L’héritage « énorme » d’un « visionnaire » américain
Il y a 200 ans, le 26 avril 1822, naissait Frederick Law Olmsted, dont la marque indélébile est encore bien perceptible un peu partout en Amérique du Nord. Connu pour son amour de la nature en ville, ce grand architecte paysagiste américain a transformé l’image de bien des villes, dont Montréal.
« Montréal ne serait pas Montréal sans le parc du Mont-Royal, qu’on doit à Olmsted. C’était un visionnaire. Et ce qui est assez hallucinant, c’est qu’encore aujourd’hui, on est très près de sa vision. Déjà à son époque, il voyait les parcs comme des lieux améliorant la qualité de vie et la santé des populations », explique la responsable des grands parcs au comité exécutif de la Ville, Caroline Bourgeois.
Elle affirme que le legs de l’architecte paysagiste est multiple, vantant « sa vision qu’il avait d’aller au-delà d’une définition d’espaces au cœur de l’industrialisation de son époque ».
Devenu chroniqueur radio, Luc Ferrandez a aussi été responsable des grands parcs à la Ville de Montréal, de 2017 à 2019, en plus d’avoir été maire du Plateau-Mont-Royal pendant une décennie. Pour lui, l’héritage de Frederick Law Olmsted est « énorme ».
« Avant lui, il n’y avait pas beaucoup de réflexion sur le rôle que jouaient les parcs. N’importe quoi avec du gazon et des arbres, on appelait ça un espace vert. Avec Olmsted, on a découvert la notion de paysage et d’embellissement par le paysage. Ça a fait toute une différence », dit-il.
Comme plusieurs autres à la fin du XIXe siècle, Frederick Law Olmsted a fait partie – à la fin de sa carrière – du mouvement City Beautiful, qui se définissait par la recherche de la beauté urbanistique à une fin d’abord et avant tout sociale.
« L’idée était que si la ville était belle, elle serait par exemple moins violente. Et ça, ç’a été repris dans plusieurs métropoles. »
— Luc Ferrandez, ancien maire du Plateau-Mont-Royal
« On est extraordinairement chanceux d’avoir un tel legs à Montréal. Le mont Royal, c’est une mise en scène de la nature. C’est l’idée de permettre aux gens de se ressourcer au contact de la nature travaillée subtilement, dans un contexte urbain », affirme de son côté l’architecte paysagiste Daniel Chartier, ancien fonctionnaire montréalais qui s’est voué à la protection de la montagne, ces 30 dernières années.
Pour M. Chartier, qui est aujourd’hui impliqué avec le Collectif en environnement Mercier-Est, Olmsted était un véritable avant-gardiste. « Il ne suivait pas la mode, qui dans son temps aurait été de faire des aménagements paysagers très horticoles. Lui visait une déambulation libre à travers un parc, avec des thèmes précis, et de l’espace. L’histoire lui a donné raison et on l’a vu pendant la pandémie : des parcs comme le mont Royal ont littéralement été envahis par la population », ajoute-t-il.
Malgré tout, la conception de grands parcs a bien changé aujourd’hui, avoue Caroline Bourgeois. « Aujourd’hui, la pression immobilière vient au cœur de nos actions quand on veut construire des grands parcs. Et la réalité, c’est que la vision qu’on doit avoir sur 10, 20 ou 30 ans, elle n’est pas toujours compatible avec cette pression. »
L’élue affirme que la présence de nombreuses « barrières physiques », comme les autoroutes en milieu urbain, impose aussi de nouvelles façons de fonctionner. « Dans l’Est, par exemple, si on veut relier le fleuve et la rivière, il y a l’autoroute 40. Il faut donc trouver une façon de la traverser de façon sécuritaire, dans un lieu déjà hautement industriel. L’idée, c’est de désenclaver des quartiers par des espaces verts qui les lient les uns aux autres », évoque-t-elle.
Cette idée de « corridors verts » est en effet très actuelle, ajoute Luc Ferrandez. « Au lieu d’acheter des grands espaces comme à l’époque, on acquiert davantage aujourd’hui des bouts, pour ensuite les lier les uns aux autres, amenant d’un lieu d’exception à un autre. On n’a plus d’argent pour acheter des parcs à 250 millions, de nos jours », conclut-il.