Nous devons agir maintenant pour rebâtir notre système de santé

Alors que la pandémie de COVID-19 pose encore de nouveaux défis, nous devons saisir cette occasion de rebâtir le système de santé pour l’après-pandémie.

En effet, les fissures apparues dans le système de santé au Canada sont de plus en plus béantes et, sans plan d’action, les soins aux patients vont continuer de se détériorer. C’est pourquoi l’Association médicale canadienne (AMC) demande instamment aux autorités des provinces et des territoires et au gouvernement fédéral d’élaborer une nouvelle vision pour le système de santé, en accordant la priorité à la planification des ressources humaines.

Il y a quelques jours, l’AMC a publié un rapport préparé par la firme Deloitte intitulé Un système en difficulté : comprendre les répercussions de la pandémie sur les soins de santé. Ce document révèle certaines conséquences de la crise qui sont dévastatrices pour la santé. En voici quelques-unes :

  • entre août et décembre 2020, les retards dans les soins de santé ou l’impossibilité d’obtenir des services pourraient avoir contribué à plus de 4000 décès excédentaires non liés aux infections de COVID-19 ;
  • les décès liés aux opioïdes ont augmenté à près de 20 par jour au cours des trois premiers mois de 2021 ;
  • les examens de dépistage systématique du cancer en Ontario ont été interrompus durant les vagues successives et, en janvier 2021, leur nombre était toujours de 20 à 35 % inférieur à ce qu’il était avant la pandémie ;
  • les deux tiers de la population canadienne vivant avec une maladie chronique ont eu de la difficulté à obtenir des soins en 2020.

Ces répercussions alarmantes – et il y en a d’autres – ne sont pas attribuables seulement à la pandémie. La cause fondamentale est le manque d’accès aux professionnels de la santé, qui ont dû soigner les patients atteints de la COVID-19 tout en répondant aux autres demandes de soins urgents. Malgré tous ces efforts, le système a abandonné trop de patients et notre devoir envers eux est de changer les choses.

Nous sommes témoins des effets d’un système dysfonctionnel qui a subi encore plus de pression en raison de la pandémie. Les travailleurs de la santé continuent à porter le fardeau, mais ils sont débordés, démoralisés et épuisés.

Pendant que nous combattons simultanément les menaces émergentes posées par le virus, nous avons la responsabilité collective de tracer une nouvelle voie. Voilà pourquoi l’AMC demande que l’on adopte des politiques qui permettront d’améliorer la situation actuelle.

Le système de santé au Canada nécessite des changements profonds, ce qui implique entre autres de repenser notre façon de gérer les ressources humaines. Étant donné que la prestation des soins de santé relève des provinces et des territoires, l’ampleur nationale de la pénurie de main-d’œuvre dans le domaine est largement méconnue. Ce que nous savons, c’est que le manque de capacité en matière de soins primaires met une pression indue sur les services des urgences et les hôpitaux. Par exemple, le Canada se situe derrière d’autres membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour ce qui est du nombre de médecins : le pays en compte 2,7 pour 1000 habitants par rapport à une moyenne de 3,5. En plus de la pénurie de médecins, la répartition du personnel de la santé est inégale : les 8 % de médecins travaillant en région rurale soignent les 19 % de Canadiens qui y habitent. L’engagement du gouvernement fédéral à investir 3,2 milliards pour ajouter 7500 médecins de famille, infirmières et infirmières praticiennes est le bienvenu, mais un plan complet relatif aux ressources humaines de la santé est nécessaire pour renforcer les effectifs.

En plus de soutenir les travailleurs de la santé, les responsables des orientations politiques doivent absolument prioriser la sécurité physique et psychologique de ceux-ci.

Le mois dernier, l’AMC a demandé au gouvernement fédéral de légiférer pour répondre à l’escalade récente du harcèlement et des menaces de violence en ligne que subit le personnel des soins de santé. Nous avons été encouragés de voir le gouvernement agir rapidement en présentant le projet de loi C-3, qui fait en sorte que l’intimidation, le harcèlement et les menaces à l’égard des travailleurs de la santé constituent une infraction criminelle, peu importe les circonstances dans lesquelles ils se produisent. Nous espérons que cette loi sera adoptée promptement par le Parlement.

Il est nécessaire de financer les soins de santé de manière soutenue, et nous demandons le versement rapide des fonds promis pendant les élections fédérales. Pour réduire les listes d’attente du système de santé, il faut un investissement de 6 milliards de dollars. En outre, plus de 9 milliards de dollars seront requis pour améliorer les soins de longue durée au Canada, ce qui comprend l’embauche de 50 000 préposés aux bénéficiaires et la mise en place de normes nationales.

Enfin, les effets de la pandémie sur la santé mentale sont de plus en plus évidents, mais nous sommes encouragés par la création du poste de la ministre de la Santé mentale et des Dépendances et ministre associée de la Santé. Ce portefeuille essentiel souligne la nécessité d’augmenter le soutien dans ce domaine.

En plus du besoin de nouveaux investissements, nous reconnaissons qu’il faut repenser la façon dont les soins seront offerts à l’avenir. Nous avons l’occasion de remettre en question le statu quo et de nous assurer que tous et toutes pourront obtenir les soins nécessaires. Mettons l’accent sur la collaboration – entre les provinces et les territoires et au-delà des lignes de parti – pour faire en sorte que la population canadienne ait accès au système de santé dont elle aura besoin à l’avenir.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.