Équité, diversité et inclusion

L’enfer est pavé de bonnes intentions

Sous le regard médusé de plusieurs Québécois, la « politique des identités » (identity politics), importée des États-Unis, maintient sa pression sur le dernier bastion nord-américain qui ose encore lui résister. Mais comme je le mentionnais dans mon dernier texte⁠1, l’avenir du Québec passe par la citoyenneté et non les identités.

Il nous faut donc collectivement résister à ces fausses bonnes idées qui malmènent notre conception universaliste de la société, ancrée autour des valeurs québécoises que sont le français langue commune, la laïcité de l’État et l’égalité entre les hommes et les femmes.

Parmi ces fausses bonnes idées, il y a l’approche EDI (équité, diversité et inclusion), qui est le paravent présentable de la théorie critique de la race (Critical race theory), et que certains associeront au « wokisme ».

Depuis quelque temps, les formations et certifications EDI se multiplient au sein de nos entreprises privées et de nos institutions publiques, sans avoir fait l’objet du moindre débat de société.

L’équité, selon l’approche EDI, pose problème, car le modèle québécois n’est pas basé sur l’équité, mais plutôt sur l’égalité, entre toute personne sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la « race », le sexe, la religion, etc., comme le stipule la Charte des droits et libertés de la personne. À l’inverse, l’équité, selon l’approche EDI, découle du modèle canadien et consiste plutôt à enfermer les individus dans des groupes identitaires en fonction de leur « race », leur sexe, leur religion, etc., puis à les classer sur une échelle de victimisation, pour par la suite favoriser les identités que l’on estime plus opprimées et discriminer les identités que l’on estime privilégiées. Cette manière de procéder pose d’innombrables problèmes.

L’individu réduit à une seule dimension

Tout d’abord, cette approche essentialise les individus, c’est-à-dire qu’elle les réduit à une seule de leurs dimensions. En d’autres mots, on pose des étiquettes : je suis noir, donc nécessairement je suis une victime, peu importe si j’ai réussi dans la vie, si je me suis bien intégré dans ma société ou si je me considère autrement. Ensuite, cette approche prétend l’existence d’un « privilège blanc » comme socle de son échelle de victimisation, ce qui rend complètement inintelligible toute l’histoire du Québec. En effet, notre histoire s’est d’abord et avant tout vécue à travers des clivages linguistiques, et non à travers des clivages raciaux comme aux États-Unis. De plus, favoriser certaines identités au détriment d’autres en se basant sur une échelle de victimisation ne peut conduire qu’à des rivalités intercommunautaires et à une surenchère d’accusations victimaires.

La diversité, selon l’approche EDI, pose problème, car elle associe bêtement la diversité identitaire à la diversité de points de vue et d’expériences (encore une essentialisation des individus), et elle focalise sur ce qui nous divise plutôt que sur ce qui nous rassemble.

Bien sûr, nos différences peuvent être une force, car elles nous permettent de jumeler des expertises et des expériences complémentaires, mais elles ne doivent pas primer sur notre sens du collectif, sur ce qui nous lie.

L’inclusion, selon l’approche EDI, pose problème, car elle exige une inversion du devoir d’intégration de nouveaux membres à un groupe. En effet, il est normal lorsque nous intégrons un nouveau pays, une nouvelle organisation, une nouvelle équipe ou un nouveau cercle social, de prendre le pli de ce nouvel environnement, et il se peut que cela demande des efforts. Au contraire, il n’est pas normal que ce ne soit qu’à ce nouvel environnement de se transformer pour vous accueillir ; nous en conviendrons, c’est impossible, cela demanderait autant de transformations qu’il y a d’individus.

Le piège de l’approche EDI, c’est qu’elle se drape de vertu en utilisant un vocabulaire mélioratif, c’est-à-dire des termes qui se présentent d’office positivement. Qui peut s’opposer à plus d’équité, à plus de diversité ou à plus d’inclusion ? Est-ce que s’opposer à l’approche EDI fait nécessairement de vous un être profondément inéquitable, exigeant l’uniformité et l’exclusion ? Bien sûr que non, nul ne peut être contre la vertu. Mais cette approche est une importation culturelle américaine qui génère une forte négation de notre modèle de vivre ensemble. Comme quoi l’enfer est pavé de bonnes intentions.

En résumé, consacrer l’approche EDI au Québec c’est renier notre modèle de vivre ensemble universaliste, c’est renier notre histoire, c’est renier qui nous sommes. Nous devons au contraire entamer un réel débat de société à propos de cette approche, et nous devons proposer une approche alternative qui reflète davantage notre modèle de vivre ensemble québécois.

1. Lisez « L’avenir du Québec passe par la citoyenneté et non les identités »

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