(Toronto) Personne n’aime être dans une position d’infériorité. Surtout lorsque cette position devient une figure imposée.

Personne dans l’entourage des Alouettes de Montréal n’aura une bonne réponse à offrir si la question contient le qualificatif « sous-estimé ».

Bien entendu, les adversaires des Alouettes en finale de l’Est, ce samedi, ont une fiche de 16 victoires et 2 défaites en 2023, la meilleure de l’histoire de l’équipe et l’une des meilleures de l’histoire de la Ligue canadienne de football. Les Argonauts de Toronto ont également eu le dessus trois fois sur les Montréalais cette saison.

Si ce duel a des allures de David contre Goliath, aucun joueur des Alouettes ne revendique ce statut. Et à la longue, monter en épingle ce faux sentiment de négligés imposé par les experts devient un peu irritant, estime Marc-Antoine Dequoy.

En fait, ce qui est fatigant, c’est n’importe quelle question qui est répétée.

Marc-Antoine Dequoy

En même temps, le Québécois comprend la convention selon laquelle dans chaque affrontement, une équipe est considérée comme favorite et l’autre comme négligée. « Le discours est compréhensible. Ce que vous voyez, c’est qu’une équipe a battu l’autre trois fois et a une fiche de 16 victoires et 2 défaites, alors c’est normal que ce narratif soit sorti. »

Mais dans le vestiaire, le mot commençant par S n’a jamais été prononcé. La construction de cette fausse réalité fait peut-être la manchette, mais concrètement, elle n’est même pas évoquée, jure Dequoy : « Nous, avec l’équipe, on parle de ce qu’on est capables de faire, on se dit qu’on est au même niveau qu’eux, et on arrive devant les médias et on se fait dire qu’on est les sous-estimés. Donc il est là, le clash. Nous, on n’y pense pas, parce que ce n’est pas discuté à l’intérieur de l’équipe. Et les entraîneurs ne nous motivent pas non plus avec le discours des médias, parce que ce n’est pas le sentiment au sein de l’équipe. »

Plus que le résultat

Les Argonauts ont beau avoir offert l’une des meilleures campagnes de l’histoire du circuit, David Côté rappelle à quel point les Alouettes reviennent de loin. « Personne ne nous voyait là en début d’année. Tout le monde pensait qu’on allait finir derniers dans la ligue. »

Or, l’équipe a terminé la saison avec un dossier victorieux et en deuxième place de la division Est. « On n’a aucun sentiment d’infériorité même si on a perdu trois fois contre eux cette saison. […] C’est à nous de prouver qu’on a notre place dans la cour des grands », estime le botteur.

Comme l’a exprimé la vedette du dernier match, Darnell Sankey, « la fiche ne compte plus. Tout ce qui importe, c’est quelle équipe travaillera le plus fort au jour J ».

Et dans cette optique, la pression est davantage sur les joueurs des Argonauts, car ils ont tout à perdre. Avec une semaine de repos, qui plus est, les Torontois auront toutes les raisons du monde d’arriver au BMO Field le torse bombé.

« Je pense que pour certains joueurs, ça pourrait être une déception si on ne gagne pas après la saison qu’on a connue. Mais on ne peut pas penser ainsi », croit l’entraîneur-chef Ryan Dinwiddie.

Son quart-arrière Chad Kelly ne veut pas s’arrêter aux différents statuts attribués aux équipes pour mieux se préparer ou se motiver. « Je ne pense pas que ça vaille la peine de se demander qui est le négligé et qui a la pression. Même si on est les favoris, on veut gagner chaque fois et on enfile nos bottes de travail. Ce que disent les médias nous importe peu, et à ce point-ci, ça ne change plus rien. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

A.J. Ouellette reçoit le ballon des mains du quart-arrière Chad Kelly, des Argonauts de Toronto.

Le dangereux porteur de ballon A.J. Ouellette, qui insiste pour qu’on prononce son nom de famille « Ouh-lette », est du même avis : « Tu peux trouver de la motivation en étant sous-estimé, comme tu peux trouver de la motivation en étant le favori. »

De toute façon, l’enjeu est si important que selon le discours tenu par les joueurs, être favori ou sous-estimé ne change rien. Sauf à faire jaser.

Dans tous les cas, les Alouettes voudront passer de la parole aux actes, promet Sankey : « On a vraiment bien joué lors du dernier match, mais il y a tout de même une partie du match où on jouait en deçà de nos standards. Donc, si on peut jouer comme on est capables de jouer du début à la fin, on aura un bon résultat. »