Tout ce que vous détestez de la politique

Voici comment des politiciens décrédibilisent leur profession.

La crise au Parti libéral du Québec (PLQ) va au-delà des intrigues de coulisses, des orgueils blessés et d’autres insignifiances du genre. Elle touche à quelque chose d’essentiel : la notion de service public et d’abnégation minimale attendue d’un élu.

Depuis que je couvre la politique, je ne compte plus les députés travaillants qui passent leurs soirées à analyser les articles de projets de loi, à lire les mémoires déposés au Parlement ou à régler les dossiers de citoyens comme une prestation d’assurance-emploi refusée ou une banque alimentaire dégarnie.

Quand des cyniques crachent sur l’ensemble des élus, je roule des yeux. J’essaie de rappeler que la politique peut être noble. Puis arrive un cas comme celui de Marie-Claude Nichols…

La députée de Vaudreuil tenait énormément à devenir troisième vice-présidente de l’Assemblée nationale, un poste sans pouvoir qui aurait toutefois eu le mérite de hausser son salaire, de réduire sa charge de travail et d’entretenir son orgueil.

« Le troisième vice-président, issu de l’opposition officielle, n’exerce aucune fonction administrative », précise le site de l’Assemblée nationale. Il est le remplaçant du remplaçant du remplaçant. Celui qui prend le relais pendant la pause pipi et qui préside la chambre quand, par exemple, un député salue solennellement la victoire morale de l’équipe locale bantam CC.

Difficile à dire quels étaient les projets de Mme Nichols pour innover en matière de gestion du protocole. On ne peut que spéculer. Comme on peut remarquer, de façon tout aussi hypothétique, que la prime de 35 000 $ associée à la fonction ne devait pas lui déplaire.

Mme Nichols avait de l’ambition pour elle-même. Elle s’est mise à rêver à ce poste qui l’aurait dispensée du travail en commission parlementaire, où des députés étudient à la loupe les projets de loi, article par article.

Ce n’était pas pour elle. La députée de Vaudreuil en était convaincue. Assez pour déclencher une crise avec ses collègues.

Elle a imposé cette exigence à Dominique Anglade, avec qui elle était en froid depuis quelques années. La troisième vice-présidence est réservée à Frantz Benjamin, a répondu la cheffe.

Mme Anglade lui a offert d’être critique des Transports. La députée n’en voulait pas. Elle lui a tenu tête, heureuse de fragiliser encore plus le leadership de sa rivale.

Mme Anglade a commis une erreur stratégique fatale en l’éjectant du caucus. Mais même après la démission de la cheffe, Mme Nichols n’a pas voulu revenir à la maison. Ne comprenant pas son rapport de force, elle réclamait encore son fauteuil capitonné.

***

Parler de manque de hauteur serait un euphémisme. Le parti prend sa pelle et creuse son trou avec une étonnante ardeur. La devise : toujours plus bas. Mardi, le fond a été atteint.

Le pauvre chef intérimaire Marc Tanguay s’est excusé à Mme Nichols. Il a tenté un compromis bancal : partager le poste avec M. Benjamin. Mais avec une rare maladresse, il a fait cette proposition avant d’en parler au député de Viau et à ses autres collègues.

Vexé, M. Benjamin était prêt à réévaluer son avenir politique. Quel avenir au juste ? Quelle contribution irremplaçable planifiait-il d'offrir à la démocratie du haut de son petit fauteuil symbolique ? Nul ne le sait. Mais il y tenait assez pour mettre en jeu sa carrière.

M. Tanguay s’est expliqué dans une conférence de presse pitoyable. À ses côtés, ses députés avaient le regard fuyant, comme s’ils cherchaient des yeux la sortie de secours.

Le président du caucus, Enrico Ciconne, n’a pas eu la permission de répondre aux questions des journalistes qui lui étaient adressées durant la conférence de presse officielle. M. Tanguay voulait contrôler le message. Une démonstration de force de la part d’une personne incapable de gérer le très épineux dossier de la troisième vice-présidence.

Il y a deux semaines, les recrues libérales Madwa-Nika Cadet et Frédéric Beauchemin convoquaient les médias pour parler de la pénurie de main-d’œuvre et de la menace d’une récession. Ils croyaient que la crise dans les urgences, la vétusté des écoles, l’inflation et les autres enjeux pressants pour les Québécois seraient la priorité de tous leurs collègues. Ils attendent encore.

Le PLQ n’est pas le premier parti à subir une mutinerie. Au PQ, elles étaient plutôt fréquentes. Mais au moins, les députés s’y battaient pour des idées. Pas par avarice et paresse.

Je n’ai jamais vu un parti s’entredéchirer pour si peu. Jamais vu des gens à la notoriété si faible, au parcours si modeste, réussir à déstabiliser tout un parti.

Si Mme Nichols refuse de réintégrer le caucus, qu’elle démissionne. La population de Vaudreuil avait voté pour elle, mais aussi pour le PLQ.

À en juger par sa minuscule avance de 572 votes, la confiance à son endroit était fragile. Elle vient de la trahir pour de bon.

Ces gens n’ont pas voté pour sa bougonnerie. Et ils ne croyaient pas que le PLQ pouvait être si mauvais.

Ce parti ressemble soudainement à un feu de poubelle.

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