Une triple épidémie menace les hôpitaux

Une triple épidémie risque de faire augmenter le nombre d’hospitalisations dès l’hiver, au Québec. La COVID-19, la grippe et le virus respiratoire syncytial (VRS) pointent tous le nez en même temps.

La grippe et le virus syncytial sont arrivés plus tôt qu’à la normale cette année. Entre le 23 et le 29 octobre, 57 Québécois ont eu un test positif à l’influenza (la grippe) et 477 au virus syncytial. Ces cas surviennent alors que des sous-variants d’Omicron sont sous haute surveillance aux États-Unis et en Europe.

Entre le 16 et le 22 octobre, plus de 1 cas sur 10 au Québec était lié à ces sous-variants – BQ.1 et BQ.1.1 –, soit près de deux fois plus que la semaine précédente.

Le virologue Alain Lamarre explique que les conditions sont propices à la propagation des virus respiratoires cette année. Les fermetures d’écoles et de commerces sont une chose du passé, les masques tombent et la distanciation sociale n’est plus appliquée en toutes circonstances.

« Ce qu’on utilisait comme mesures de prévention pour la COVID, ça fonctionnait pour les autres virus. Avec l’abolition de ces mesures, ça risque d’être une année normale pour la grippe et pour le VRS qui vont s’ajouter aux cas de COVID », affirme l’expert en immunologie et virologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).

Pression accrue sur un système fragile

Rien n’indique toutefois que le virus de l’influenza sera plus fort qu’à la normale même s’il arrive plus tôt. Le nombre de patients infectés par le VRS n’est pas affolant, non plus. Les cas de COVID-19 devraient quant à eux reprendre avec l’arrivée des températures plus froides, quand les gens resteront davantage à l’intérieur, explique par ailleurs le DLamarre.

« Je ne pense pas que le nombre d’infections va devenir hors de contrôle, mais ça reste préoccupant parce que le système de santé, on le sait, il est fragile. »

– Alain Lamarre, expert en immunologie et virologie à l’Institut national de la recherche scientifique

« Ce n’est pas dû à un achalandage particulièrement élevé. C’est parce que la capacité hospitalière a beaucoup diminué. Il manque de personnel, ce qui fait en sorte que le système de santé est moins capable de prendre ce qu’il avait l’habitude de contrôler dans les années précédentes », ajoute-t-il.

Nathalie Grandvaux, professeure de biochimie à l’Université de Montréal, affirme aussi que la triple épidémie, une expression née aux États-Unis, pourrait avoir un « impact majeur » sur notre système de santé. « Notre système de santé est en train de s’écrouler. Si on rajoute de la pression, on va devoir éliminer des soins pour d’autres patients. Tout le monde devrait être préoccupé parce que tout le monde connaît quelqu’un qui a besoin de soins pour autre chose qu’un virus respiratoire », dit-elle.

La chercheuse se veut toutefois rassurante. Le vaccin contre la COVID-19 a fait diminuer le nombre d’hospitalisations. Le vaccin contre la grippe, même si on ne connaît pas encore son efficacité pour la saison à venir, limitera aussi les symptômes.

« On a les moyens, on a appris comment limiter la transmission et comment prévenir les hospitalisations dans les dernières années […] Pour s’en sortir, il faut utiliser les outils de vaccination qui sont disponibles. »

– Nathalie Grandvaux, professeure de biochimie à l’Université de Montréal

Elle répète également que la ventilation, le lavage des mains et le port du masque dans les foules ou lorsqu’on présente des symptômes grippaux sont des mesures qui ont fait leurs preuves.

Une flambée de grippe aux États-Unis

Aux États-Unis, la tripledemic ou la tridemic suscite encore davantage d’inquiétude. Le Centre national de l’immunisation et des infections respiratoires a d’ailleurs tenu une conférence de presse vendredi pour faire le point sur les trois épidémies qui sévissent simultanément.

« Nous constatons les taux d’hospitalisation les plus élevés pour la grippe depuis une décennie », a déclaré le directeur du centre, le DJosé Romero. À l’inverse, le taux de vaccination contre l’influenza est plus faible que l’année dernière.

Le DRomero a également présenté le plan d’urgence qui sera mis en place si les hôpitaux se mettent à déborder. Du personnel et du matériel pourraient par exemple leur être envoyés.

« Avec les Fêtes qui approchent, la vaccination demeure la meilleure protection contre les infections », a-t-il fait valoir.

Pour le moment, des vaccins sont offerts contre la grippe et la COVID-19. Des essais cliniques sont en cours pour deux vaccins contre le VRS.

Bilan de la COVID-19 au Québec

Le Québec a rapporté vendredi une baisse de 37 hospitalisations liées à la COVID-19. Toutefois, 9 morts s’ajoutent au bilan de la pandémie. Les 1907 personnes hospitalisées actuellement traduisent une tendance stable sur une semaine. Aux soins intensifs, les 54 patients montrent par contre une hausse de 6 % sur une semaine. Les 914 nouveaux cas rapportés vendredi portent la moyenne quotidienne à 807. La tendance est ainsi en baisse de 5 % sur une semaine. Ces chiffres ne reflètent qu’une partie des infections totales, en raison de l’accès limité aux tests de dépistage par PCR. Pendant ce temps, la campagne de vaccination continue de ralentir. Le Québec administre en moyenne 18 600 doses par jour, soit 13 % de moins que la semaine dernière.

– Pierre-André Normandin, La Presse

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