Opinion

Saisir l’occasion d’une relance transformatrice

Bien que chaque décès reste un décès de trop et que la vigilance soit de mise pour éviter une deuxième vague, force est de constater que la crise sanitaire aiguë se résorbe peu à peu. À mesure que rouvrent les terrasses, nos cerveaux et nos institutions vont retrouver la capacité de se pencher sérieusement sur ce qu’il est convenu d’appeler la relance. Au-delà de la simple reprise des activités, nous avons à prendre de grandes décisions budgétaires, économiques et sociales.

L’une des premières actions gouvernementales dans cette optique s’est transformée en faux départ. En effet, si le projet de loi 61 devait annoncer les couleurs du gouvernement en matière de relance, ce ne serait pas de bon augure.

D’une part, parce que ce projet de loi prenait beaucoup trop à la légère la protection de l’environnement et les garde-fous législatifs et réglementaires. Tant les juristes que la pression populaire sont venus le rappeler. D’autre part, parce que loin d’un véritable plan de relance, ce projet de loi censé viser « la relance de l’économie du Québec » se résumait essentiellement à accélérer, à l’ancienne, la construction d’infrastructures.

Ce « plan » est mort au feuilleton parce qu’il était inquiétant et peu inspirant, malgré la pertinence de plusieurs projets.

Les prochaines semaines doivent être mises à profit pour planifier une relance dont la priorité ne soit pas d’appuyer frénétiquement sur l’accélérateur, mais surtout de tenir le volant dans la bonne direction.

Car, oui, pour les six prochains mois, nous aurons fort à faire pour garder la tête hors de l’eau et redonner un emploi à celles et ceux qui l’ont perdu. Mais il nous faut aussi voir au-delà, et penser, lors de chaque décision importante, aux 10, aux 20, aux 50 prochaines années.

Nous allons investir énormément d’argent : il faut que cet argent soit bien dépensé, et pas seulement dépensé vite.

Pour orienter une relance beaucoup plus structurée, la question du court terme et du long terme est cruciale. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la Banque mondiale qui le recommande : il faut se garder de prendre des décisions en fonction de leurs seules retombées immédiates.

Un projet d’infrastructure, une mesure budgétaire qui stimuleraient l’économie à court terme, mais qui seraient préjudiciables à long terme doivent être écartés.

Pour juger de la pertinence d’une mesure, nous proposons donc une grille d’analyse en six critères.

1. À court terme, crée-t-elle des emplois ? 2. Stimule-t-elle l’économie ? 3. Peut-elle être mise en œuvre rapidement ? 4. À long terme, contribue-t-elle à renforcer le capital culturel et bâti, le capital naturel, le capital social ? 5. Améliore-t-elle la résilience climatique et sanitaire ? 6. Contribue-t-elle à décarboniser la société ?

Si, à toutes ces questions, nous répondons oui, alors cette mesure mérite de figurer dans notre plan de relance.

À ces critères, nous ajoutons la nécessité de placer les collectivités au cœur du plan de relance. Car nos services publics, notre patrimoine, notre vie communautaire s’y incarnent.

Les maisons des aînés ont vocation de desservir leur collectivité. Les écoles sont des services essentiels à l’échelle du quartier. Le transport collectif y est la colonne vertébrale de la mobilité durable. C’est aussi à l’échelle de chaque collectivité qu’il faut assurer l’abordabilité du logement ; renforcer la vitalité des rues commerciales et des noyaux villageois ; développer des territoires nourriciers qui lient agriculture de proximité, marchés publics et commerces alimentaires accessibles.

Ce sont nos collectivités qui doivent devenir justes, prospères et vertes.

Avant la crise, il y avait un consensus sur l’urgence d’agir. Malgré la fatigue et les efforts exigés par la pandémie, nous nous devons aujourd’hui de retrouver cet élan et ce sens des responsabilités.

Car le temps presse, et la crise de la COVID-19 n’a pas changé le calendrier serré avec lequel nous travaillons ni réglé les problèmes environnementaux et sociaux que nous connaissions déjà. Elle nous a permis, en revanche, de mesurer l’ampleur de la solidarité et de la détermination dont nous savons faire preuve, lorsqu’il le faut.

Et aujourd’hui, il le faut. De toutes nos forces, de tout notre talent, mettons nos capacités à faire de la relance le tremplin d’une nécessaire transformation dont les collectivités seront le fer de lance.

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