Le droit civil à McGill, un héritage à conserver

En réponse au texte de Tyson Lowrie, « Poussons cette logique tordue un peu plus loin », publié le 22 août

Ma proposition de forcer la faculté de droit de l’Université McGill à donner une formation suffisante en droit civil à ses étudiants a provoqué plusieurs réactions, notamment celle de MTyson Lowrie.

Récent diplômé de McGill, il a écrit dans La Presse une réponse ironique dans laquelle il surenchérissait en proposant d’interdire l’accession à la direction du Parti québécois aux diplômés ou enseignants d’une université ou d’un cégep non francophone.

Cette position anti-anglophone qu’il m’attribue est non seulement absurde, mais, au surplus, elle fait figure de coup d’épée dans l’eau face au réel problème du déclin du droit civil québécois dans les établissements qui l’ont historiquement mis de l’avant.

Je m’inquiète de la perte de la place centrale du droit civil à la faculté de droit de McGill. Pour MLowrie, mon propos constitue en fait une attaque contre McGill, parce qu’elle est une institution de langue anglaise. Cela n’a pourtant rien à voir.

J’aurais exprimé la même critique à une autre université qui ferait ce que fait McGill en ce moment. Critiquer celle-ci pour son abandon d’un élément central de la société québécoise comme le droit civil est non seulement légitime, mais essentiel.

À juste titre, MLowrie est fier, et avec raison, de la formation qu’il a reçue. Il faut dire que l’héritage de McGill en matière de droit civil au Québec est excellent. Voilà pourquoi il faut continuer de le perpétuer, car justement, c’est un héritage. Il est facile de s’enorgueillir du grand travail déjà accompli par des éminences grises souvent pionnières. Il est néanmoins plus difficile de se tenir sur ces épaules de géants afin d’assurer la pérennité de ce grand travail.

Contrairement à ce que MLowrie semble penser, ce n’est pas l’existence, mais bien l’abandon de cet héritage que je déplore, ce sur quoi il devrait être d’accord avec moi. À titre d’exemple, la faculté de droit de McGill a annoncé la création de deux nouveaux postes : elle recherche en effet deux candidats pour « renforcer [ses] capacités transsystémiques » dans le domaine des traditions juridiques autochtones et de la décolonisation pour l’un, et dans le domaine du droit et de l’esclavage, de la vie noire et de la critical race theory pour l’autre. McGill tourne de plus en plus le dos au rôle de bastion du droit civil québécois qu’elle a effectivement très bien joué dans le passé, mais qu’elle ne pourra vraisemblablement plus jouer à l’avenir à moins d’un changement d’orientation.

Lorsque MLowrie soulève les résultats des étudiants de l’Université McGill à l’examen du Barreau du Québec, mettant l’accent sur leur position en milieu de placement devant l’Université Laval, l’UQAM et l’Université d’Ottawa, il se trompe encore une fois de cible. Sans l’ombre d’un doute, les étudiants admis au programme de droit de l’Université McGill sont excellents – ils sont entre autres intelligents, cultivés et disciplinés – et il ne me paraît pas exagéré de croire qu’ils possèdent les capacités d’apprendre toute matière suffisamment rapidement, ou presque. Effectivement, l’Université McGill pourrait leur enseigner l’anthropologie pendant trois ans et demi comme programme de droit et ces étudiants obtiendraient sensiblement les mêmes résultats à l’examen du Barreau du Québec. Sauf que McGill reçoit 360 millions du gouvernement du Québec, et que cela constitue un choix politique que la population québécoise décide de faire.

Voudrions-nous financer un programme de droit qui enseigne en réalité l’anthropologie sous prétexte que ses élèves réussissent néanmoins à l’examen du Barreau du Québec ?

Être un civiliste ne se résume pas à connaître une matière par cœur et réussir à des examens ! Cela est beaucoup trop réducteur. Être civiliste, c’est s’inscrire dans une culture du droit. C’est développer une façon de penser le droit qui s’inscrit notamment dans l’esprit du Code civil de Napoléon. C’est appartenir et prendre part à un héritage juridique français. C’est cette tradition du droit civil au Québec qui est présentement menacée et que je veux défendre dans l’intérêt de la société québécoise.

Lisez « Poussons cette logique tordue un peu plus loin »

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