COVID-19

Le Cirque vidé de ses employés

« Je suis dans un état de bataille », dit le PDG Daniel Lamarre à La Presse

Face à la crise sans précédent entraînée par la pandémie du coronavirus, le Cirque du Soleil a procédé jeudi à la mise à pied temporaire de 95 % de son personnel, soit 4679 employés. Des compressions qui sont en vigueur dès maintenant.

La direction du Cirque a communiqué la nouvelle à ses employés jeudi matin par vidéo afin d’éviter de réunir physiquement les 1300 employés et gestionnaires de son siège social de Saint-Michel, qui travaillaient déjà de chez eux depuis le début de la semaine.

« C’est du jamais vu, s’est désolé le président et chef de la direction du Cirque, Daniel Lamarre. Ça fait 20 ans que je travaille ici, j’ai vécu des tsunamis, le SRAS, la fusillade à Vegas, mais ça ne m’est jamais arrivé de me réveiller un matin et de n’avoir aucun revenu pour cette entreprise-là. »

« C’est le jour le plus éprouvant de l’histoire du Groupe Cirque du Soleil », a écrit Daniel Lamarre dans le communiqué envoyé aux médias.

« C’est vraiment une décision difficile qu’on a eu à prendre. Il y a une semaine, j’avais 44 spectacles en représentation dans le monde. Mais les villes et les pays qui nous accueillent nous ont obligés à fermer nos spectacles les uns après les autres. Personne n’aurait pu prévoir qu’en l’espace de 48 heures, ce serait l’hécatombe. »

— Daniel Lamarre, en entrevue avec La Presse

À peine 200 employés sur les 1300 du siège social demeureront en poste à Montréal.

« Les gens qu’on garde sont ceux dont on aura besoin dès qu’on va pouvoir reprendre nos activités, a poursuivi Daniel Lamarre, c’est-à-dire que dès que la situation se stabilise dans un pays où on a un spectacle, on veut être prêts, donc ce sont des gens de tournées, de marketing, des gens d’expérience. Ce qui est paradoxal, c’est que le pays qui risque de rouvrir le premier, c’est la Chine… »

Comme l’a écrit La Presse la semaine dernière, le spectacle permanent du Cirque à Hangzhou, Un monde fantastique, pourrait rouvrir le 24 avril. « Notre partenaire en Chine nous parle même d’une tournée en juillet. Il est aussi question d’une tournée possible à Singapour, qui a été épargnée par la crise, parce qu’ils ont pris des mesures draconiennes dès le départ. »

Les 4679 employés du Cirque quittent le navire dans de bonnes conditions, s’est félicité Daniel Lamarre. « On a pris soin d’eux. »

« Ils vont recevoir leur salaire cette semaine, on va payer leurs vacances jusqu’au 26 avril, on va payer la partie de l’employé et de l’employeur pour toutes leurs assurances, on a rapatrié à nos frais 2000 employés et on a décidé de verser une somme forfaitaire de 2000 $ à tous nos artistes et employés qui ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi. C’est une dépense de 2,6 millions, donc autant je suis triste de ces mises à pied, autant je pense qu’on a agi de façon responsable. »

UNE DETTE ESTIMÉE DE 1 MILLIARD

Le président et chef de la direction du Cirque est conscient de la gravité de la situation, mais n’est pas prêt à baisser les bras.

« Je suis dans un état de bataille, je suis sur une mission, j’ai beaucoup d’énergie et je veux me battre pour ces emplois-là. J’ai travaillé beaucoup au cours des derniers jours, notamment avec le gouvernement et le ministre Fitzgibbon, à qui j’ai beaucoup parlé dans les derniers jours, et on espère que le programme mis en place par Investissement Québec va nous aider à passer à travers cette crise. »

Selon nos informations, le Cirque aurait accumulé – avant la pandémie – une dette de 1 milliard et un bénéfice d’exploitation de 120 millions (des chiffres que le Cirque n’a pas voulu commenter, sinon que pour contester le montant des bénéfices, qui serait « plus élevé »). Est-ce que ce résultat, combiné à la crise actuelle, pourrait amener le Cirque à se mettre à l’abri de ses créanciers ?

« On n’en est pas là. J’ai bon espoir qu’avec l’aide du gouvernement, on va passer à travers. »

— Daniel Lamarre

Daniel Lamarre poursuit : « La seule raison pour laquelle on pourrait éprouver des difficultés financières, c’est si la crise persistait et que personne ne venait nous aider, mais ce n’est pas le cas. Les mesures annoncées par M. Fitzgibbon [dans son plan d’aide de 2,5 milliards] vont nous aider et vont faire en sorte que les banques seront plus patientes avec les grandes entreprises. »

Daniel Lamarre considère la dette du Cirque comme des investissements. Pas question de vendre des actifs pour l’instant, a-t-il insisté. « Il n’y a rien de cela sur la table. »

« Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’actionnaire principal TPG a investi beaucoup au cours des deux dernières années, que ce soit pour l’acquisition de groupes de divertissement, la création de nouveaux spectacles, la construction ou la rénovation de nos théâtres, et là on entrait dans une phase d’optimisation, où on s’apprêtait à rentabiliser nos investissements. On avait un plan de trois ans. Avant la pandémie, on n’avait pas de problème de liquidités. On était dans une bonne situation financière. »

Le Cirque espère, comme tout le monde, que la crise actuelle ne s’éternisera pas. « Ce que je peux vous dire c’est que TPG Capital nous appuie, la Caisse de dépôt et placement (qui détient maintenant 20 % des actions du Cirque) nous appuie. Investissement Québec va nous appuyer. Donc, il faut passer à travers cette crise. Parce qu’on sait que devant nous, je peux demain matin rouvrir 44 spectacles qui vont en l’espace de quelques jours générer des revenus et des profits. »

— Avec la collaboration de Richard Dufour, La Presse

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.