Beurre contre margarine
En 2016, les Canadiens ont mangé 3,13 kg* de beurre par personne. Jamais ils n’en avaient consommé autant depuis 25 ans. La margarine résiste, avec une consommation par habitant de 2,89 kg*. À portions égales, tous deux contiennent autant de calories et de gras. Qui va remporter le combat ?
Round 1
Dès les années 50, le rôle du méchant a été attribué au beurre. Sa teneur en gras saturés a été jugée néfaste pour la santé, particulièrement du cœur. « On a dit aux gens : “Mangez plutôt de la margarine, qui contient des gras polyinsaturés, bénéfiques pour votre cœur” », rappelle Bernard Lavallée, nutritionniste et auteur de N’avalez pas tout ce qu’on vous dit. Pour transformer les huiles végétales – qui sont liquides – en margarine, on a fait appel à l’hydrogénation. Sans savoir que ce processus métamorphose les gentils gras polyinsaturés en horribles gras trans.
Round 2
Favoriser les huiles végétales partiellement hydrogénées, riches en gras trans, « s’est révélé être une erreur monumentale du point de vue de la santé de la population », écrit Benoît Lamarche, chercheur en nutrition à l’Université Laval, dans L’ADN de l’alimentation québécoise. Les gras trans de la margarine se sont avérés pires que les gras saturés du beurre. Heureusement, en septembre, Santé Canada interdira le recours aux huiles partiellement hydrogénées dans les aliments, tel qu’annoncé un an plus tôt.
Round 3
Parallèlement, le beurre a repris du lustre. « Depuis quelques années, il y a un gros changement de paradigme à propos des gras dans la littérature scientifique, indique Anouck Senécal, nutritionniste et coordonnatrice de la Clinique universitaire de nutrition de l’Université de Montréal. On a longtemps eu des preuves voulant que les gras saturés étaient nécessairement néfastes pour le cœur. Là, ça semble mitigé. Certaines sources de gras saturés ne seraient pas si dommageables que ça, d’autres, oui. » Une méta-analyse récente montre que « la consommation de beurre ne semble pas influencer le risque de subir une maladie cardiovasculaire, écrit Benoît Lamarche. Ni positivement ni négativement ».
Round 4
Combative, la margarine fait valoir ses atouts verts. « Sa fabrication exige moins d’électricité, d’hectares de terres et d’eau, fait valoir le fabricant Becel sur son site internet. Becel est composée en grande partie d’huile de canola cultivé ici même, au Canada. » La production laitière, dont dépend la fabrication du beurre, est quant à elle « un important émetteur de gaz à effet de serre », souligne Élise Desaulniers, végane et auteure de Vache à lait.
Round 5
Mais la margarine, un produit ultratransformé, n’est pas lavée de tout soupçon. « On utilise maintenant de nouveaux procédés industriels pour la fabriquer, notamment l’interestérification », indique Bernard Lavallée. L’interestérification n’est pas l’association internationale des Esther, mais un processus chimique qui modifie la structure des acides gras. Cela permet de créer une margarine à la texture agréable, sans gras trans. « Malheureusement, il y a très peu d’études sur les effets des gras interestérifiés sur la santé du cœur, regrette le nutritionniste. Honnêtement, j’ai le pressentiment qu’on n’a pas appris de nos erreurs. Dans quelques années, il se peut qu’on se rende compte que les gras interestérifiés avaient un effet auquel on n’avait pas pensé. »
Round 6
Que choisir avant d’en savoir plus, beurre ou margarine ? « Si c’est avec modération, c’est une question de goût », tranche Anouck Senécal. Il faut surtout consommer de bons gras, présents dans les huiles végétales, les avocats, le saumon, les noix, les graines, etc. Partout autour de la Méditerranée, au petit-déjeuner, les gens arrosent d’ailleurs leur pain d’huile. Une pratique que Bruno Ranély, propriétaire de la boutique Olive Pressée à Montréal, voit chez sa clientèle. « Les gens sont de plus en plus conscients des bienfaits de l’huile d’olive », constate-t-il.
Round 7
Bernard Lavallée préconise quant à lui « les aliments le moins transformés possible » et la variété. Le mieux est donc d’utiliser différentes huiles en quantité raisonnable et un peu de beurre, si on le souhaite. Il cite la nutritionniste américaine Joan Dye Gussow qui, dès 1986, a dit : « En ce qui concerne le débat beurre contre margarine, je fais plus confiance aux vaches qu’aux chimistes. »