités.

Une demande d’accès à l’information faite par La Presse auprès de tous les établissements universitaires de la province montre que plusieurs d’entre elles ont dû faire face à des cas de plagiat en forte hausse l’an dernier.

Entre mars 2020 et juin 2021, il y a eu plus de 500 cas de plagiat dénoncés à l’Université de Montréal. Tous les cycles sont concernés, et si les cas rapportés touchent principalement la faculté des arts et des sciences, ils existent en médecine, en sciences de l’éducation et en droit. Ils vont de recours à une « aide non autorisée » à « sollicitation, offre ou échange d’information pendant un examen ».

« Le nombre de cas de plagiat a presque doublé », dit d’emblée Louise Béliveau, vice-rectrice aux affaires étudiantes et aux études à l’Université de Montréal.

À l’Université Concordia, où on a également vu une « hausse importante » par rapport aux années précédentes, on précise d’abord qu’il s’agit d’une tendance observée partout dans le monde.

« Je pense que des étudiants [trichent] parce qu’ils ont une pression de performer. S’ils ont eu une occasion, certains l’ont peut-être prise », avance Sandra Gabriele, vice-rectrice exécutive adjointe à l’innovation en enseignement et en apprentissage de l’Université Concordia.

Les « données préliminaires » examinées par l’Université Laval montrent elles aussi que les cas sont en augmentation par rapport aux années précédentes.

« Avant, on observait du plagiat chez 0,4 % des étudiants, c’est maintenant à 0,8 %. On est encore dans les petits nombres », explique Robert Beauregard, vice-recteur aux études et aux affaires étudiantes.

« Ça demande un solide dossier »

Chargée de cours en linguistique à l’Université du Québec à Montréal, Julie Rinfret croit qu’il y a eu beaucoup plus de cas dans les universités que ce qui a été officiellement signalé.

« Ce qui est pénible avec les cas de tricherie, c’est que ça demande de monter un solide dossier. C’est vraiment chronophage. Je crains que certains de mes collègues se soient fermé les yeux », dit-elle, tout en précisant qu’elle comprend que les universités doivent être rigoureuses.

« On a tous été pris de court pendant la pandémie », rappelle quant à lui Sylvain Deschênes, chargé de cours en psychoéducation et psychologie à l’Université du Québec en Outaouais. On peut bien dire aux étudiants de laisser leur écran ouvert pendant qu’ils font un examen de la maison, illustre M. Deschênes, mais une personne peut « avoir plein de papiers autour de son ordinateur » pour l’aider. Comment le prouver ?

Dans la dernière année, Julie Rinfret a eu à rapporter un cas de plagiat, mais a aussi fait beaucoup de « mises en garde » à des étudiants qu’elle soupçonnait de tricher.

« À un moment donné, je me suis dit : je ne vais pas me transformer en police de la tricherie. »

– Julie Rinfret, chargée de cours en linguistique à l’Université du Québec à Montréal

De telles doléances ont été entendues à l’Université Concordia. À cet égard, dit Sandra Gabriele, les outils numériques peuvent aider les professeurs, qui doivent néanmoins examiner le rapport produit par un logiciel pour voir s’il s’agit vraiment de plagiat.

Et puis, ajoute la vice-rectrice exécutive adjointe à l’innovation en enseignement et en apprentissage, peu importe le logiciel, « il y aura toujours des cas où les étudiants vont contourner le système ».

« Ce n’est pas la majorité »

L’Union étudiante du Québec insiste pour dire que « ce n’est pas la majorité » des étudiants qui triche. On explique en partie l’augmentation des cas l’an dernier par le fait que des universités ont parfois rapporté des situations de tricherie qui n’en étaient pas, par exemple en raison de l’utilisation de logiciels.

« S’il y a du bruit derrière l’étudiant parce qu’il est en colocation, ou encore qu’un enfant passe en arrière-plan pendant un examen, c’est automatiquement placé [par le logiciel] dans les soupçons de plagiat », illustre son président Samuel Poitras. Il déplore qu’il y ait eu « peu de changements » dans les méthodes d’évaluation.

« Les méthodes classiques, comme les questions à choix multiples, ne fonctionnent pas à distance pour prévenir le plagiat. Il faudrait encourager les professeurs à adopter des pratiques d’évaluation pour l’éviter, notamment les examens à livre ouvert ou les exposés oraux. »

– Samuel Poitras, président de l’Union étudiante du Québec

Des leçons ont été apprises, disent les universités. Des « examens de compréhension où c’est plus difficile de plagier » sont au nombre des changements dans les évaluations, explique Louise Béliveau, vice-rectrice aux affaires étudiantes et aux études à l’Université de Montréal, où 82 % des cours se donnent en présence cet automne.

De l’avis de plusieurs, surveiller des examens en présence demeure l’idéal. Comme avant la pandémie, l’Université Laval a encore cette année une trentaine de « centres d’examen » à la grandeur du Québec. Près de 40 % de ses étudiants sont encore complètement à distance.

Dans une classe pleine, les vieilles techniques pour débusquer ceux qui trichent peuvent à nouveau s’appliquer. « Quand l’étudiant regarde le prof trop régulièrement pendant un examen, ça veut dire quelque chose. Parfois, c’est qu’il y a une feuille de notes collée quelque part. Un étudiant concentré sur son examen regarde sa feuille », dit en riant le chargé de cours Sylvain Deschênes.

– Avec William Leclerc, La Presse

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