Compliqué de prendre de l’expansion au Québec

Pandémie, pénurie de main-d’œuvre et de logements, automatisation et inflation, voilà autant d’entraves qui se posent pour les entreprises qui souhaitent prendre de l’expansion aujourd’hui ou de facteurs avec lesquels elles doivent apprendre à composer.

C’est le cas notamment de l’entreprise SP de Saint-Hyacinthe, le principal fabricant de chandails pour équipes professionnelles de hockey en Amérique du Nord, qui annonce cette semaine un investissement de 20 millions dans une nouvelle usine de fabrication à Saint-Hyacinthe qui va remplacer l’usine existante devenue vétuste.

J’ai rencontré pour la première fois Steve Bérard, le propriétaire et président de SP, il y a trois ans lorsque ce dernier s’apprêtait à faire l’acquisition de robots pour augmenter la productivité de ses installations (SP a aussi une usine à Granby) et compenser la pénurie de couturières qui affligeait déjà l’entreprise.

L’entrepreneur s’était aussi engagé dans le processus d’embauche à l’étranger pour combler une fraction de ses besoins en main-d’œuvre spécialisée.

« Avec l’arrivée de la pandémie en 2020, il a fallu fermer nos usines qu’on a rouvertes plus tard avec la moitié des effectifs pour confectionner des chemises d’hôpital. Le marché des uniformes de sport s’est effondré. On a dû reporter tous nos projets d’expansion », relate Steve Bérard, dans ses bureaux de la vieille usine de Saint-Hyacinthe, accompagné de Tania Berlinguette, directrice de la planification stratégique et de la culture chez SP.

À titre informatif, SP fabrique pour Adidas les chandails des 32 équipes de la LNH, mais a aussi le contrat avec Nike pour la fabrication des chandails de toutes les équipes de la Fédération internationale de hockey sur glace (les équipes nationales olympiques) et de toutes les équipes des ligues canadiennes et américaines (notamment la Ligue de hockey junior majeur du Québec) pour le compte de CCM.

Autre élément surprenant à savoir, chaque équipe de la LNH commande à SP 1000 chandails par année (500 aux couleurs locales et 500 pour les parties à l’extérieur). Après quelques parties, les chandails usagés sont donnés à des œuvres de charité.

« On fait dans le haut de gamme. Chaque chandail est fabriqué à partir de 22 morceaux qui sont cousus par nos couturières. On fait dans la haute couture. Les chandails à haut volume que l’on fabrique pour les équipes mineures ou scolaires sont faits de cinq morceaux assemblés », précise le PDG.

Expansion aux États-Unis et en Europe

Les projets d’expansion de l’usine d’il y a trois ans ont donc été réactualisés et ils seront achevés d’ici la fin de l’année.

« On investit 20 millions dans l’achat et la transformation d’une usine de 115 000 pieds carrés, près du double de notre superficie actuelle, pour en faire un lieu de travail éclairé avec une belle qualité de vie. On investit aussi 2 millions dans l’automatisation de certaines fonctions pour augmenter notre productivité », explique Steve Bérard.

Cela dit, les problèmes de main-d’œuvre ne sont toujours pas réglés. SP a dû interrompre au printemps 2020 le processus d’intégration d’une première cohorte de 10 couturières en provenance de Bosnie.

« On avait fait les démarches en 2019 auprès de l’immigration et on a réduit à 3 le nombre de couturières qui sont arrivées au printemps 2021, en pleine pandémie. Là on attend trois cohortes, dont deux de Tunisie et une autre de Colombie, parce qu’on a droit à un maximum de 30 travailleurs émigrés spécialisés. »

— Tania Berlinguette

Outre l’enjeu de la date exacte de l’arrivée de ces nouvelles employées, dont plusieurs dossiers sont toujours en suspens à l’immigration, il y a celui tout aussi complexe de leur trouver un logis pour les héberger une fois arrivées.

« On travaille avec la Ville de Saint-Hyacinthe pour trouver des solutions. Ce n’est pas simple. On va peut-être devoir acheter des immeubles à logements pour pouvoir les loger. On va le faire s’il le faut », précise Steve Bérard.

Le PDG doit aussi composer avec la hausse des salaires pour assurer une plus grande rétention de ses 260 employés actuels.

« C’est un enjeu constant. Le taux de roulement est élevé même si on affiche un taux d’ancienneté moyen de 17 ans. On a amélioré les conditions de travail, on automatise certaines fonctions. On doit aussi absorber des coûts d’approvisionnement en fil et tissus plus élevés », observe-t-il.

Mais la qualité des uniformes sportifs de SP lui permet d’envisager une expansion aux États-Unis où l’entreprise veut distribuer davantage de chandails pour le baseball mineur et pour la crosse en milieu scolaire, un sport plus populaire que le hockey aux États-Unis.

« On veut aussi percer davantage le marché du hockey européen où on apprécie grandement le “made in Canada” sur nos chandails. On n’avait pas la capacité de le faire, là on va pouvoir doubler notre production », anticipe le PDG, en dépit des obstacles qu’il aura à franchir pour y arriver.

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